Quand la réalité s'incruste dans nos cauchemars

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A D A M

Je me réveille et gueule dans la nuit noire qui n'aspire que les monstres, les cauchemars d'autrefois, les terreurs d'aujourd'hui.

Je crie la peur, je crie l'horreur, je crie aussi pour le chaos qui s'avère être ma réalité.

Mes yeux s'ouvrent si violemment que des larmes giclent. Oui, je suis capable de pleurer, de faire ressurgir la douleur à flot de fines larmes translucides, oui... Je suis capable de pleurer et bien souvent je me prends à le regretter.

Tout est noir... Et j'ai la touille de la mort, de la vie qui, par tous les moyens possibles cherchent ma destruction, à me plonger dans ces abysses d'eaux sombres où l'on se noient sans jamais pouvoir remonter à la surface pour respirer.

-Aidez-moi... AIDEZ-moi !

Je ne sais même plus si je crie ces mots ou les pense si forts que je les crois réels. Peu importe, personne ne vient m'aider, personne ne m'entend jamais de toute façon, c'est un peu comme si je criais à mon propre cul.

Mon cri s'étouffe au bout d'un certain temps, ma bouche semble à présent s'être muée dans le silence des pierres tombales.

Je ne peux plus rester figé dans mon lit, j'ai trop chaud, je sus comme un gros porc qu'on abat, le sang galope trop vite le long de mon corps glacé de douleur.

Je me lève donc, sens mon vieux dos craquer et dans tous mes membres, je respire au milieu de la peur du jour, la peur de la nuit, la peur chaque jour de la mort et de ses fourberies.

Je sors du lit et rampe, me traîne, moi et mon petit corps sensible, avec l'espoir de la vie. Je rampe vers l'infini qui m'engloutit et que l'on a osé appeler le monde. Partout dans mes pas, je passe en transperçant l'image funeste de mon frère et traîne derrière lui et moi, ce monstre sanguinaire.

Je m'arrête tout contre ma fenêtre que l'obscurité perce, je l'ouvre, écarte les volets et laisse l'obscurité m'absorber, mon corps se les cailler et mon monstre trépasser.

Ce putain de monstre qui rampe dans mon esprit et saute entre mes différentes pensées, qui étrangle mon corps de ses griffes aussi argentées que la lune... Ce monstre qui n'est autre qu'elle. Qui n'est autre que... Ce... Ce putain de nom, à jamais inoubliable qui déchire encore nos âmes à jamais... Ce nom que je ne peux plus oublier...

Je ferme les yeux, serre mes poings et me prend à espérer retourner dans le passé pour tout changer, arranger le bordel qu'elle a foutu et que j'ai foutu, m'excuser aussi beaucoup pour tout, pour Gabriel, elle, pour la naissance de ce monstre... Agathe...

N'en pouvant plus de mes cauchemars sataniques qui me font tourner en bourique et qui commencent à me faire bien chier, je sors mon téléphone et appelle Myla pour la première fois, l'esprit encore tout embué de fatigue.

Je tombe évidemment sur son répondeur et alors, je me sens très con, je tiens ma tête d'une main et renifle pour effacer le sillage d'une larme persistante.

-Merde... Merde, Myla je suis désolé... Je... J'avais besoin de parler à quelqu'un et comme un con j'ai oublié que tu...

Je me redresse, racle ma gorge, aspire la nuit presque finie et tente de reprendre :

-'fin c'est pas grave. C'était juste un cauchemar de toute façon, je sais même pas pourquoi je t'ai appelé je, juste... Bonne nuit Myla, rêve mieux que moi...

Je raccroche et soudain, devant moi, à l'extérieur de mon foyer choyé, les étoiles semblent m'appeler pour m'inciter à briller sous elles. Mon soupire vient embuer l'atmosphère, j'attrape un manteau et des godasses dans un coin sombre, reculé de la chambre et je passe mon corps hors de chez moi.

Une fois à terre, les pieds maculés de taches neigeuses, je retourne au Pont pour tenter de dissiper mon rêve.

Dehors il ne neige plus et le ciel a oublié d'apporter ses nuages, on se gèle donc juste un peu trop les miches. Mes pas craquent sous la neige qui s'est à présent gelée. Je rentre mes mains dans les poches de mon jogging tout gris en me rendant compte que, pour la première fois depuis très longtemps j'ai oublié d'apporter mon appareil photo avec moi.

Au bout de longues minutes où je glissais à moitié dans cette nuit qui m'aveuglait d'obscurité, je repère enfin le Pont.

Et alors que je ne m'y attends pas, je vois soudain une petite étoile solitaire en train de regarder la lune du Pont, songeuse des rêves nébuleux.

Les ombres semblent s'être absorbées en elle pour ne laisser place autour de cette rebelle qui refuse de faire partie du ciel, que lumière étrangère, douceur et apaisement de l'âme. C'est un mélange à la fois curieux et doux comme si elle était au travers de l'horreur, un brin d'espoir désespéré et à la fois tant attendu.

Myla se tourne alors vers moi en sentant ma présence bouger dans la nuit, sous un réverbère allumé. Elle retire de ses oreilles les écouteurs noirs dont j'entends encore le gueulement de sa musique, psithurisme pour moi et symphonie pour elle.

Je la vois lever sa main, me montrer son téléphone de l'autre et me demander muettement d'avancer pour la retrouver dans cette nuit qui absorbe mes pensées.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant