Ce monde avec cette exception faite

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A D A M

Pour être honnête avec mon cher moi-même, je n'arrive pas encore à bien comprendre ce qu'il s'est passé ce matin, si tôt sur ce Pont...

Myla était là, tout près de moi, on dansait comme deux âmes damnés, toutes maladroites et la musique riait dans nos petites oreilles juste humaines. J'ai parlé tout d'un coup de mon frère comme jamais jusqu'alors je n'avais parlé de lui. Et elle, elle a parlé de sa sœur, Rose, morte précocement certainement à cause d'une saloperie de maladie comme le cancer...

Aujourd'hui, je ne regarde plus que le ciel d'où tombe à nouveau de la neige poudreuse, qui s'écaille et se noie dans la boue et les pas des gens, des voitures, des vélos, de ces putains de vies qui s'écrasent, s'écrabouillent et se rasent de si près qu'elles semblent se confondre dans ce monde, que tant d'êtres humains ont foulé sans y penser.

De mon pupitre, je regarde le ciel et je me demande comment j'ai pu ressentir tant de calme en moi ce matin, quand l'aube se dressait lentement, pour cette vie qui jusqu'alors avait tourné à la dérision tous mes plus beaux rêves...

Soudain, je suis secoué par la main de Rebecca, qui est assise à ma droite, juste à côté d'un Aaron qui écoute assidûment le cours... Comment fait-il pour suivre ce qu'il se passe en classe sans être déconcentré par ces élèves qui parlent et se foutent de tout, ce prof qui blablate mais n'écoute même pas ce qu'il dit ? C'est un mystère tout rond dont je n'arrive à comprendre ni la possibilité, ni même le sens.

-Ça va ? murmure mon amie d'enfance tout bas pour que le prof ne s'en rende pas compte. T'as l'air... Pensif.

-Pas plus que d'habitude.

Rebecca fronce son long nez, comme gênée par l'odeur d'un mensonge.

-Si. Plus que d'habitude. Parce que d'habitude, tu fais ton gros malin, le kéké que personne n'atteint et tu ne restes pas aussi longtemps silencieux...

-Le silence c'est mal ? demandais-je en pensant soudain à Myla.

-Non... Mais chez toi c'est pas vraiment naturel, le silence... Dis-moi ce qu'il y a.

J'inspire un coup avant de commencer à me balancer d'avant en arrière sur ma chaise.

-Je me demandais juste... Toi, j'sais pas comment et pourquoi, mais tu vois toujours les gens comme s'ils étaient bons et remplis d'humanité. Soit, l'inverse total de ma vision...

-Hum, ouais et alors ?

-Alors je me disais... Est-ce que tu crois que, dans ce monde que tu arrives à voir, il y a quelqu'un qui n'a vraiment rien de bon en lui ?

-Si tu parles de toi Adam, saches que...

-Non, la coupé-je. Non... Je veux dire que si dans ton monde, une telle personne existe alors peut-être qu'il y a quelqu'un dans le mien qui fait totalement exception à la règle ? dis-je avec hésitation. Qui échappe à la connerie humaine... Autre que vous deux bien sûr ! Parce que, vous, je vous connais depuis un trop long bail, je vous ai formé et appris à être de bonnes personnes.

Je tente de faire un peu d'humour mais aujourd'hui, je ne crois pas pouvoir en faire tant ce que je viens de dire me semble important...

Rebecca me fixe et de ses yeux gris et je la sens chercher ce qui tourne en boucle dans ma caboche, tandis que je me concentre sur mon balancement de chaise.

-Si tu savais le nombre de personnes avec un grand cœur qui attendent juste que tu les rencontres, Adam, soupire mon amie.

-Non, Reb. Je te demande si, dans ta vision des choses, il y a une personne vraiment sans cœur, qui n'est qu'une sale pourriture de l'espèce humaine.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant