Chapitre [72]

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Suez! Enfin, ils y étaient! De nombreux soldats s'étaient écroulés morts de faim, de chaleur et de soif au milieu du désert, mais ses recherches valaient bien un peu de sacrifices. Bien sûr, il y tenait, à ses soldats, mais il valait mieux que ce soient eux qui meurent et non de ses scientifiques.

Napoléon observa l'horizon. Seul le désert lui faisait face. Pas même un village ou un palmier dans le champ. Il ouvrit juste le bouton du haut de son uniforme, et rejeta ses cheveux en arrière. L'on était en milieu d'après-midi, et il faisait encore si chaud...

Il décida d'aller vérifier proprement l'avancée des travaux, qui avaient débuté il y a quelques heures. Pour une fois depuis quelques semaines qu'il pouvait s'occuper d'autre chose que de son armée, il allait en profiter.

Le dos droit, derrière lequel il avait lié ses mains, il s'approcha des premiers scientifiques qu'il vit. Ils étaient deux, à genoux à prendre des mesures.

- Les travaux avancent-ils bien? Leur demanda-t-il avec sérieux, les mains toujours derrière le dos.

Les deux hommes levèrent la tête dans un bref sursaut.

- Citoyen général! Oui, ils vont bon train.

- Nous avons seulement du mal avec nos outils, l'informa l'autre homme avec hésitation.

- Comment cela?

Il mit un instant à répondre, se raclant la gorge.

- C'est-à-dire que... il est difficile de travailler sans notre équipement de topographie, débuta un scientifique, un peu gêné.

- Vous ne les avez pas avec vous?

- Eh bien, nos niveaux de bulles à air et à lunettes ont été perdus lors du naufrage du Patriote il y a six mois, à Aboutir...

- Et le reste a été volé ou détruit lors du pillage de la demeure de Cafarrelli, vous souvenez-vous, au moment de la récente insurrection du Caire, avant que nous partions, rajouta un autre, comme pour accentuer l'aspect dramatique de leur situation.

Napoléon afficha une mine concernée.

- En effet. C'est très problématique.

Mais que pouvait-il y faire? Il était général en chef, pas magicien.

- N'en avez-vous pas gardé malgré tout, ou reconstruit? N'aviez-vous pas les vôtres?

- C'est que, citoyen général, nous les avions tous placé dans l'atelier de Cafarrelli...

- En voilà une belle idée! Si un soldat ne se sépare jamais de ses armes, un scientifique ne se sépare jamais de ses outils!

- Nous sommes désolés... dirent-ils en chœur avec culpabilité.

Il ne leur accorda pas davantage d'importance. Sans même les regarder une dernière fois, il continua sa ronde, et s'avança vers un autre homme, qui actuellement s'énervait sur ses mesures. Il le vit jeter feuilles comme matériel au sol. Alors il s'approcha pour pouvoir en savoir plus.

- Eh bien, qu'est-ce donc qui vous met dans cet état?

- Ce matériel est inutlisable! Il est incompatible! Pesta-t-il sans se rendre compte qu'il parlait au général en chef.

- ...C'est-à-dire?

- Voyez cette chaîne d'arpenteur, elle s'est brisée dès que je l'eus posée sur le sable. Et elles sont graduées en mètres, alors que nos mires le sont en pouces! Comment voulez-vous travailler correctement avec des instruments de mesure qui ne sont pas en raccord les uns avec les autres, et qui se brisent au moindre geste brusque?!

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant