Chapitre [132]

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Constant observa l'immense bâtiment qui siégeait devant lui. Une demeure digne d'être sur les Champs Élysées, avec des statues de chaque chaque côté des escaliers, couronnée par un panel étendu de fleurs et décorations végétales en tout genre.

Dire que des personnes vivaient dans un tel endroit... enfin, certains vivaient même dans de véritables palais, comme celui des Tuileries. Il trouvait ça un peu stupide, qu'une seule personne ou deux ne vive dans un immense palais. C'était du gâchis. Et du ménage à faire. Ça, il était bien placé pour l'affirmer.

Il n'avait pas attendu pour se rendre chez Marmont, il s'y était rendu dès le lendemain, profitant de sa matinée libre pour se promener et prendre l'air, lui qui était presque constamment enfermé derrière les murs du palais. Aussi il était midi passé et l'empereur dormait encore, l'on ne lui avait donc pas assigné de tâche, et les chats se tenaient tranquilles dans leur pièce. Et puis si son maître n'était pas encore réveillé, c'était la preuve qu'au moins, il récupérait bien son sommeil. Et Cambacérès ainsi que certains des ministres s'occupaient très bien du pays durant son repos.

Un peu hésitant, il monta les marches et frappa à la porte. C'est un serviteur tout de noir vêtu, avec une petite moustache de la même couleur qui vint lui ouvrir. Il le salua rapidement et fit même une légère révérence, qui mit le jeune homme mal à l'aise.

- Qui dois-je faire annoncer? Monsieur...?

- C... Constant, le... valet de chambre de l'Empereur. Je viens voir Monsieur le Maréchal Marmont, s'il est disponible, j'aimerais m'entretenir avec lui un court instant.

- Il l'est. Il prend actuellement son repas, mais je suis certain que votre visite ne le dérangera pas ; il dîne seul, il sera heureux d'avoir de la compagnie.

- Sa femme n'est-elle pas avec lui?

- Monsieur Marmont n'a pas de femme.

- V... Vraiment? Je croyais...

- Non, mais il a certaines amies qui lui rendent souvent visite. Voyez, c'est que Monsieur a un bon cœur ; s'il n'a pas de femme, c'est car il ne désire pas la chagriner lorsqu'il partira en campagne.

Au vu de ce qu'il avait très souvent entendu dans les couloirs des Tuileries - parce que oui, il en avait entendu des belles, des choses, que la presse s'arracherait -, il resta sceptique au fait que ça en soit la seule raison.

- Je vais vous conduire à sa table. Suivez-moi.

Constant porta son regarde sur les grands tableaux siégeant sur les murs. Ils étaient sombres et ne représentaient que des scènes de bataille, sauf un où était peint un paysage de colline avec un petit village au milieu. Très gai comme décoration... il préférait de loin celle de la demeure du Maréchal Ney, que la Maréchale sa femme avait décoré de toutes les couleurs possibles et inimaginables, de meubles de tous les siècles et de tous les pays. Il ne s'y était rendu qu'une seule fois, pour porter un message, et il avait été émerveillé. La Maréchale lui avait offert un thé, qu'il n'avait pas refusé mais qu'il avait été terriblement gênée d'accepter. La Maréchale, Aglaé Ney de son nom, était une personne très vive, sans être sotte, qui détenait une grande sagesse tout en aimant se montrer enjouée devant toutes les choses les plus simples. Elle lui rappelait grandement sa fiancée. Elle aussi était de nature très légère et rieuse, et faisait rarement preuve de sérieux. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il l'aimait autant, elle était le Soleil qui égayait ses jours.

- Voilà, vous pouvez vous asseoir.

Cette interruption le coupa de ses doux rêves. Il regarda rapidement la table, qui était petite par rapport à la grande pièce dans laquelle elle se trouvait, et minauda un rapide "merci" en s'avançant.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant