Honte qui se peint sur leur visage défait

87 16 56
                                    

A D A M

Je m'appelle Myla, ravie de faire la connaissance de ton apparence trompe l'oeil.

Ces mots tournent en boucle dans ma tête sans s'arrêter, ils me hantent, me bousculent pour une raison que je ne comprends vraiment pas, comme si mon inconscient tentait de me faire passer un message.

Ils tournent et tournent encore sans que je ne puisse rien y faire, ils résonnent dans ma boîte crânienne et se répercutent en boom-rang interminables entre mes neurones et mon liquide céphalo-rachidien. Tout dans ma tête se fracasse et se bouscule avec comme seule issue la folie des mêmes mots se répétant inlassablement.

Cette fille...

Je m'appelle Myla

...Myla, me fait une drôle d'impression. Une impression familière et puissante, une impression qui me pousse à la revoir, qui prie en continu pour que nos destins respectifs se réaniment et se relient ensemble dans le futur...

Je soupire et secoue la tête pour rejeter ces absurdes pensées en passant les grilles vertes du lycée. Des grilles rouillées qui crient et hurlent de douleur chaque fois qu'elles s'ouvrent et se ferment pour laisser passer des foules blasées, un lycée froid avec une apparence bienveillante, aussi trompeuse et merdique que les gens d'ici.

Le lycée Ada Lovelace, c'est le nom donné à ce bahu de merde, plus près de la mort que de la renaissance, pour se souvenir d'une femme connue que la plupart des gens ont oublié. C'est amusant ça non ?

Je m'appelle Myla.

Je ne sais même pas pourquoi j'ai eu la foutue idée de lui écrire mon prénom !

J'avance d'un pas nonchalant, mon sac claquant toujours contre ma cuisse. Certaines personnes, me reconnaissant, me lancent des regards noirs voulant foudroyer ce que je suis et électrocuter ce que je leur ai fait, quand d'autres emplissent leur yeux ideux par la vision du sol ou du plafond.

Je ne peux pas en vouloir à ces regards de travers aussi lumineux qu'un éclair dans le ciel ou fuyants pour tenter d'échapper à ma vision. Après tout j'ai cherché cette réputation que je me suis forgé.

Je jette un coup d'œil à mon téléphone, 7:49, pile dans les clous.

J'ai détruit les gens d'un simple clic sur un appareil, j'ai fait découvrir aux autres, ceux qui doivent savoir qui ils côtoient véritablement, qui sont leurs amis, petit ou petite ami, amie. J'ai offert au grand jour la face cachée des personnes. Je montre les imperfections d'une âme qui ne mérite pas d'utiliser les autres pour son salut personnel. C'est pour ça que les élèves ont peurs de moi, ils ont peur de ce que je pourrais dévoiler sur eux et leurs secrets.

Ceux qui se croient le plus à l'abri se trompent le plus car là est toute la fourberie du jeu, personne n'est sans défaut. Cette laideur maculée sous leurs ongles et leurs vêtements de toutes sortes, est facilement repérable pour un oeil expert qui sait s'en servir comme parfait outil de travail.

-Ah ! Monsieur Pargraff ! s'exclame une voix grave par dessus les paroles des lycéens.

Des pas claquent lourdement dans ma direction dans une fermeté qui me laisse le droit d'envisager le pire, alors je me raidi, las d'être celui que je suis.

Une seule personne dans ce lycée ose appeler les élèves par leur nom de famille débile qu'il faut vite oublier après l'année écoulée : M. Harmoniac.

Un nouveau soupire vide mes poumons et mes yeux se ferment une seconde de plus qu'à la normale, je décide enfin de me retourner pour faire face à mon prof d'art visuel qui marche vite dans ma direction, le visage en sueur.

Et la sonnerie retentie, déclarant avec elle mon ultime délivrance, les élèves s'éveillent enfin de leur transe et se mettent à bouger, à me cacher du prof grâce à leur corps tout déchiqueté par la vie.

7:50, à n'en pas douter, les cours vont débuter et avec eux, l'hypocrisie des élèves et des profs, faisant vaguement semblant d'écouter la conscience de leur cerveau, déjà en état de décomposition avancée.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant