Paroles épineuses pour comprendre la justice

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A D A M

Je souffle quand ma matinée se termine enfin et que je me dirige vers le self d'un pas trainant, déjà crevé. Mes jambes s'étirent et s'allongent dans mon jean trop long, elle passent l'une après l'autre pour avancer dans un rythme plus ou moins cadencé par la monotonie.

Parfois j'en ai vraiment ras le bol de tous ces cours chiants. Souvent, j'aimerais juste travailler mes matières favorites et faire Fuck aux autres. Mais je ne le fais pas, parce que, déjà je n'ai pas de matière favorite et surtout, que mon père me surveille de près, moi et mes résultats... Si mes notes ne suivent pas je peux dire adieux à mes amis, mes photos et bonjour les privées de sorties. Soit plus précisément, bienvenue dans un superbe enfer cloisonné !

Je crois que je déteste mon père plus encore que l'adolescence. Peut-être parce qu'au fond, lui je ne l'ai pas toujours haït, ce qui est d'autant plus déchirant ?

Mon coeur se serre parceque j'aimerais foutre le camp d'ici, pas seulement le matin quand l'aube traine, mais tout le temps. Je voudrais fuir loin de cette ville trop douloureuse, trop pleine d'erreurs, trop remplie de mélancolie... Mais je ne peux pas, à cause de ma mère et surtout à cause de...

Alors que j'ai mon plateau rempli de nourriture bien dégueulasse, à en faire vomir une limace, je repère une table où un Aaron plongé dans un livre fronce les sourcils.

Je me dirige donc vers cette table et pose bruyamment mon plateau en m'affalant sur la chaise libre à sa droite. Aaron sursaute, avant de retirer ses lunettes rondes et de me sourire de ce sourire merveilleusement moqueur dont lui seul a le secret. Je grogne alors en avalant une feuille de salade :

-Cette nourriture craint, ces élèves craignent, ces cours craignent, ce lycée entier craint​ !

-Ouais ! Ce lycée craint comme de la bouse de vache dans un distributeur automatique, me répond Rebecca en arrivant dernière Aaron.

Elle pose son propre plateau sur la table et vient chatouiller les mèches rouillées et coupées courts d'Aaron.

-Bonjour à vous aussi, comme ça fait plaisir de vous voir dit donc ! s'écrit celui-ci en éclatant de rire et en embrassant doucement les lèvres de Rebecca.

Je pose mes coudes sur la table en simulant l'admiration comme personne dans ce bas monde.

-Comment tu fais pour bosser en mangeant, Sherlock ?

-Ah, tu ne le sais pas ? Je suis une espèce en voie de disparition nommée "Réussite professionnelle capable de travailler même sous la neige et lors d'un tsunami"!

-Oui apparemment ils sont aussi surnommés "Rêveurs à plein temps".

Aaron secoue la tête d'un air las, complètement feinté.

-Adam... Quand on fait parti des "j'fais mon p'tit kéké, personne ne m'approche avec mes photos", on se tait !

Le visage de Rebacca s'assombrit et fixe sa nourriture comme si elle allait l'attaquer.

-Je ne comprends toujours pas pourquoi tu fais ça aux gens Ad.

-Tu n'es pas la seule à le penser. Harmoniac tente même de m'arrêter !

-Mais qui arrête Monsieur salade de thon ?! ricane Aaron en me voyant avec horreur manger de la salade de thon.

-C'est très bon la salade de thon ! je m'exclame. C'est peut-être même ce qu'il y a de meilleur ici !

-Moui, si on aime le goût des chaussettes hors d'usage qui trainent sous les lits depuis bien trop d'années déjà... renchérit Rebecca, le regard toujours vague.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant