M Y L A
-Il a l'air sympa ! Tu vas bientôt le revoir ? me demande Gwendoline pendant qu'elle sort ses affaires de son énorme sac.
Je me demande toujours comment son dos s'y prend pour supporter tout ce poids sans craquer. Sans se tordre et briser sa colonne vertébrale. Et aussi, comment tant de cahiers peuvent être assemblés, collés et serrés les uns sur les autres comme de vulgaires objets vaguement utiles.
Je hausse les épaules ne sachant que trop écrire d'autre, sur mon portable. Pour faciliter nos échanges, nous discutons par SMS avant que les cours ne commencent. C'est plus simple pour elle comme pour moi. Même si il s'avère que je préfère écrire avec un stylo et du papier.
C'est difficile, tu sais, de trouver ses propres mots quand parler est impossible. De dévoiler ses pensées quand on ne peut les parler.
Elle lève les yeux au ciel et un éclat de malice éclate brièvement dernière le bleu de ses grands yeux, protégés par des branches de lunettes brunes.
-Bien sûr que tu dois le revoir... Oh ! Tu pourrais même lui donner ton numéro de téléphone ! s'exclame-t-elle, débitant alors sur le fait d'attendre avant d'envoyer le premier message ou je ne sais pas vraiment quoi d'important.
Il est tellement simple d'être en compagnie de cette Gwen, qui ne me demande jamais d'écrire ce que je pense sur un bout de papier ou sur mon téléphone. Elle parle pour moi. Elle comble mes blancs par sa voix. Sa voix, allant en harmonie avec les autres voix qui se chahutent dans ma tête, pour tenter de savoir lesquelles ont tort. Lesquelles ont raison. Lesquelles se sont perdues. Lesquelles refusent de s'expliquer...
Ces pensées parlées qui semblent toujours vouloir se révéler, mais sans jamais vraiment oser. Tu les connais, toi, ces petites voix qui choisissent ta voie et qui orientent tes choix, tes envies... Qui hurlent sur ta douleur, aussi ?
Il suffit que je parle à Gwen d'un événement passé pour qu'elle s'invente et se questionne sur son propre monologue. Et j'aime ce grain de folie et d'étrangeté en elle qui me fait rêver en me facilitant tellement plus la vie ! Je ne suis pas forcée de m'exprimer. Jamais avec elle.
Ses cheveux hirsutes bondissent soudain sur sa tête comme pleins de petits poux châtains qui se chamaillent pour trouver leur chevelure favorite.
-Tu devrais lui laisser un joli petit mot quelque part dans un coin, pour lui dire où te trouver... Ou où te joindre, hein ! Ou mieux juste lui écrire et correspondre ensemble comme à l'ancienne !
Mon corps tremble soudain son manque de musique. Mes oreilles sifflent face au bruit des élèves qui s'installent et du talon de ma professeur qui claque contre le sol pour les attendre.
Je sue pour la musique que je n'ai plus. Les écouteurs, enfouis au fond de mon propre sac m'appellent pour que je les démêle et les écoute attentivement.
Je veux écouter leur douceur que le monde s'est amusé à oublier. Écouter leur rythme presque reposant suinter en moi et résonner pour toi. Et enfin, écouter le classique qui danse dans son impunité.
Mais tout est vide. Vide et triste. Car il n'y a pas de musique. Là
Tout de suite. Il n'y a plus rien qui me sépare du monde.Je suis vide de l'intérieur, ne suis qu'une enveloppe charnelle qui résonne par le vide.
Comme la musique est un manque qui ne cesse jamais de vivre pour moi ! Pour toi !
Je voudrais me renfoncer dans cette bulle que j'ai mis tant de temps à fabriquer de mes mains toutes ensanglantés.
Mes oreilles pleurent leur ouïe disparue. Elles pleurent les larmes que mon cerveau s'évertue à taire. Et comme c'est douloureux... L'âme qui se brise de l'intérieur et qui se reflète partout autour de moi comme les reflets d'un miroir cassé.
Miroir aux milles facettes qui me renvoie soudain ton doux visage idolâtré.
Ma professeur claque soudain dans ses grandes mains, pâles comme la neige et ridées comme le temps. Le premier cours de la journée commence enfin.
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L'être de l'Aube
Teen FictionIl s'est tellement voilé la face qu'il ne sais plus ce qu'il est. Il a cherché, encore et encore ce que les autres lui cachaient, mais tellement, qu'il en a oublié de se trouver. Il n'est plus rien qu'une enveloppe vide qui résonne, seule, per...