Abîme du souvenir

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M Y L A

Je cligne plusieurs fois des paupières, dans l'espoir vain que tout ne soit qu'une illusion. Que le monde dans lequel je crois me trouver est bien réel, accroché à mes pieds. Qu'il n'est pas en train de s'écrouler avec toi. Que ce que mon esprit ressasse en ce moment n'existe pas. N'existe plus. N'a jamais existé...

Je ferme fort les yeux cette fois.

Fort. Fort. Fort. Fort !

Je sens mon visage se rider du poids qu'à sur moi ta présence. Tout se creuse et se déforme sous ma violence à vouloir voir s'effacer ce pourquoi qui hante ta présence. Je m'évertue comme une folle à oublier, à me souvenir d'oublier puis à modifier un passé terminé.

Je ne veux pas m'évader avec toi dans ces pensées. Je veux ma musique. Je veux mon habit auditif qui crie à mes oreilles les sentiments que j'ai oublié d'emporter avec moi, quand la chute de ta dernière déchéance s'est terminée et à laissée des carcasses souillées dernière elle. J'ai oublié. J'ai préféré oublier la souffrance que jamais je ne tolèrerai.

Mais des paroles me sautent au visage et me tranchent la gorge sans une seule hésitation. Et l'hémorragie s'échappe. D'elle, gicle un souvenir.

-Roule plus vite Myla ! Je veux que la liberté touche mes cheveux ! Je veux sentir le poids de la vitesse contre ma peau ! Je veux entendre rugir le moteur qui me conduira vers mon bonheur ! Et je veux voir la route devenir trouble et difforme... Pour avoir l'impression de voler, d'être un beau papillon de nuit ! Je veux, ma Myla, goûter le danger !

Tu avais crié ces paroles contre moi, contre mon épaule qui arrivait encore à te soutenir. Tu riais de joie, et ton bonheur s'emportait jusqu'à moi en faisant étinceller mes yeux d'amour. Je ne voulais plus m'arrêter par ta faute. Je voulais entendre ton rire que j'entendais tout le temps à l'époque...

Alors j'ai roulé plus vite, en destination du rien... Juste pour une nuit. Juste pour ton rire...

Je rouvre les yeux et soupire. Le souvenir est parti, mais pas le poids de sa présence encore si puissante.

Les cours sont finis. Gwen, la seule personne de cette école à avoir mon numéro et d'une certaine manière, ma seule amie, est partie avec d'autres de ses amis. Amis, que je n'aime pas particulièrement.

Je l'aime beaucoup, Gwen. Mais je sais que nous ne resterons que de bonnes copines passagères, confinées dans une classe où aucun ami n'est présent, où la solitude enveloppe les âmes et fait se rapprocher les gens pour leur éviter la souffrance du silence...

Un rire sans son s'échappe. Mes lèvres craquelées et collées l'une à l'autre s'étirent, se déchirent et forment des cratères de chaires secs et à vifs.

Un rire triste qui n'émet pas un bruit. Tant mieux, une voix brisée par les souvenirs est un son des plus terribles à entendre. Il fait fendre les yeux et invoque la pitié.

Un rire triste que personne n'entend. Triste comme mes oreilles qui pleurent sans cesse en cascade et englouti mes tympans d'une mer immensément dévastatrice. 

Je décide de penser au présent. Pour une fois. Juste une fois. À Frank du présent qui se tient devant moi, dans sa posture tout à fait parfaite. Mon âme se réchauffe à l'idée de le retrouver, de l'entourer de mes deux bras et ensemble de détruire les lois qui limite la distance.

Mais soudain, une amie invisible vient gratter ma conscience. Doucement, comme pour ne pas me gêner.

L'inconscience. Adam. Le garçon aux milles sentiments.

Je me souviens comme sa présence m'étais amusante et de Gwen, me disant qu'il fallait garder contact avec lui. Mais comment, quand tu ne l'as rencontré qu'une seule fois et par un heureux hasard ?

Je décide, avec Frank et mes écouteurs bien branchés, de retourner au lieu de la rencontre hasardeuse avec l'espoir, un peu trop héroïque, qu'il y soit lui aussi.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant