Prends mon coeur, ma vie, tout. Je ne suis plus rien

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A D A M

Le choc faisait toujours son nid en moi, creusant toujours plus, grattant mes douleurs de ses ongles noirs et déformés. Mon monstre se réveille à nouveau en gueulant et en embrasant tout ce qui l'entoure et se trouve à sa portée.

Je ne vois plus rien, tout est trouble, le jardin de Myla autour de moi tangue dans une mer agitée.

La nausée m'envahit soudain, un mal de mer psychologique qui s'attaque à moi et me ronge. Je sais que je ne vais pas vraiment vomir, car mon impression est purement mentale... mais tout fait à nouveau mal. La blessure qui pourrissait en moi revient à la vie me dégueuler sa peine. J'aurais de loin préféré régurgiter ce que j'ai un jour bouffé qu'avoir cette impression de brûlure dans l'estomac qui me coupe et me dissèque par l'intérieur.

Alors que Myla s'agite dans tous les sens pour me faire revenir à la réalité, je lève la tête et regarde Myla, la sœur de Rose-Agathe. Mon corps chavire un moment face à cette révélation qui me percute une fois que j'en ai pleinement prit conscience.

Myla panique en m'assenant de post it remplis de points d'interrogations, sa tête s'agite dans tous les sens, ses mèches noires volent partout dans la folie, ses yeux brillent dans cet éclat terrible d'une douleur incontrôlable, sa peau cuivrée tressaille. Elle est belle... Belle dans ce mélange blessant qui me ressemble et j'ai mal, mal, mal, mal, j'aurais voulu ne jamais comprendre sa douleur !

J'ai soudain très froid sous ce parka, sous toute cette couche de vêtements qui habillent convenablement mon corps. C'est une peau trop épaisse et trop pâle qui s'attache à moi et que je ne peux jamais enlever. C'est de la glace sous ces muscles inactifs et ces os trop solides. Tout est gelé dans ce coeur. Tout ce qui nous entoure est trop blanc, trop maculé, trop pur pour être la réalité, ça n'est pas vrai tout ça, hein ?

Myla tente de mes toucher mais je la repousse vivement, incapable de supporter, cette fois, son contact.

-Je... Tu sais pourquoi le "o" et le "e" de cœur sont collés ?

Myla secoue la tête, les larmes brûlent ses cils, la neige fond sur sa peau mais reste bizarrement accroché à ses cheveux.

J'inspire à fond, la voix tremblante et l'âme en ébullition :

-C'est parce que le cœur ne peut pas battre tout seul. Il a besoin des autres... Besoin de quelqu'un ou même de tout le monde. Le mien s'est arrêté il y a longtemps. Il a voulu redémarrer quand il t'a connu pour que je puisse te réconforter et t'enlacer sans que tu ne craignes le froid. Mais je crois qu'il a oublié sa manière de marcher, car il est resté froid, même quand je le suppliais de repartir pour toi...

_JE NE SAVAIS PAS, ADAM, JE T'ASSURE, JE N'ÉTAIS PAS AU COURANT_

_JE N'AI PAS FAIT LE RAPPROCHEMENT ENTRE LES 2 PRÉNOMS !_

Est-il écrit en énorme sur deux post it jaunes que Myla peine à me faire lire tellement ses mains tremblent et ne s'en remettent pas.

La fureur a brisé une dernière fois mon cœur, je me souviens, de cette même fureur qui, à l'époque, avait déjà tout dévasté. J'essaye d'arracher la racine de mes cheveux en tirant violemment dessus.

-Mais quel con, putain ! Je suis tellement con, tellement aveugle que je pourrai en vomir d'écoeurement !

_Calme-toi, Adam, calmons-nous !_

-Ta sœur ne s'est JAMAIS appelée Rose ! j'éclate de rire, je pleure, j'ai mal, je ne sais plus où en donner la tête. C'était un surnom ! Un putain de surnom parce qu'elle a un prénom composé hyper compliqué, moche, que je n'ai pas eu l'intelligence de voir avant !

Je choute dans le peu de neige qui a réussi à s'accrocher au sol avec tellement de rage que des graviers s'envolent aussi, loin. Mes longs doigts se resserrent contre mes paumes afin de tenter d'y contenir toute la douleur.

Myla hoquette tristement en inscrivant à la va-vite des mots qui pourraient me calmer et me faire revenir à la raison, à l'Adam qui n'avait pas compris que tout avait toujours été lié.

-Tu sais pourquoi Rose-Agathe Lamarre s'est suicidée il y a environ un an ?

Myla recule d'un pas, abassourdie à l'idée que ce nom puisse être prononcé de ma voix, le nom de sa propre soeur, morte en soit-disant martyre du monde spéculateurs.

Je bouillonne, j'ai envie de pleurer, de faire rouler les larmes sur mon visage comme de petites billes bleutés prêtes à crever au sol pour calmer la rage qui m'a capturé. Mais je suis tellement en colère contre moi et l'univers que j'y arrive pas, je suis juste là, à bout de nerf devant Myla qui pleure et renifle sans arrêt, qui me brise le cœur.

Je plante mes yeux dans ceux de Myla et je crache en postillonnant sur le sol bientôt enneigé, les mots qui jusqu'alors avaient hanté mon esprit :

-Parce que je l'ai rouée de coups quelques jours avant qu'elle ne décide de se suicider ! Je l'ai frappée, mise au sol pour venger mon frère ! je gémis. Venger mon frère qui ne le pouvait plus ! C'est horrible putain ! Je... Tu vois ? C'est ma faute si elle a décidé que tout devait s'arrêter.

Sur ces paroles, elle cesse de s'agiter, elle a la bouche ouverte car, elle comme moi, on sait plus quoi dire et c'est sûrement parce qu'il y a plus rien à dire du tout.

-C'est ma faute si, aujourd'hui, tu es privée de ta sœur. Si, aujourd'hui, tu dois utiliser de foutus papiers pour qu'on te comprenne. Ma faute et... Je... Je... J'en suis tellement désolé, Myla ! C'est tellement injuste ! Désolé. J'dois partir.

Avant de m'effondrer devant elle, je me détourne et quitte son jardin envahi de blanc tandis qu'elle, reste figée sur place, immobile dans son jardin de neige tout secoué.

Et je m'en suis allé, comme les vagues s'en vont après avoir lamentablement échouées.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant