Chapitre [46]

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Sur le navire, les jours ne se comptaient plus. Junot ne savait même pas si cela faisait deux jours, deux semaines, ou même deux mois que ce navire voguait sur les flots de la Méditerranée ; ce qu'il savait en tout cas, c'est que les étoiles qu'il fixait paraissaient de plus en plus belles chaque soir.

Il tourna légèrement la tête pour observer ce que faisaient les autres. Les soldats devaient vaquer à leurs occupations plus loin, ou dormir, car les seules personnes qui parurent dans son champ de vision furent des scientifiques qui discutaient avec le général en chef.

Le regard bleuté de Junot se concentra particulièrement sur ce dernier. Nulle étoile en cette nuit ne brillait plus que lui... son visage était détendu, et le blond crut même y voir un sourire. Il n'était pas très loin d'eux, et tendit l'oreille pour écouter leur conversation, sans quitter son idole des yeux, qui avait la tête dans les étoiles.

- Ce ciel semble si intéressant. Mais dites-moi, mon cher Monge, pensez-vous qu'il soit possible que d'autres êtres vivants semblables aux humains peuplent ces planètes lointaines?

- Eh bien, citoyen général, ce n'est ma foi pas impossible. Si autour de toutes ces étoiles tournent des planètes comme la Terre tourne autour du Soleil, la probabilité que nous ne soyons pas seuls dans cet Univers infini est bien forte.

- Conquérir l'espace... croyez-vous qu'un jour les Hommes en soient capables?

- Je ne peux vous répondre. C'est un rêve un peu trop fou et irréaliste.

- Conquérir l'Orient l'était aussi, et pourtant César et Alexandre l'ont fait.

- Et est-ce aussi votre but?

le général Corse laissa échapper un léger rire.

- Non, voyons, mes désirs s'arrêtent aux découvertes et à la civilisation de ce pauvre peuple arabe opprimé. Ce dont je suis sûr, en tout cas, c'est que je veux reconstruire la France, et que ma vie soit profitable pour autrui. Nous sommes dans une ère nouvelle, et la France ne demande qu'à redorer son blason.

- Mais ne pensez-vous pas que cette expédition d'Égypte va l'appauvrir?

- Ne me faites-vous donc pas confiance, même après la glorieuse campagne d'Italie que nous avons mené? Le Directoire souhaite que nous nettoyions l'Égypte de sa peste anglaise et ottomane... mais mes projets sont tout autres et bien plus intéressants. Mais enfin, ne parlons pas de mes ambitions ; cette nuit est à la science et l'astronomie. Expliquez-moi plutôt comment il est possible que ces étoiles qui brillent pourtant toujours devant nos yeux soient en réalité mortes.

- Eh bien, voyez-vous, l'univers est immense et le temps n'y est pas compté aussi facilement que sur la Terre où le Soleil règle les heures, de ce fait la lumière met des milliers d'années à parvenir jusqu'à nous. Certaines étoiles que nous voyons ce soit sont peut-être éteintes depuis l'homme existe.

- C'est vraiment fascinant. Nous avons ces éclats de lumières au-dessus de nos têtes depuis l'aube de notre naissance et pourtant elles nous restent encore en partie mystérieuses...

- Mais la science avance de plus en plus! Et avec le savoir des Égyptiens, nous ne pourrons que nous amélio-

Le scientifique se tut à l'entente d'un ronflement bien sonore.

Le coupable fût vite trouvé ; Napoléon haussa un sourcil en voyant Junot endormi contre le mât, et s'approcha de lui, ce qui le fit se réveiller.

- Junot, qu'as-tu donc à ronfler ainsi?

- Hmm...? Mon général, mais c'est votre fichu institut qui endort tout le monde, excepté vous! Bâilla-t-il.

Le corse roula des yeux.

- Va donc te coucher dans ma cabine. Un lit sera bien plus confortable que ce pont.

- Dans votre cabine?

- D... Dans ta cabine, je veux dire! Allez!

Junot se leva en riant, bien amusé par ce lapsus. Et il disparu à l'intérieur.

Napoléon retourna vers Monge en reprenant ses esprits.

- Mon cher, je pense qu'il est temps d'aller nous coucher. Nous reprendrons cette discution demain.

Le savant le salua et alla se coucher à son tour, et le général ne tarda pas à l'imiter, après avoir observé le ciel quelques minutes de plus.

En rentrant dans sa cabine, il posa machinalement sa veste sur la table tout en bâillant. Il se figea en voyant le lit. Cet abruti de Junot était vraiment venu se coucher dans sa cabine.

Il n'avait pas la force de le réveiller encore une fois et de le faire sortir. Tant pis, cette fois il allait être généreux. Il prit soin de fermer la porte à clé, et après avoir revêtu sa tenue de nuit, alla se coucher à ses côtés.

Il mis son bras sur son torse, remarquant par ailleurs qu'il ne s'était pas changé, et contempla son visage endormi.

Il avait l'air si calme... on avait du mal à croire que le jeune homme qui dormait paisiblement devant lui était le même qui s'élançait tête la première dans la bataille en poussant un grand cri de guerre.

À quoi pouvait-il rêver? De l'Égypte, de son idole, allez savoir.

- Bonne nuit, mon Junot, lui dit-il en déposant un baiser sur son front.

Qu'il dorme en paix tant qu'il le peut encore...

~ ☘ ~

Bien plus loin, et pourtant toujours sur la Méditerranée, les Anglais traquaient les Français sans résultat. Chaque jour, Nelson se rongeait encore plus les sangs à l'idée de ne jamais les retrouver. Ils étaient partis de France, et s'étaient élancés dans cette vaste Mer, ils ne devraient pas être si difficile à croiser! Si au moins ils connaissaient leur destination...

Et comme si cela ne suffisait pas, l'amiral venait encore une fois de vomir ses tripes dans la mer bleutée.

- Sir, vous allez bien..?

- Je n'en sais rien, Hardy. Je n'en sais rien...

- Voulez-vous que j'appelle Mr. Beatty? Je suis sûr qu'il pourra aider pour votre nausée...

- Ne l'embêtez pas pour cela, il a bien mieux à faire. Cette nausée passera! C'est un tout autre mal qui me ronge depuis quelques jours...

- Ne vous inquiétez pas, nous trouverons la flotte française, j'en suis certain. Lui répondit Hardy avec un sourire encourageant.

- J'espère... oui, j'espère...

- Allez donc vous reposer un peu, my Lord.

Oui. Du repos. C'est ce dont Nelson avait besoin.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant