Chapitre [98]

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Junot était assis dans un coin du bureau, et pour une fois il était calme. Il dessinait, enfin faisait ce qui était pour lui un dessin, parce qu'on va se le dire, ça ne ressemblait franchement pas à grand chose, mais il était si silencieux que le premier consul en avait presque oublié sa présence.

Ce ne fut que quand le bourguignon éternua qu'il s'en rendit réellement compte.

- ...Junot?! Depuis quand es-tu ici?!

- Depuis ce matin, dit rapidement ce dernier sans quitter les yeux de son croquis.

- C'est vrai... pour une fois, tu étais si calme et j'étais si plongé dans mon travail que je t'avais oublié.

- Mais votre cœur ne m'oubliera jamais~

- Mais oui, mais oui, c'est ça. Où en étais-je...

- Page 32, ligne 7, paragraphe sur les recrutements, vous vous demandiez si vous n'aviez pas fait une sottise en laissant Berthier en charge de l'entraînement de votre premier bataillon de cavalerie mamelouck et de vos trois derniers bataillons d'infanterie recrutés.

Napoléon le regarda comme s'il venait de lui dicter son futur.

- Junot, comment... comment...?!

Il n'arrivait même pas à terminer sa phrase tellement il était stupéfié et dans l'incompréhension.

- Un aide-de-camp se doit de toujours être utile pour son général!

- Bon sang, tu m'étonneras toujours.

Il lui répondit par un rire.

- Aussi, je vous connais mieux que personne~.

- Ah, ça, pour lire dans mes pensées, oui...

Il retourna à ses feuilles, et Junot à son dessin.

Ce n'est que quelques minutes plus tard que le bourguignon commença à chanter. Et pas n'importe quel chanson.

Une chanson bien spécifique en Corse.

Il continua de chantonner, concentré sur son œuvre, cette mélodie et ces paroles qu'il avait réussi à retenir on ne sait comment.

A quelques mètres, le premier consul s'était arrêté de signer, pour le regarder avec stupéfaction.

Sans qu'il ne s'en rende compte, des larmes commençaient à couler sur ses joues.

Cette chanson... son enfance... et... sa grand-mère... la Corse, la grande et belle Corse... tellement de souvenirs ravivés...

S'en apercevant, il sorti de suite un mouchoir de sa poche pour s'essuyer les yeux, et il finit par se moucher, ce qui sortit Junot de sa bulle qui leva la tête vers lui.

- ...Mon général? Vous allez bien?

- O-Oui! Bien sûr que oui, je vais bien!...

- Mais... vous pleurez!

- Non, je- je ne pleure pas!

- C'est le fait que je chante cette chanson... qui vous a ému?

Junot en était presque attendri. Il se leva et alla s'appuyer sur son bureau.

- Pas du tout!! J'ai seulement les... les yeux humides. Et puis, comment es-tu arrivé à retenir ces paroles?! Je ne te l'ai chantée qu'une seule fois!

- Je retiens très vite les choses, vous devriez le savoir. Et puis je la chante souvent lorsque je suis seul. Je la trouve... jolie.

- Tu ne sais même pas de quoi elle parle.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant