Chapitre [167]

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Après des (supposées) victoires en Autriche qui avaient botté le cul à l'Europe, les français n'avaient plus qu'à rentrer en France.

Pour la nuit, l'armée s'était arrêtée dans un village dont Junot ne connaissait pas le nom. En revanche, il retenu facilement celui de l'auberge que lui et ses amis occupaient depuis le début de la soirée. Les propriétaires avaient probablement dû fuir les soldats, car leur établissement était vide, ormis les nombreux tonneaux de vin que les généraux et autres officiers avaient été plus qu'heureux de trouver.

Au milieu de tout ce brouhaha, Junot marchait irrégulièrement, manquant de tomber à chaque pas. Une bouteille vide à la main, il était muni d'un rictus et riait sans retenue.

- Muraaat... où est mon général?

Il s'affala presque sur ses épaules. Mais le maréchal n'en tint pas compte, même si cela le fit grincer.

- Il dort, lui répondit Murat qui n'avait que très peu bu. Il est fatigué de ce voyage. Et ne vas pas le déranger!

- Mon général... mon beau général... j'ai tellement envie de lui faire voir les étoiles... ça m'a tellement manqué, lorsque j'étais au Portugal, aucune femme ne peut le remplacer...

- Que racontes-tu donc?

Il n'eut pas le temps d'avoir une réponse, car Marmont arriva devant eux et plaqua une bouteille pleine sur la table. Vu comment il trébuchait, juste pour s'asseoir, il n'était sans doute pas très sobre non plus.

- Qui veut encore du vin? Demanda-t-il à l'intention de ses deux compagnons.

Junot attrapa la bouteille qu'il lui tendait et bu inconsidérément à son goulot. Murat roula des yeux en le voyant faire. Pourquoi leur empereur gardait-il des hommes si peu sérieux dans son armée? Ils seraient bien mieux à Paris, auprès de leur femme.

- Laisse-en tout de même pour Murat!

- Merci, mais je n'en veux pas, répondit ce dernier avec une pointe de dégoût. D'ailleurs, Marmont, as-tu une femme?

- Non, rit-il. Mais j'ai une amie fort sympathique qui me laisse partager sa couche, et à qui je prête le nom d'épouse pour faire bonne figure en société!

- Moi, la mienne, je m'en débarrasserai volontiers, renchérit Junot, qui soudain ne riait plus.

- Et pourquoi ça?

- En plus d'être sotte, elle est pitoyable au lit. Même mes maîtresses me sont plus plaisantes à baiser et à écouter.

Marmont se servit un verre et rit encore plus.

- À la bonne femme sotte et laide de Junot! Cria-t-il en levant son verre.

Tout le monde suivit, même le concerné, avec sa bouteille.

Murat grimaça légèrement. Comme un intrus dans cette beuverie, il travaillait sur les comptes et les effectifs restants de l'armée, mission que lui avait donné l'empereur. Et il lui était difficile de se concentrer au milieu de ce brouhaha.

Il aurait pu aller ailleurs, mais dans cette auberge la lumière des lanternes était très claire, et les tables étaient solides. Enfin, c'était ce qu'il croyait avant de voir celles cassées par ses compagnons.

Il pesta silencieusement en voyant son petit pot d'encre renversé sur la table. Il s'était pourtant installé dans un coin, isolé, mais était-ce son uniforme plus brillant que les autres, on venait tout de même l'opportuner. Junot était toujours assis à ses côtés, et lorsqu'il ne parlait ni ne riait pas, il buvait. Autant éviter de mentionner les moments où il faisait les deux à la fois.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant