Éclatée, la colère qui cherchait à s'évaporer

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A D A M

-Pargraff !

-Oh non pas encore... je grogne en refermant mes doigts contre mes paumes.

M. Harmoniac se plante juste devant moi avec un magnifique sourire qui signifie très certainement "j'arriverai quoi qu'il arrive à mes fins, mon p'tit gars".

-Alors ? Ma proposition tient toujours ? demande Harmoniac.

-Non. Maintenant foutez moi la paix et laissez moi rejoindre mes potes tranquillement.

J'essaie de passer mais Harmoniac me bloque à nouveau en se penchant vers moi.

-Ton art doit s’exprimer par la beauté de ce qu’il est.

-L’art n’est pas fait pour être beau mais pour être regardé. Allez demander à Picasso ce qu’il en pense de ma phrase.

-Picaso trouvait beau ce qu'il faisait, Adam.

-P'tain il avait des goûts de chiottes alors.

Harmoniac éclate de rire, à mon grand étonnement. Je hausse un sourcil inquisiteur, lassé par cette attention chiante qu'il s'évertue à garder envers moi.

-Vous savez que vous commencez à vous transformer légèrement en psychopathe ?

-Je peux t'aider, Adam.

-Si je voulais être aidé, j'aurais appelé un psy, pas un prof d'art.

Mon prof ouvre et ferme plusieurs fois la bouche, comme s'il hésitait entre divers chemins à emprunter pour m'atteindre.

Je regarde autour de moi et vois une tonne d'adolescents de mon âge qui gesticulent dans tous les sens comme de petits insectes, ainsi que des professeurs et des goblets de café brûlant, lutteur de sommeil permanent.

Je vois des longs couloirs jaunis, tristes, avec trop de portes et trop de classes, d'où transpirent en masse les cours et les cerveaux en dégradations.

Et je me dis que le monde peut vraiment être terrible si on décide de le représenter comme ça. On peut le présenter dans la véritable horreur de ce qu'il est !

C'est vrai, mais si je décide d'observer le courage de cette femme de ménage, balayant encore et encore les mêmes pièces, les mêmes idioties que les élèves décident de faire en pensant que c'est créatif. Si je décide de regarder Harmoniac, de plonger dans son âme et d'y sortir un homme pugnace, plein et trop d'humanité, qui veut sauver le monde en oubliant qu'il n'est qu'un Homme...

Je peux le faire, voir le bon, ressentir à nouveau le bon, prendre en photo le bon... Mais ce serait mentir, oublier le mauvais, transformer l'humanité entière en une machine incapable d'erreurs, de fautes et de rancoeurs. Ce serait mentir et idéaliser un univers qui ne le mérite pas, car l'Homme ne mérite pas d'être pris comme héros quand toutes ses fautes finissent par achever le monde et, par la même occasion, lui-même.

-Ce n'est pas compliqué tout de même ! Prendre une photo du positif ! Ça te fairait du bien, tente à nouveau Harmoniac en me sortant de mon observation. Tu verras.

Je lève les yeux au ciel et m'apprête à parler quand Harmoniac persiste dans ses paroles :

-Laisse-moi t'aider, Adam. Tu as besoin d'aide, crois-moi.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant