Chapitre [180]

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30 Août 1808

Junot avait arrêté de se battre, et pour une bonne raison. C'était tout simplement qu'il avait perdu. Lui, et toute son armée, son pays, l'Empire avait perdu. À vrai-dire, cela l'important peu, il avait pu se battre et il en était fier. Et puis tant que l'on ne touchait pas à sa Bourgogne, il n'y avait rien d'urgent.

Oui mais voilà ; il était en train de se faire crier dessus par les anglais, et lorsqu'il sera de retour en France, il se fera crier dessus par son général. Et encore, il y avait de fortes chances pour que celui-ci exprime sa colère par lettre.

Pour dire, la bataille avait eu lieu il y a dix jours de cela. Et aujourd'hui, il assistait à un conseil, réuni dans un joli palais, et se tenait devant un groupe de généraux et autres militaires anglais, tous au visage soit méprisant, soit impassible. Celui qui était le plus impassible, c'était Wellesley. Cet homme ne savait pas comment afficher des expressions sur son visage! Même durant tout le moment où son copain anglais avait fait des reproches à Junot - qui soit dit en passant, avait à peine écouté -, il était resté bras croisés, sans souciller. Junot était censé faire preuve de sérieux, mais il avait juste envie de lui tirer l'oreille ou lui donner une claque pour voir s'il réagirait. Puis il se rendit compte qu'il avait fixé ce général durant toute la période de parole de l'autre. Il espèrait qu'il n'allait pas mal le prendre, ou se faire des idées. Quoique, il n'était peut-être pas si mal au lit... il n'avait presque jamais essayé les anglais. Celui-ci semblait avoir son âge, et puis physiquement, il était assez plaisant. Il se demanda s'il arriverait à lui décrisper le visage en-

- GÉNÉRAL JUNOT!! Je vous demande un peu d'attention!!

Celui-ci sursauta lorsqu'un des militaires britanniques frappa son poing sur la table. Il le fixait avec un regard noir, et en plus, il était âgé et bedonnant et arborait une petite moustache brune, alors qu'il était blond. Oui, Wellesley paraissait bien plus beau à côté.

- Oui, pardon, répondit celui-ci avec assurance. C'est que je réfléchissais, voyez-vous. Enfin, quel sujet évoquiez-vous, rappelez-moi?

Bien qu'il comprenait grossièrement l'anglais, il s'exprimait en français, langue que ces adorateurs de thé n'avaient pas l'air de comprendre, ce qui le faisait bien rire.

Il aperçu Welesley chuchoter quelque chose à son voisin. Mais il dût vite faire revenir ses yeux sur l'autre moustachu bedonnant.

- Ne la jouez pas aussi finement, général. Nous essayons pourtant de ne pas être trop dur à l'égard de votre armée! Nous avons discuté, et nous en avons conclu que nous allions vous aider. Contrairement à votre soi-disant Empereur, nous ne sommes pas sans-cœur, et nous avons compris que ces pauvres soldats étaient autant des victimes que leurs ennemis contre qui l'on les force à se battre.

Junot bâilla. C'était l'heure de la sieste.

- Sir Dalrymple a discuté de ces négociations avec le général Kellermann, général, puisque vous ne sembliez pas investi dans celles-ci, avança un autre homme, aux cheveux bouclés et tout maigre. Nous avons donc pris une décision : nous ramèrons les français à leur pays par navire.

- Ah... c'est très bien, affirma Junot qui était déjà parti ailleurs.

- Maintenant que les clauses du traité ont été vivement discutées - en votre absence, Monsieur Junot, nous pouvons passer à la signature. Signez ici.

Il prit la plume et signa rapidement de son nom, avec plein de jolies boucles. Puis il la donna à d'autres, qui apposèrent leur signature près de la sienne.

- Sir Wellesley?

- Je ne désire pas signer.

Aucun de fit de remarque, et pourtant beaucoup pensèrent.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant