Chapitre [84]

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Deux mois qu'ils étaient sur ces navires. Mais enfin, le voyage prit fin et les français purent poser pied sur leur terre.

Les navires avaient débarqué au port de Marseille. Dans le ciel, des mouettes tournaient en rond, devant quelques nuages qui cachaient le Soleil. La ville portuaire était dynamique et cela se voyait rien qu'au port. Des navires venaient et partaient de contrées que beaucoup de français n'imaginaient même pas pouvoir visiter un jour. Les anglais marchandaient leurs prises, échangeant soldats contre vivres et autres marchandises. Un soldat en particulier, pris son lourd sac qu'il avait miraculeusement gardé sur le dos.

Francesco n'avait même pas pu voir le général Junot une dernière fois ; il se demandait même s'il allait le revoir un jour. Les adieux, ceux avec ses amis, avaient été aussi rapides. Comme si chacun voulait rapidement passer dessus. Enfin, son ami, car ce n'était que Sébastien qui les quittait, pour aller faire la guerre en Italie, une motivation qu'ils avaient eu du mal à comprendre au vu de l'aversion que celui-ci avait pour la guerre. Et Andreas, il ne l'avait pas vu depuis l'Égypte. Il avait dû embarquer dans un autre navire, lorsqu'on les y avait entassés pour leur retour. Ça l'avait rendu triste, mais il s'était dit qu'il lui écrirai, et qu'ils se reverraient bien un jour. C'était bien triste, mais c'était ainsi. À présent, seul Gabriel restait à ses côtés.

- Que vas-tu faire à présent? Lui demanda Francesco lorsqu'ils furent seuls et qu'ils s'engagèrent dans les petites rues marseillaises.

- Je vais rentrer chez ma famille, à Argenteuil. Il ont besoin de moi là-bas. Et toi? Tu vas rentrer à Naples?

Francesco regarda le sol. Étonnement, il n'avait même pas imaginé cette perspective.

- Je ne sais pas... j'ai l'impression que j'ai encore beaucoup à découvrir. Certes ma famille me manque et je parais romanesque, mais je veux voir encore de ce monde et rencontrer d'autres personnes.

- Pourquoi ne pas monter à Paris, alors? Tu y trouvereras ce dont tu as besoin. Et n'avais-tu pas promis à Sébastien d'y vivre avec lui? Il t'y rejoindra! Tu n'auras qu'à me suivre, c'est sur mon chemin. Je te guiderai jusque là et je t'y laisserai.

- Parce que tu connais les routes exactes entre Marseille et Paris? Sourit le napolitain.

- Comment crois-tu que je me sois rendu de ma ville à Toulon?

- Où t'es-tu enregistré?

- À Paris.

- Moi, c'était à Nice.

- Vois-tu, la route est simple : c'est tout droit. Et lorsque tu es perdu, tu demandes aux habitants. Ils sont sympathiques, ou non, selon les coins.

- Tu parais si confiant, ton sens de l'orientation est bien meilleur que le mien...

- Je peux aussi demander aux esprits que je rencontre, rit-il, et pourtant ils savaient tous les deux qu'il était sérieux.

Francesco s'arrêta au milieu de la rue en pente et jeta un dernier coup d'œil vers le port.

- Tu t'inquiètes pour Sébastien, devina Gabriel.

- Je... oui. Enfin... il a dit qu'il voulait rejoindre l'armée d'Italie... au lieu de venir avec nous... lui qui déteste la guerre! Ce n'est pas normal!

Gabriel s'arrêta et le regarda sincèrement en mettant une main sur son épaule.

- Tu dois le laisser y aller. C'est son choix.

- Mais... Et s'il y périt?!

- Tu le reverras, je le sais. Aie confiance. Tu tiens réellement à lui, n'est-ce pas?

- À lui... comme aux autres... avant de se quitter, Andreas m'a dit qu'il allait fuir en Angleterre..! Je ne le reverrai sans doute jamais!

- Andreas sera heureux, tu n'as pas à t'en faire pour lui. Il a un esprit léger mais il sait ce qu'il fait.

- Et Sébastien... il ne sait même pas se battre, s'il meurt durant une bataille! Et toi qui rentre chez toi...

- Mais je suis avec toi, maintenant. Au moins jusqu'à la capitale. Et Argenteuil, c'est près de Paris. Si tu veux, tu pourras venir me rendre visite. Mon domaine est à l'entrée de la ville, c'est une grande maison rose entourée de vignes, avec un volet cassé, tu ne peux pas la rater, rajouta-t-il en souriant.

- Oui... d'accord... pardon... ça ne me ressemble pourtant pas de paniquer autant. C'est tout ce voyage en navire, et la fin de cette campagne...

- Je comprends. Si tu le souhaites, nous pouvons dormir ici et partir demain.

- Non, c'est bon. Au contraire, marcher me changera les idées.

Gabriel aquiesca seulement.

Le regard de Francesco vaguait entre les pavés de pierres et les boutiques. C'était maintenant une culpabilité qu'il avait sur le cœur. Il n'aurait pas dû laisser partir Sébastien... Mais après tout, il devait aussi s'occuper de lui-même, à présent.

- Une chose, pouvons-nous passer à la librairie d'abord? Lui demanda son ami. Il y en a une très importante à Marseille où je pourrais trouver de rares ouvrages.

- Oui, bien sûr, je te suis.

C'était une nouvelle aventure qui débutait.

~ ☘ ~

Dès qu'on l'avait laissé à Marseille, Junot avait apprêté au plus vite un cheval pour Paris. Il avait d'abord demandé une voiture, mais c'était trop long pour lui. Et trop cher. Un cheval sera bien plus rapide.

Ce n'est qu'à mi-chemin qu'il s'en rendit compte.

Qu'allait-il faire à Paris?! Son général était en Italie!!

Il s'apprêtait à faire demi-tour direction le pays des arts mais s'arrêta. Il se souvint de ce que lui avait dit Smith... son général le voulait hors du danger, et en sécurité. Hors du danger! Un homme de guerre comme lui!

Ou alors, il pourrait retourner en Bourgogne. Mais pour quelqu'un d'indépendant comme lui, qui aimait sa liberté et voulait montrer qu'il savait se débrouiller, retourner chez papa et maman, ça le faisait pas trop. Si c'était en plus pour se faire gronder sur il-ne-savait quoi encore... il n'avait pas très envie de leur faire face.

Non, il attendra bien sagement - pour une fois - son général tant adoré à Paris. Il était certain que ce dernier allait triompher. Et il pourra l'accueillir à bras ouverts pour fêter sa victoire.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant