Chapitre [4]

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Reims. C'est dans le camp de cette ville que Junot et son nouveau corps d'armée avaient été envoyés à l'instruction.

Certes, il ne pouvait pas dire qu'il s'ennuyait ; mais il lui manquait encore un petit quelque chose, un certain réalisme peut-être, qui n'arrivait pas à combler son exaltation.

C'était dans ce camp que le blond avait compris qu'être soldat, ce n'était pas seulement courir vers l'ennemi et le tuer avec des armes dont il ne savait pas encore se servir. Oui, il y avait le maniement des armes, mais aussi la discipline et l'obéissance à adopter, et les réveils matinaux qu'il détestait. Cependant il avait quelque chose que ses compagnons n'avaient pas : le courage.

Ceux-là avaient beau être des volontaires, il en avait vu plusieurs quitter discrètement le camp la nuit, ou sursauter en entendant leur première balle tirée, ou même pleurer juste parce qu'un officier leur avait donné une claque.

Et ces hommes-là allait devenir les défenseurs de la France...

Bien sûr, ce n'était pas la majorité ; il y en avait tout autant quelques-un qui avaient plus le sens du devoir que d'autres.

Mais pas beaucoup. Et en tout cas, contrairement à bien d'autres, notre bourguignon était impatient d'aller au combat.

~ ☘ ~

Allait-il attendre longtemps? Non, car il était en route pour Arras, où les Autrichiens se rapprochaient de plus en plus de la frontière.

- Ces sales chiens, ils profitent que nous sommes affaiblis par la révolution pour nous attaquer! Pesta un des soldats.

- Bah, nous aurions fait pareil, lui dit Junot avec un air évident.

- TU aurais fait pareil! Je veux la paix, moi.

- La paix, elle n'est pas prête de revenir, s'immisca un autre de leurs camarades. Regardez l'état dans lequel est la France. Plus personne ne fait confiance au Roi, elle s'attaque à elle-même en plus d'être attaquée par l'ennemi... si cela ce trouve, notre pays n'existera même plus dans cinquante ans...!

- Ne soyez pas si pessimistes! Soupira Junot en roulant des yeux. Moi, j'ai foi en la Révolution et au renouveau, et notre génération sera celle qui redorera le blason de la France!

- Tu es bien sûr de toi, pour un roturier qui ne connaît rien d'autre que sa campagne!

- Ma campagne, je l'aime, et je ne viens peut-être pas d'une famille d'aristos, mais au moins j'ai des couilles, contrairement à toi!

- Quelle vulgarité! Tu as beau faire croire que tu es courageux, moi je dis que tu es plutôt inconscient et idiot!

- Et tu veux voir s'il sait frapper fort, l'idiot?! Grogna Junot avant de lui asséner une bonne droite.

- Junot, calme-toi!

- Viens de battre si tu l'oses, abruti! Rajouta-t-il avec un air provocateur.

Son camarade essuya d'une main les gouttes de sang qui coulaient sur son nez, avant de le toiser du regard.

Il s'apprêtait à accepter l'invitation quand on vient soudainement les interrompre.

- Que se passe-t-il?! Pourquoi vous n'avancez plus?!

- Adjudant sous-officier Gruardet... rien de bien important, il y a juste eu une querelle entre Junot et-

- Une querelle!? Les Autrichiens vont passer nos frontières, vous devez réserver vos forces pour le combat, vous croyez vraiment que c'est le moment de régler vos différents?! Vous aurez tout le loisir de vous battre sur le champ de bataille!!

- O-Oui, Adjudant...

Junot ne répondit rien, il fixait le sol avec les sourcils froncés.

Avant de dire soudainement d'une voix forte :

- C'est lui qui m'a insulté!!

- ASSEZ! Je n'en ai rien à faire, soldats, vous serez en première ligne, vous verrez ce que c'est que de se battre! Et avancez, vous retardez tout le bataillon!!

Alors que son camarade arborait une mine défaite, Junot eu un grand sourire.

- C'est vrai...? Moi, en première ligne??

Gruardet ne prit même pas compte de l'excitation soudaine du blond, et retourna à sa place, maintenant de mauvaise humeur.

Junot serrait son fusil dans ses mains.

Lui, en première ligne..!!

Vivement la bataille, la marche était vraiment longue...

~ ☘ ~

Quand ils arrivèrent au camp français déjà présent, les soldats essouflés commençaient déjà à monter leurs tentes. Junot, lui, observait tout ce petit monde avec curiosité et fascination. Il regardaient les officiers de loin. Il y avait Cazotte, un vieil officier de l'armée royale. Et c'était lui qui commandait son régiment, avec le général Gouvion. Mais celui qui attira le plus son attention, c'était Lafayette. Il était là! Le grand Marquis de Lafayette, qui avait participé à la guerre d'indépendance américaine, venait commander l'armée du nord, son armée!

Junot aurait presque pu courir jusqu'à lui pour lui poser mille questions, si un officier ne lui avait pas ordonné de s'installer au lieu de rester planté comme un piquet au milieu du camp militaire.

Plutôt que de lui obéir, le bourguignon lui demanda curieusement :

- Dites-moi, où sommes-nous exactement?

- À Maubeuge, au nord de la ville. Renseignez-vous un peu!

- C'est ce que je fais.

- Allez donc vous reposer tant que vous le pouvez encore ; demain nous partirons pour la frontière.

- Il faut encore marcher?

- Et c'est avec cette paresse que vous vous êtes engagé?! Vous irez loin! Dit l'officier avec ironie.

Il en était sûr, un soldat comme ça, il allait mourir au premier combat.

- Je souhaite juste savoir si c'est loin..!

- C'est au bout de la route. Maintenant allez vous coucher.

Cette nuit-là, Junot rêva de sa première bataille et se vit déjà couvert de lauriers.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant