Chapitre [53]

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- Nous y voilà... les pyramides.

Napoléon les contempla longuement, les mains derrière le dos. Une lueur de fascination brillait dans ses yeux. Ils étaient arrivés au Caire depuis plusieurs jours, mais les affaires de l'armée et de leur occupation de la ville faisaient qu'il n'avait pas encore eu le temps de s'occuper de sa vraie priorité.

Son regard se porta sur les autres pyramides, bien plus petites. Combien de fois avait-il rêvé de ce moment où il se tiendrait enfin devant elles?

Grandes, majestueuses, elles semblaient régner hautement sur l'Égypte. Veiller sur son peuple, de quelque origine soit-il. Napoléon commanda de suite à l'un des chercheurs d'en faire une esquisse. Il fallait immortaliser ça.

L'on était en fin d'après-midi, aussi la chaleur était toujours lourdement présente, et le Soleil reflétait la dorure de ses rayons sur les parois des pyramides, leur donnant un air mystique. Le Caire était plus loin, sur l'autre rive du Nil, dont l'eau agréable profitait à de nombreux soldats. Les couleurs de la ville, de ses mosquées et maisons aux teintes vives, ainsi que les palmiers plantés çà et là en bordure du fleuve comme dans les lointaines rues, faisaient penser à un doux rêve oriental aux goûts d'épices. Un tableau s'inspirant de ce décor aurait été magnifique.

Napoléon s'approcha de l'une des pyramides jusqu'à pouvoir poser sa main sur l'unes de ses pierres. Elles étaient brûlantes, réchauffées par le Soleil. Elles avaient connu des milliers d'années d'Histoire, et renfermaient des secrets que l'Homme ne pourra jamais découvrir...

Sous sa main claire, Napoléon crut apercevoir un graffiti, et la retira en plissant des yeux. Ce n'était ni des hiéroglyphes, ni de l'arabe. L'on dirait même... du grec.

- Monge, approchez, ordonna-t-il sans se donner la peine de vérifier si le savant était près.

- Oui? Qu'y a-t-il?

- Cette inscription, elle est en grec, n'est-ce pas? Que signifie-t-elle?

Monge sortit ses lunettes rondes de la poche de sa veste, et se les mit sur le nez en plissant à son tour les yeux.

- Je lis..."Soter était ici"... un rigolo, sans doute. Ce n'est pas rare, des graffitis comme ceux-ci.

- Cela dénature ces beaux monuments, cracha le général entre ses dents.

Monge leva la tête, les poings sur les hanches.

- En effet, ces monuments sont magnifiques! Comment les Égyptiens ont-ils pu accomplir un tel prodige? S'extasia-t-il.

Napoléon détourna les yeux de l'inscription - c'était bien le cadet de ses soucis - et haussa les épaules.

- Seulement en empilant des pierres les unes sur les autres.

Et dire qu'il s'agissait là de l'un des plus grands chercheurs... il soupira et commença à écrire sur une nouvelle page de son carnet, qu'il venait de sortir de sa poche. Il y nota tout ce qui lui venait à l'esprit ; la hauteur hypothétique de la plus grande des pyramides, leur construction, leurs matières, leur possible fonction... il espérait pouvoir vérifier un jour la véracité de ses hypothèses.

- Citoyen général, vos scientifiques se montrent bien courageux.

- Pardon?

- Monge, il a entreprit de grimper la plus grande des pyramides, lui montra un officier dont il avait oublié le nom.

Il leva la tête et vit avec étonnement l'homme de sciences en pleine escalade. Il y avait un instant, il était juste derrière lui. En effet, il n'avait pas froid aux yeux.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant