Les doux nuages frissonnants de Rebecca

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A D A M

-Ah, bah ! C'est pas trop tôt ! Tu sais quelle sentation ça fait d'avoir le bord du cul gêlé ? Maintenant il ressemble plus à une boule de glace qu'à une partie de mon anatomie !

J'approche à grands pas de Rebecca, je dois dire que la voir, toujours la même malgré ce qu'il peut bien arriver adoucit l'étrange pulsation qui se compactait au creux de ma poitrine.

Rebecca est toujours vêtue de plusieurs centaines d'épaisseurs de noir, plaquées contre son petit corps pour que la gravité ait plus d'impact sur elle...

Je secoue la tête pour lui montrer mon exaspération, le vent fouette mes cheveux et je me demande si c'est le temps qui s'effrite dans le vent ou juste moi qui disparaît de la vie.

-Quoi ? Tu n'aimes pas les glaces ? je me moque, les mains enfoncées dans mes poches.

Le froid griffe trop mes doigts, arrache trop ma peau déjà à vif, se retrouvant incapable d'éteindre la glace qui les font transiter et trembloter de froid. Une des mains à, en plus de cela, gardé la marque, la chaleur, l'incendie de celle de Myla ! Et cette main brûle encore plus que le froid, comme si la protection qui l'entourait avait sauvagement été arrachée, elle ne semble plus avoir de chair mais que des os blancs qui arrache toute la chaleur du monde.

La bouche si sombre de maquillage de Rebecca se plisse comme une feuille de papier et dévoile toutes ses jolies petites dents tordues mais d'un blanc plus blanc que la neige.

-J'aime que celle à la fraise. Et juste pour te signaler, là la glace se trouve sur mon popotin ! Je suis pas une lèche culs, Ad, tu devrais le savoir depuis le temps quand même !

Un rire rauque sort d'entre mes lèvres pour cette vanne merveilleuse. Je l'applaudi par pure moquerie amicale et joueuse à la fois.

Alors que je m'apprête à m'assoir près d'elle sur ce banc apparemment glacial, elle se lève et fixe les nuages qui planent tranquillement au dessus de nos misérables têtes de petits humains. 

Pendant un brève instant qui ne dura peut-être qu'une demi-seconde, les traits de Rebecca se sont tendus, ses sourcils se sont froncés, formant comme une alliance pour se retrouver. Puis, tout est redevenu normal.

Le reste de son corps est pourtant resté crispé dans cette tension qui sans cesse agite son être. Qui peut donc imaginer ce qui bouscule à cet instant précis son esprit bien plus violemment que n'ose le montrer son visage ?

-Cumulonimbus... chuchote pour elle-même Rebecca.

-À tes souhaits, lui répondis-je pour la sortir de ses profondes pensées qui lui font toujours plisser le nez à la manière d'une sorcière complexée par sa verrue caractéristique.

Elle se tourne vers moi avec un sourire provocateur que je connais par coeur. Mais depuis les années passées ensemble, je la connais aussi elle, celle qui met au silence ses douleurs en pensant les voir disparaître comme par magie à force de ne plus y penser. Je sais qu'elle tente de cacher, en vérité, une profonde terreur...

-Ahah tes blagues sont de pires en pires mon petit Ad ! Devenir drôle c'est ta résolution de l'année prochaine où... ?

-Et toi ? La bonne humeur est un luxe ? répliquais-je en la regardant attentivement.

-Je suis de bonne humeur ! Toujours !

-Mmm ? Quand tu regardes le ciel, c'est pas un mauvais signe maintenant ?

Je vois sur sa bouche se former une moue boudeuse d'enfant moqueur, tout fier d'avoir une réplique cinglante à dénoncer.

-C'est toi qui broie du noir depuis tout à l'heure et qui ne me dit toujours pas pourquoi, pas moi.

Nous éclatons à l'unisson de rire, nous rions dans ce froid glacial d'hiver parce qu'on se connait trop et cela depuis des années. Les faiblesses sont mises à nues sans pour autant se montrer incongrues et la joie remplace pendant le temps passé ensemble ce qui a, un jour, pu alourdir nos coeurs.

Rebecca est la seule chose bien qu'il me soit arrivé depuis, ce qu'il me paraît, bien longtemps à vrai dire.

Elle me tapote l'épaule amusée par ma soudaine rêverie et commence à marcher devant moi en disant :

-On devrait rentrer, il va y avoir un orage. Il va péter sa maman et personne ne va rien comprendre !

Je commence à la suivre en jetant un coup d'oeil à l'heure marquée sur mon téléphone quand elle se retourne d'un coup en marchant à l'envers et en pointant un doigt malveillant sur moi.

-Et t'as intérêt à me dire ce qui turlupine ton cerveau comme un mammouth dans un champ de cactus !

Je ricane et lui répond :

-Toi et tes métaphores sans aucun sens ne changeront jamais !

Amusée, mon amie d'enfance se retourne et enfonce un peu mieux son bonnet sur ses oreilles, faisant ainsi comme si elle n'avait jamais entendu ma boutade.

L'être de l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant