Chapitre [130]

40 2 5
                                    

Aux Tuileries, dans un des petits salons, Junot se retourna sur un canapé et regarda le nouvel empereur, la tête à l'envers.

- Mon général... c'est drôle, vous êtes tout retourné! Vous êtes assis au plafond!

Celui-ci roula des yeux mais ne pu s'empêcher de sourire en coin.

Bien qu'il n'était pas dans son bureau, il était tout de même entouré de papiers. Devant lui, sur ses genoux, sous ses fesses, à côté de lui, au sol, ils formaient une nouvelle décoration originale pour la pièce, voire une forteresse.

Et maintenant, d'après la nouvelle vision du monde du bourguignon, ils étaient au plafond.

- Mon général... j'ai entendu que vous avez fait de plusieurs généraux de votre entourage des Maréchaux. Pourquoi n'en fais-je pas partie? Je vous connais pourtant depuis bien plus longtemps! Et je ne suis tout de même pas pire qu'eux sur le champ de bataille!

Cette question cassa toute la bonne ambiance qui régnait jusque là.

- Je te l'ai déjà dit, Junot. C'est compliqué. Disons... qu'ils appartiennent à une catégorie à laquelle tu n'appartiens pas. Toi, tu es commandant de la place de Paris, et gouverneur militaire de Paris.

- Mais je veux aussi être maréchal! Ou si vraiment... vous jugez que je ne mérite pas ce titre...

- Je t'ai dit que ce n'est pas une question de mérite. Les maréchaux, ce sont... des hommes que je juge... que je souhaite récompenser pour leur loyauté. Toi... je veux te récompenser pour ton amour. Tu vois? Tu es spécial. Pour moi. Tu vaux... plus qu'eux... nous allons dire.

- Cela, je le sais, mais ce n'est tout de même pas juste... dans ce cas, vous n'avez qu'à créér une promotion encore plus spéciale de maréchaux, dont moi seul fera partie!

- Nous verrons, d'accord? Soupira-t-il plus pour le faire taire qu'autre chose.

Il y eut un instant de silence.

- ...J'ai mal à la tête, se plaignit soudainement le bourguignon.

- Ne reste pas ainsi. Tu es tout rouge ; redresse-toi.

- Hm...

Il lui obéit, tout en l'observant reprendre sa paperasse et écrire rapidement il-ne-savait quoi. Puis il le vit s'arrêter, et fixer le sol sans expression apparente.

- ...À quoi pensez-vous?

- Rien... de bien intéressant.

- Toutes vos pensées me sont intéressantes, de la plus sage à la plus légère.

- Je resongeais seulement... à un homme. Que j'ai rencontré, oh, il y a bien longtemps maintenant, je ne t'avais même pas rencontré encore. C'était à Paris, lorsque j'étais encore simple lieutenant d'artillerie, et que j'étais allé fouiller dans les affaires du Roi aux Tuileries. Je lui avais dit... que s'il acceptait de me suivre, je l'aurais fait maréchal dans moins de dix ans. À croire que je pressentais mon avenir improbable... Son physique m'était très plaisant.

- Je me dois d'être soulagé de son refus alors, j'aurais bien pu le jalouser. Comment s'appelait-il?

- Arno Dorian, si je me souviens bien. Enfin, ce n'est plus important à présent, de toutes façons je ne l'ai jamais recroisé.

- ...D'accord...

Junot soupira. Il s'ennuyait.

- Mon général... venez m'étreindre!!

- Je suis occupé.

- J'aimerais vous voir occupé à une autre tâche... ou je peux m'y mettre, moi, si cela peut vous donner envie de vous occuper de moi...

- ...Que veux-tu...?

- Le chat bourguignon veut seulement boire un peu de lait... sourit-il innocemment.

- Oh, je vois... hm... mais est-ce qu'il le mérite...?

- Oui!! Promis, je ne serai plus jaloux de personne! Je veux juste... vous... s'il vous plaît...

Il s'approcha et se mit à genoux devant lui. Le corse lui releva le menton et arbora un air hautain.

- Alors obéis aux ordres, lui sussurra-t-il avec un sourire narquois. Et pas de gaspillage...

Junot hocha doucement la tête. Il s'en léchait déjà les lèvres.

~ ☘ ~

La lune illuminait avec clarté la capitale française. Dans le plus grand palais de la ville, s'élevait par la fenêtre une voix faible et douce que l'on eût pas l'habitude d'entendre. Dans une des chambres, Napoléon caressait tendrement la joue de Junot qui s'était endormi contre lui, blotti comme un petit chat, avait-il pensé. Il lui chantait à l'oreille une petite berceuse en ne pouvant s'empêcher de laisser un baiser sur sa joue de temps à autre.

Vestre a esos estrellas

Je vois ces étoiles

Chì vestro en tio ojos

Que je vois dans tes yeux

Vestre a tios sonni

Je vois tes songes

Que vulè a realiza

Que je veux voir se réaliser...

Il regarda la tête blonde posée sur son épaule. Il avait l'air d'un ange...

- Junot...

- ...

- JUNOT!!

- Hm-mm....

Et une claque parti.

- ..Que.. qu'y a-t-il..?

- Tu dors?

- ...je dormais, mon général, avant que vous ne me réveilliez...

Napoléon lui sourit.

- Tu étais si beau. Mais je voulais entendre ta voix encore une fois...

- Je vous parlerai jusqu'à ne plus en avoir...

Il l'embrassa délicatement, allant enlacer sa main dans la sienne.

- Tu es celui qui me rend heureux... dans ce monde impitoyable.. qui me montre la lumière...

Le bourguignon afficha un sourire béat. Il ne lui dit rien, il se lova seulement davantage contre lui. Remplir ses poumons de son odeur... ressentir cette chaleur passionnée... Il s'aggripa à lui en serrant sa main jusqu'à la briser.

- Mon général... mon tendre amour... chantez encore à mon oreille... que je retourne au paradis...

Il déposa un rapide baiser sur ses lèvres entrouvertes, et se remit à chanter.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant