Chapitre [83]

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La mer s'étendait à perte de vue. Rien ne venait troubler cet horizon aux diverses nuances de bleu.

Les quelques navires formant une petite flotte avaient à leur bord chercheurs et soldats restés en Égypte qui devaient être rapatriés en France. Du moins, c'est ce que Francesco espérait. S'ils avaient été faits prisonniers et étaient emmenés à l'autre bout du monde, ce serait dommage.

Le napolitain balaya le pont du regard. Chaque soldat vacquait à ses occupations, jouant aux cartes, conversant entre eux ou même avec des anglais. Cela faisait du bien, autant de solidarité et de paix après ces presque deux années à parler d'ennemis à combattre.

Il sourit. Il avait été assigné au même navire que le général Junot. On l'avait amené ici lorsqu'ils avaient fait escale à Palerme, en Sicile. Il aurait d'ailleurs voulu y rester... c'était le royaume de Naples après tout, son pays. Enfin, toujours était-il que Junot avait été fait prisonnier il y a plusieurs mois en voulant quitter l'Égypte, et qu'il pensait ne plus jamais le revoir. Ce général qu'il admirait tant! Il voyageait sur la même frégate que lui! Bon, il avait l'air assez mal en point... et Francesco n'osait pas lui parler. Il devait sans doute l'avoir oublié. Il n'était pas le seul soldat a être rentré dans sa tente. Mais c'était tout de même une chance inouïe.

Autant Sébastien finissait par être malade de cette traversée, de ne rien pouvoir respirer d'autre que l'air marin, et que son espace de déplacements ne se limitait qu'aux cinq cents mètres du pont du navire, autant Francesco profitait de cette croisière qui le ramenait gratuitement en France. Étonnant, d'ailleurs, que les anglais les ramènent à leur pays... ce sont pourtant leurs ennemis.

Curieux, il s'approcha de ce qu'il pensait être un amiral, vu ses quelques médailles, et au bout de quelques secondes d'hésitation, lui adressa la parole.

- Hum... amiral? Est-ce bien ainsi que je dois vous nommer?

Le britannique se retourna, interpellé. Il sourit en voyant le soldat qui arborait un air gêné.

- Oh, pardon! Appelez-moi Smith! Je ne suis pas amiral, voyons...! Un jour, peut-être, mais il n'est pas encore venu. Mais si pour vous "amiral" signifie que je prends en charge le retour de ces merveilleuses découvertes et le rapatriement des soldats, alors vous pouvez me nommer ainsi.

Il observa l'homme avec attention. Il avait de courts cheveux châtains, dont la frange irrégulière se collait à son visage par le vent maritime. Quelques minuscules tâches de rousseur décoraient le haut de ses joues, et ses yeux bleu océan brillaient comme ce dernier sous les rayons du Soleil.

- Voyons, ne me regardez pas comme si j'étais votre général! Dans la hiérarchie de la Marine un amiral est supérieur à un matelot mais ils sont tous deux sur le même navire.

Francesco hocha légèrement la tête.

- ...Vous ne me comprenez pas, c'est cela?

- Hm...

- Ah, c'est moi qui suis idiot aussi! Un soldat français vient me parler et je lui parle en anglais! Veuillez me pardonner, s'excusa-t-il dans un français parfait.

- Votre français est... très fluide... encore plus que le mien...! S'étonna Francesco.

- Oui, j'entends un petit accent. D'où venez-vous?

- De Naples! S'exclama-t-il fièrement.

- Vous devez parler parfaitement napolitain alors... et comment connaissez-vous le français?

Francesco trouvait toute confiance en cet amiral, ou espèce d'amiral, tellement qu'il n'hésita pas à tout lui avouer.

- Mes parents on vécu en France avant de venir à Naples. Enfin, ils sont napolitains de base, mais disons que pour certaines raisons, ils sont allés en France, puis sont revenus à Naples. Donc, techniquement, je suis né en France, puisque j'y ai vécu mes premières années... mais je ne me sens point du tout français. J'ai grandi à Naples et appris à vivre en Napolitain! Mes parents m'ont donc appris le français, ils m'ont dit que cela pourra toujours servir, la preuve. Mais je l'ai bien plus lu que parlé, alors j'ai encore du mal avec la prononciation. Désolé, je m'explique mal...

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant