Chapitre [146]

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Dire que la bibliothèque de Paris était grande serait un euphémisme.

Une grande allée entourée de rayons de bibliothèques et à laquelle s'ajoutait au milieu quelques tables se trouvait juste devant Francesco et Thérèse.

Le tapis rouge dont était garni le sol et les bordures dorées qui couronnaient les piliers de bois verni faisaient totalement tâche dans un Paris en reconstruction qui gardait encore quelques traces de la Révolution. Nos deux amis avaient l'impression d'entrer dans un lieu bien trop magnifique pour leur classe sociale peu élevée.

L'empereur avait vraiment tout embelli et amélioré. C'est vrai qu'apparement, il est très attaché aux livres. Pas étonnant qu'une des premières choses qu'il eût faite en arrivant au pouvoir fut de remettre à neuf la bibliothèque qui était censée représenter tout un pays, et contenant des informations sur une Europe, un monde, une diversité sans faille ni limites.

Thérèse avait la bouche grande ouverte. Les seuls livres qu'elle n'avait jamais vus étaient la quelque dizaine d'ouvrages que détenait Francesco. Là, ce qu'elle voyait était presque spectaculaire.

- C'est magnifique... regarde tous ces livres! On peut tous les lire! Et apprendre et savoir plein de choses! Je croyais que la bibliothèque avait été détruite durant la Révolution, c'est ce qu'on m'avait dit, mais c'est faux, regarde tout ça!

- C'est car l'Empereur a tout restauré.

Francesco n'arrivait plus à quitter son regard de l'immense pièce. Même à Naples, la bibliothèque n'était pas aussi majestueuse...

- C'est vrai? Alors je l'aime, l'empereur! Il faudra que je le remercie si je le rencontre un jour!

- Haha, ce sera difficile. Alors, dans quel rayon veux-tu aller en premier? Quel sujet t'intéresse?

- Hmm... le Royaume de Naples!

Francesco afficha un grand sourire. Autant dire qu'il était ravi que la petite fille choisisse ce thème.

- Alors... il faut d'abord trouver les livres d'Histoire, ensuite nous chercherons par pays.

Les recherches furent donc commencées.

Une demi-heure plus tard, Thérèse avait déjà quelques livres dans les bras et Francesco la tête entre deux étagères. Quand ce dernier fut interpellé.

- Francesco? Mais oui, c'est bien toi! Ces cheveux, je pourrais te reconnaître parmi mille!

- Hm?

Il se retourna, et fit face à un homme, un peu plus âgé que lui, les cheveux bruns crêpés sur la tête et un livre qu'il serrait contre son cœur.

Il plissa des yeux en haussant un sourcil, pas très certain de reconnaître cette personne. Néanmoins, il tenta, un air inquisiteur.

- ...Damiano?

Il lança un coup d'œil sur la petite fille blonde qui le dévisageait, à moitié caché derrière les jambes du napolitain.

- Ben mon vieux, tu n'as pas perdu ton temps! Lança-t-il aussitôt.

- ...Pardon?

- À peine sorti de l'armée que tu te trouves déjà une femme et que tu fondes une famille!

- ...Hein? Oh, non, Thérèse n'est pas ma fille! C'est, comment dire... c'est assez difficile à expliquer. Il y a une sorte d'auberge à laquelle je travaille, et, disons que la gérante s'occupe aussi d'enfants orphelins ou qui ont des parents trop pris pour s'occuper d'eux. Elle les loge et je m'occupe de leur éducation, je suis leur professeur, je fais aussi la cuisine certains soirs ou d'autres tâches.

- Oh, je vois. C'est très noble à toi.

- Oui, c'est un travail où je me plais beaucoup. Ce n'est pas difficile et j'aime enseigner. Et cuisiner des plats napolitains~ mais mon élève le plus perturbateur reste tout de même Sébastien, finit-il en riant.

- Non, Sébastien? Il est toujours avec toi? Il t'a donc bien rejoint?

- Oui, depuis l'expédition d'Égypte, il ne m'a jamais quitté! Enfin, presque, il a fait la seconde campagne d'Italie tandis que je remontais à Paris, tu te souviens, mais il m'a rejoint après, oui. Tu sais, le général Bonaparte... ce n'est franchement pas celui que je suivrai à la guerre. Je préfère de loin être sous les ordres du général Junot.

- Oh, oui, tu parlais de lui avec tant d'admiration dans la voix...!

Thérèse regardait les deux hommes converser avec des questions plein l'esprit. Qui était ce Damiano que Francesco semblait autant connaître? Un compagnon d'armes, comme tant d'autres hommes dont il avait parlé? Ou alors quelqu'un de sa famille, ou un ami de Naples? Son nom ressemblait à un nom Italien, même s'il n'avait aucun accent lorsqu'il parlait.

- ...et là, je te jure qu'il est monté sur la table, et qu'il a versé sa bouteille de vin sur son corps!

- Oh, Dieu, je comprends pourquoi tu le préfères aux autres généraux! Je suis désolé, j'aimerais rester discuter avec toi, mais mon travail m'attend. J'étais seulement venu prendre quelques ouvrages pour me documenter.

- Tu es pressé? Excuse-moi de t'avoir retenu...

- Ce n'est rien, c'est de ma faute, c'est moi qui ait engagé la conversation. En tout cas c'était une réelle joie de te revoir! En espérant ne pas attendre longtemps jusqu'à la prochaine fois!

- Non, bien sûr! Tu viendras à l'auberge où je travaille. Au revoir!

- Francesco, qui était ce monsieur? Demanda Thérèse une fois que l'homme s'était éloigné.

- C'était Damiano, un ami que j'ai rencontré en venant sur Paris il y a plus de quatre ans, en revenant de l'expédition d'Égypte. Il m'a, avec beaucoup de sympathie, aider à m'héberger alors que je n'étais encore qu'un pauvre napolitain perdu dans la jungle parisienne~. Mais il travaille comme secrétaire à l'ambassade Italienne, et je ne le vois malheureusement plus beaucoup.

- Il est italien alors!

- Oui, enfin en partie. Ses parents le sont, mais il est né et a grandi en France. Sinon, ces livres te conviennent? Tu n'en veux pas d'autres?

- Non, merci, et puis je mettrai déjà assez longtemps à lire ceux-là..!

- C'est bien. Maintenant il faut passer au bureau là-bas, pour que l'on nous enregistre.

- ...On peut vraiment emporter ces livres chez nous?!

- Oui, mais il faut les rendre rapidement, et il faut y faire très attention.

- J'en prendrai soin alors!

- C'est bien... allez, allons-y.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant