Folie rime avec irréfléchi

Chapitre [119]

Lucien était entré dans le bureau de son grand frère, et s'était installé sur le grand fauteuil comme s'il était sien. Il passa la pièce en revue, et posa ses yeux sur la pile de feuilles qui dominait la table. Tout ça devrait être sien... ce devrait être lui qu'on acclamait, qu'on remerciait, qu'on adulait! Lui qui devrait être au pouvoir!! C'était lui qui avait tout organisé et mené lors du coup d'État du dix-huit brumaire... où étaient ses titres et sa reconnaissance?! Et son frère qui avait refusé de partager le consulat avec lui... il allait payer.

Le cadet commença à réfléchir quand un léger miaulement se fit entendre, et qu'il vit un chat blanc au pelage blanc le fixer avec de grands yeux.

- Tiens, sa Majesté la princesse Impériale. Tu viens me chasser comme un vulgaire chien de garde?

L'animal ne sembla pas l'écouter et monta sur ses genoux pour s'y installer confortablement.

- Si tu me prends pour ton maître, je n'hésiterai pas à te jeter par la fenêtre une seconde fois!!

Il grogna et commença à la caresser machinalement.

- Rah, tu m'as déconcentré de mes réflexions! Où en étais-je... oui, faire comprendre à mon imbécile de grand frère que le pouvoir n'est pas fait pour lui et qu'il doit me le confier. Hmm... je sais!! Pourquoi ne me déguiserai-je pas encore en sa personne pour dire qu'il souhaite se faire couronner Roi? Ainsi, le peuple aura de la haine et de la colère à son égard car il souhaiterait faire revenir la monarchie! Non, encore mieux! Pas Roi, mais Empereur! Le peuple sera fou de rage! Après une révolution et des régimes successifs plus déplorables les uns que les autres, les gens pensent qu'avec le consulat le pays a enfin trouvé la stabilité... mais lorsqu'il sera couronné Empereur, le peuple verra qu'il n'est rien d'autre qu'un royaliste, voire même pire, un simple homme qui souhaite être à la tête du monde en profitant d'eux! Quelle idée magnifique ai-je eue là!

Un grand sourire couronnait ses lèvres, et gare à celui qui voulait le faire disparaître.

- Mais il faut que je trouve un moyen d'éloigner mon frère, au moins le temps du sacre et de sa préparation...

Comme pour l'aider à trouver une réponse, il vit un portrait de Junot entouré d'un cadre en argent sous les feuilles administratives.

Il le prit et l'observa un instant, et lâcha un léger rire.

- Hmm, ce cher idiot de Junot... il est en Bourgogne actuellement, non? Ça tombe très bien~... en ce mois, une maladie est si vite arrivée. Mon frère me croira si je lui dis que cette sotte de Laure m'a avoué que son mari était malade lors d'une entrevue. Et ce stupide Napoleone accourra à son chevet... me laissant le champ libre pour mon superbe plan~!!

Il prit le chat dans ses mains en se relevant.

- Te rends-tu compte, chère pathétique bête... je vais me faire couronner Empereur des Français~!! Et toute la colère du peuple sera sur mon grand frère~!

Il laissa l'animal sauter de ses bras et s'en aller plus loin.

Lucien quitta le bureau d'un air guilleret.

- Fratello maggiore... ton heure de gloire est terminée~!

~ ☘ ~

- ...Tu dis que Junot est tombé malade?

Des feuilles à la main, le premier consul regarda son frère cadet en haussant un sourcil.

Lucien, couché sur une chaise longue, reprit un raisin avec un air désintéressé.

- Hm, oui. C'est sa petite sotte de femme qui me l'a dit lors du dernier bal qu'elle a donné.

- Il m'a pourtant dit dans sa dernière lettre qu'il se portait comme un charme et que, justement, l'air frais de la campagne avait fait du bien à ses poumons.