Août 1795
Junot se retourna sur le lit.
Il s'ennuyait terriblement.
Et son général qui était soit à Marseille soit à son travail... il ne le voyait quasiment plus depuis des semaines. Muiron travaillait aussi et Marmont crayonnait des paysages parisiens pour vendre ses dessins à des passants. Il se sentait seul.
Il serait bien allé dessiner avec Marmont, mais il faisait trop chaud pour lui dehors, et contrairement à ce dernier qui avait un diplôme des Beaux-Arts, lui dessinait aussi bien que son général écrivait et que Luciano faisait la cuisine.
Tiens, Luciano, il serait bien allé le voir, lui. Mais allez savoir où il se trouvait...
Il avait pris un livre mais il était bien trop compliqué et ennuyeux pour qu'il ne parvienne à se concentrer dessus.
Il sursauta et se releva d'un coup en entendant la porte s'ouvrir. Il ouvrit grand les yeux en voyant la personne qui se tenait devant lui.
- Mon général, vous êtes revenu!!
"J'ai comme une impression de déjà-vu..." pensa ce dernier.
En effet, le Corse était bien là, et il ne transpirait même pas.
- Nous sommes déjà fin Août et pourtant nous pourrions encore nous croire en plein milieu de l'été.
- J'imagine qu'il faisait bien plus chaud à Marseille qu'à Paris...
- Pas tellement, soupira-t-il. Et moi, je n'ai pas si chaud que ça. J'apprécie même la chaleur.
Junot vint le prendre dans ses bras et se blottit contre lui. Il était frais.
- Et bien moi, c'est le contraire. Le froid ne me fait rien mais la chaleur l'épuise. Hmm... je suis... heureux de vous revoir...
Napoleone lui sourit doucement.
- Moi aussi, Junot. Ta désinvolture m'a manqué, bien que mon plus jeune frère pourrait presque te battre là-dessus.
- ....Lequel?
- Girolamo. Il a à peine dix ans et il est déjà bien bavard. Exactement comme Luciano à son âge... c'est à croire que je suis puni d'être si calme et silencieux, à être entouré d'amis et de frères constamment plein d'énergie et fatiguants. Avec Marmont et toi, on se croirait en Corse. Tout le monde crie là-bas, que l'on soit dans la pièce d'à côté ou à quelques centimètres. Tu n'as qu'à écouter ma mère... le pire, c'est au marché. C'est pareil en Bourgogne?
- Hm, cela dépend. L'on ne crie pas mais nous ne sommes pas calmes non plus. Au village, cela va encore, mais je vous conseille de ne pas vous rendre le soir dans les auberges, rit-il. En Bourgogne, vin ou non, l'on sait s'amuser.
- Lorsque je vois mes deux bourguignons, je m'en doute assez.
Junot sourit et soutint son regard.
- ...."Mes" deux bourguignons~?
Le corse déglutit.
- J... J'ai mal parlé!!
- Quel lapsus~
- Tais-toi!! Je parlais d'amis, voilà tout.
- Oh, mais je n'ai jamais rien vu d'autre~.
Voyant que son amant n'avait visiblement pas de sens de l'humour, Junot engagea la conversation sur un autre sujet.
- Oh, et j'ai oublié une chose!! Votre anniversaire, c'était il y a une semaine, et je n'ai rien pu organiser, puisque vous n'étiez pas là!
- Ce n'est rien. Ce n'est pas important pour moi.
Il s'assit sur le lit, et Junot le suivit en prenant ses deux mains dans les siennes.
- Je n'ai rien à vous offrir, si ce n'est mon amour éternel.
- C'est déjà le plus beau des présents.
Il l'embrassa tendrement, sa main caressant sa joue, jusqu'à ce que Junot rompe le baiser pour le regarder dans les yeux.
- Mon général... n'en avez-vous pas assez de faire sans cesse des allers et retours entre Paris et Marseille?
Il lâcha un petit rire. En soi, cette question n'était pas drôle, mais il s'attendait à quelque chose de plus romantique.
- Je dois bien aller voir ma famille. De plus, j'enseigne à mon frère Louis, je leur donne l'argent qu'il leur faut... ils ont besoin de moi en ce moment. Et je suis obligé de rentrer à Paris, je ne peux vous abandonner, ni vous ni mon travail.
Junot repoussa plus loin son livre ouvert sur lequel il n'avait pas posé les yeux depuis plusieurs minutes et gonfla les joues.
- C'est que... vous me manquez...
Napoleone sourit en coin et lui ébourriffa les cheveux.
- Tu ressembles à mon petit frère. La même mine boudeuse. Lui non plus, ne voulait pas que je le quitte.
- C'est le pire compliment que l'on puisse me faire... en parlant de petit frère, comment va Luciano?
- Luciano? Ah, je n'ai pas de nouvelles de lui. Il doit s'occuper de ses affaires... et puis je peine déjà à l'emmener au bureau des affaires de Paris, alors à Marseille, tu imagines. Mais toi aussi, tu as des frères et sœurs, non?
- J'ai deux frères et deux sœurs... un de chaque plus grand et plus petit...
- Tu ne parles jamais d'eux.
- Ils ne sont pas intéressants.
- Les miens non plus.
- Au moins, les vôtres, ils font des choses.
- Et pas les tiens?
- Pas vraiment. Ils sont tous en Bourgogne, et mariés. Enfin, sauf mon plus jeune frère. Mais c'est un peu comme vous, j'ai grandi avec ma plus grande sœur et comme je suis allé au collège, je n'ai pas connu les autres.
- C'est bien dommage.
- Il ne valent peut-être pas la peine que je les connaisse plus.
- C'est tout de même ta famille...!
- Je ne le ressens pas...
- Pourtant, la famille, c'est sacré.
- Maintenant, vous êtes ma famille... venez encore dans mes bras. Je vous aime tellement, que je pourrais traverser des déserts pour vous rejoindre!
- Quel fou tu es, sourit-il en posant sa tête sur son épaule.
Junot lui embrassa le front.
- Je serai toujours fou... fou de vous...
Et il l'embrassa tout court.
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Folie rime avec irréfléchi
Ficción históricaUn soldat qui rêve de voyages, un général qui devient l'amant d'un futur empereur, et tant d'autres encore, toutes les histoires méritent d'être racontées. Sous la Révolution, le Consulat et l'Empire, guerres et amours s'entrecroisent, tout comme le...