Chapitre [44]

34 2 3
                                    

Février 1798.

Junot fixait la nuit noire à travers sa fenêtre. Il était dans son lit, emmitouflé dans des couvertures. Il n'était pas si tard pourtant. Il devait être à peine neuf heures du soir. Pour la société parisienne, c'était encore tôt... des bals et fêtes devaient avoir lieu dans tout Paris. Mais il n'avait aucune envie de s'y rendre.

Tous les jours, il s'ennuyait. Il vivait de l'argent de son général, qu'il voyait à peine, comme l'inverse avait été le cas il y a plus de deux ans. Il passait ses journées à lire, à s'entraîner à l'épée, voire même à cuisiner lorsqu'il s'ennuyait le plus.

L'ambiance était si lugubre que lorsque quelques coups frappèrent à la porte, il crut à un fantôme. Et la masse noire qui s'approchait de lui après avoir ouvert la porte n'aida pas. D'un geste rapide, il attrapa son épée qu'il posait près de son lit et la pointa droit devant lui en criant :

- HORS D'ICI, ESPRIT MALIN!!

Entre temps, le nouveau venu avait enfin réussi à allumer sa bougie. Junot laissa de suite tomber son épée de stupeur en voyant son identité.

- Eh bien, mon Junot, tu as de curieuses façons d'accueillir tes invités...

Il était si choqué qu'il n'arrivait à dire mot, ni même à bouger.

- M... Mon... g... g... général... bégaya-t-il.

Il lui sauta au cou, manquant de le faire basculer en arrière.

- Holà, doucement! Veux-tu que je brûle le tapis, ou que je te brûle toi?

- Mon général... Mon général!! Est-ce un rêve? J'ai cru... que vous m'aviez abandonné!! Oublié!!

- Bien sûr que non, voyons... j'étais seulement... très occupé.

Le bourguignon lâcha un grognement.

- Avec le gouvernement ou avec votre femme, cette fois?!

- Junot...

Il le repoussa.

- Vous m'aviez promis... que vous resteriez toujours à mes côtés... que l'on mourra ensemble... alors pourquoi vous être marié, et avec la femme la plus sotte de Paris, qui plus est!!

- Tu es encore jaloux... tu sais bien que je vous aime de manière très différente... et aussi de manière égale.

- Vous vous moquez de moi?! Vous aussi vous faisiez des crises de jalousie lorsque je vous disais que je tenais à Auguste autant qu'à vous, et pourtant je ne protestais pas!

Napoléon se mordit la lèvre. Il n'avait pas tort.

- Oui, eh bien... eh bien au moins, ainsi nous sommes quittes, finit-il par dire un peu hasardeusement.

Il posa la bougie sur la table de nuit, et avant que Junot ne puisse répondre quoi que ce soit, il le fit définitivement taire en collant ses lèvres aux siennes. Il avait attendu des jours pour se décider à le lui donner. Ce baiser chaud qui lui avait tant manqué le rassassia. Son compagnon fut d'abord surpris, mais finit par répondre à ce baiser plutôt soudain. À tâtons, il chercha sa main, qu'il serra avec force dès qu'il l'eût trouvée.

Après une longue minute d'un baiser de retrouvailles langoureux, il le prit dans ses bras, et ils restèrent ainsi un moment, sans parler.

Lorsque Napoléon caressa puis tira son oreille, Junot ne pu s'empêcher de rire.

- Cette situation me rappelle d'agréables souvenirs...

Il lui embrassa la joue comme réponse.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant