Chapitre [192]

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Ça ne s'était absolument pas arrangé.

Junot gonfla les joues. Cela faisait des jours, des semaines, il ne savait même plus, qu'il était enfermé dans cette voiture. Il ne sortait que pour dormir à chaque arrêt, et il était surveillé au possible.

Napoléon avait tout simplement décidé de le rapatrier chez lui en Bourgogne, suite aux bêtises qu'il avait faites en Illyrie. Pourquoi en Bourgogne? Pourquoi pas à Paris, avec lui? Non, c'est vrai qu'il était en Allemagne en ce moment... pour une fois, il était bien content d'être exempté de campagne. Même si son général lui manquait terriblement...

En plus de cela, il se sentait affreusement seul. Après avoir agressé les gardes dont on l'avait entouré, on avait préféré le surveiller de dehors, et le laisser enfermé dans la voiture. Quand à Marmont, il n'avait reçu aucune autorisation de quitter l'Illyrie. Si seulement il avait pu revenir en Bourgogne avec lui... le pauvre devait s'en vouloir de n'avoir pas pu l'y accompagner. Il avait prit tant soin de lui ces derniers mois, c'était étrange de le quitter. Il lui manquait, lui aussi.

Les paysages qui défilaient à travers sa fenêtre étaient ceux français, et pourtant il se sentait encore en territoire étranger. Il avait visité et vécu dans tant de pays que la mémoire de sa patrie s'était effacée.

Après tant d'années passées dans tant de pays, il revenait à sa Bourgogne natale...

Comme un retour à la case départ. Une boucle bouclée.

--ooo--

- Père!!

Il lui sauta dans les bras. Celui-ci avait vieilli, mais il semblait encore en forme. Son visage habituellement morne s'illumina en voyant son fils, qu'il serra dans ses bras.

- Mon Andoche... tu es revenu voir ton vieux père!

- Oui... en fait, c'est mon général qui m'a ordonné de revenir ici. Il m'avait envoyé en Illyrie, mais j'y ai fait plein de bêtises à cause de ma maladie, alors il a préféré me faire rapatrier en Bourgogne.

- Ta maladie... oui... j'en ai entendu parler, dans les journaux, et dans tes lettres... dis-moi que tu en es guéri. Mais après tout tu as toujours été un garçon entêté et irréfléchi, n'est-ce pas? Cette folie dont l'on t'affuble doit seulement être la vision de ceux qui ne te connaissent pas.

Junot n'écoutait plus ce que lui disait son père. Son regard se posa sur ses coffres et bagages, que l'on avait déposé à l'entrée de la pièce.

- Oui... répondit-il, désintéressé. Oui, je voulais faire une chose, père.

À ces mots il se mit à genoux, sous le regard effaré de ce dernier.

- Je voulais m'excuser de tout le trouble que j'ai pu vous apporter. Je sais que je ne suis pas le fils que vous souhaitiez, celui qui se fait prêtre ou avocat... j'ai vécu ma vie comme je l'entendais, et j'ai compris avec le temps que c'était une erreur. Je vous ai forcé à accepter mes choix, des plus glorieux aux plus odieux. Et malgré cela, malgré mon insubordination, vous n'avez jamais cessé de me considérer comme votre fils. Je vous admire, car par le passé j'en fus un bien lamentable.

- Que dis-tu! Tu as été un fils formidable! Certes tu étais indiscipliné, mais tu as fait preuve d'une témérité sans pareille, et as su apporter l'honneur sur notre nom!

- L'honneur... je n'ai ai plus, à présent.

- Relève-toi donc. Je vais faire préparer à manger ; ton retour mérite une belle fête. Tes frères et sœurs seront heureux de te voir.

Junot fixa le sol. Il s'en fichait bien, de ses frères et sœurs. Il les connaissait à peine. Il n'avait pas grandi avec pour la plupart, qui étaient soit trop grands donc à faire leurs études ailleurs durant son enfance, soit trop petits donc pas encore nés avant qu'il ne quitte sa famille. Et les quelques fois où il était revenu en Bourgogne une fois adulte, ceux-ci avaient quitté leur foyer pour se marier ailleurs. Il n'y avait que sa grande sœur qu'il avait quelque peu côtoyé. Bref, il n'avait ni envie de manger avec eux, ni même envie de manger tout court. Il voulait seulement trouver un lit et y dormir.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant