Chapitre 38 - Full Moon

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CHAPITRE 38

Remus avait cru qu'il avait déjà atteint le point de non-retour avec Sirius. Il s'était trompé. Comment aurait-il pu imaginer que la situation pouvait s'aggraver davantage encore ? La culpabilité le rongeait. Il ne supportait pas de le voir étendu, inconscient, mutilé par la bête qui sommeillait en lui. Il avait failli le tuer cette nuit-là. C'était une sensation insupportable et d'autant plus difficile à supporter qu'il n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé.

Il n'osait pas s'approcher. James était donc celui qui se tenait près du chevet du garçon. Le chef des maraudeurs avait bien évidemment tenté de réduire le poids de sa responsabilité dans ce gâchis mais il avait voulu ça. Il ne pouvait pas nier l'évidence. Il y avait eu des nuits difficiles mais rien d'aussi ... létal. C'était comme si le loup en lui avait voulu réduire Padfoot en miette. Il avait lacéré chaque parcelle de sa peau, et il ne comptait pas les marques de morsures d'un bleu violacé qui parsemaient le corps du garçon. Il ne se souvenait de rien et pourtant il savait exactement ce qui s'était passé. Il était en colère. Terriblement en colère contre Sirius et tout aussi terriblement limité dans l'expression de cette fureur intérieure. Il se contenait. Pour James et Peter. Pour les autres. Le loup n'avait pas cette capacité à intérioriser toute cette agressivité. Il était en colère et il savait qui était la raison de cette colère. Il s'y était donc attaqué afin de supprimer celui qui les avaient trahis. Le résultat avait failli être dramatique. Prongs était intervenu et était parvenu à les séparer. Pas assez vite pour éviter cette situation.

– Ce n'est pas de ta faute Remus, répéta James pour la énième fois.

– C'est moi qui lui ai fait ça, murmura le garçon en tirant nerveusement sur la manche gauche de son pull rapiécé et bien trop grand pour lui.

– Ce n'est pas toi. On a déjà discuté de ça. Tu n'es pas toi même lorsque tu te transformes. Tu n'aurais jamais fait un truc pareil.

Remus se retint de le contredire. James avait toujours été convaincu que le loup garou et lui était deux entités propres. Il se trompait. C'était une vision naïve de sa lycanthropie. Il n'y avait pas une barrière aussi claire dans son esprit. Cela se ressentait notamment à l'approche de la pleine lune. Il sentait grandir la bête en lui. C'était comme s'il perdait peu à peu le contrôle de son propre corps. Son humeur s'assombrissait. Sa patience infinie laissait place à une irritabilité rare. Sa douceur disparaissait au profit d'une attitude revêche. Il pouvait se montrer cassant, blessant. Peu importe la quantité de chocolat qu'il ingérait, rien ne pouvait ralentir la progression du loup ... jusqu'à ce qu'il lui cède finalement les rênes. Les maraudeurs pensaient que le pire était la douleur lors de ses transformations. Le changement physique est douloureux. Une véritable torture. Mais lâcher prise mentalement, faisait passer ça pour une promenade de santé. Il ne pouvait leur expliquer la panique et la peur qui s'emparait de tout son être en sentant qu'il s'apprête à disparaitre et que c'est inéluctable. C'était comme mourir une fois par mois.

Avant de lâcher prise cette nuit-là ... il avait eu un aperçu des pensées qui habitait le loup. La même colère. Le même besoin. À une différence près. La possibilité d'agir. Il avait voulu faire payer sa trahison à Sirius. Et le loup garou n'avait été qu'un moyen. Il ne pouvait pas le contrôler mais il l'avait orienté par des semaines de haine parfaitement entretenue. Il était complètement responsable du fait que le loup garou ait choisi Padfoot comme cible. Et il ne parvenait pas à se le pardonner. Cette facette de lui ... cette infime part de lui qui avait souhaité blessé Sirius le terrifiait. Il la craignait d'autant plus que son amour pour lui semblait décupler sa haine. Il était d'une hypocrisie insupportable. La nuit après la veillée pour Emmeline en était le parfait exemple. Peu importe ses certitudes et ses principes, il retombait inlassablement dans les bras du ténébreux, beau et non moins coupable de trahison, Sirius.

– Dorcas dit que ce n'est pas aussi grave que ça en a l'air, lui rappela James continuant sa campagne pour le rassurer.

– Elle n'a pas dit que ce n'était pas grave ...

– Il va s'en remettre, lui assura le chef des maraudeurs.

– Je sais ... c'est pas la question, soupira Remus.

– On connait tous les risques.

– Non. Maintenant vous savez, corrigea Remus en désignant le corps inanimé de Sirius.

– Remus ...

– J'ai besoin de prendre l'air, le coupa le garçon, sortant de la chambre, ne supportant plus de le voir comme ça.

James ne tenta pas de le rattraper. Ce n'était pas son genre. Sirius était celui qui le poursuivait inlassablement, peu importe son humeur, jusqu'à parvenir à finalement lui changer les idées. Sirius ne voulait pas le laisser ressasser ses sombres pensées et se morfondre dans la solitude. Aujourd'hui Sirius n'était pas là. Et il doutait qu'il le soit à l'avenir. Il était peut-être temps que les choses changent. Ils n'étaient plus à Poudlard. Leur relation n'était plus aussi pure et sincère qu'autrefois. Remus avait pris sa décision. Il libérerait Sirius de sa promesse d'être à ses côtés lors des nuits de pleine lune. Il était trop dangereux pour lui. Il savait que James et Peter ne se laisseraient pas convaincre mais Sirius oui. Après tout, il l'accusait aussi d'être le coupable. Pourquoi voudrait-il l'aider ? Ils n'étaient plus amis et à peine amants. Il était temps de mettre un terme à cette mascarade.

Dorcas était venue le retrouver pour lui dire que Sirius s'était réveillé. Il n'avait en revanche pas demandé à le voir ... C'était la première fois. La plupart du temps, si l'un d'eux était blessé pendant la pleine lune, la priorité était de lui répéter que ce n'était rien, que tout allait bien. Mais cette fois, tout allait mal. Sirius ne voulait pas le voir. C'était difficile à encaisser. Nul doute qu'en temps normal, il aurait respecté cette décision du garçon mais ils devaient parler pour éviter d'autres bavures qui serait cette fois, fatales.

Il frappa donc à la porte avec bien peu d'assurance mais ce qu'il fallait de volonté pour faire ce qu'il avait à faire. Sirius se redressa légèrement avant d'abandonner en voyant que c'était lui, peu désireux de faire le moindre effort, détournant le regard vers la fenêtre et l'ignorant sciemment.

-Il faut qu'on parle, lâcha Remus, ce qui loin d'alarmer le garçon lui arracha un rire d'amusement presque sincère.

– Il faut qu'on parle ? Répéta-t-il sans s'arrêter de rire. On a déjà rompu depuis longtemps Remus. Je doute qu'on ait besoin d'avoir cette discussion.

– Je viens pas rompre avec toi.

– Je doute que tu viennes t'excuser.

– Je suis désolé.

– C'est ridicule, soupira Sirius en lui tournant le dos, peu disposé à dialoguer.

– Je sais que t'es fatigué mais ...

– Fatigué ? s'insurgea Sirius en se retournant un peu trop brusquement pour ne pas se faire mal.

– Ce que je veux dire, reprit Remus un peu plus sur la défensive maintenant que le ton était donné, c'est que tu devrais ne plus venir.

– Pour que tu puisses faire tranquillement la même chose à James et Pete ?

– Je leur ferais jamais un truc pareil !

– Parce que je suis le traitre, conclu Sirius sans broncher.

– C'est des aveux ? demanda Remus.

– Sors de ma chambre.

La menace dans son ton était aussi claire que la haine dans son regard d'acier. Remus tressailli. C'était la première fois qu'il prenait conscience que Sirius et lui étaient devenus ennemis. C'était difficile. Insupportable. Insurmontable. Il lui fallut toute la volonté du monde pour tourner les talons et abandonner le garçon. Son instinct lui criait de rester. Que Sirius n'était pas le traitre. Qu'il se trompait. Mais il ne pouvait pas céder à ses pulsions. Il ne pouvait pas se laisser aveugler par son amour. Même si ça voulait dire, perdre sa raison même d'exister.

Holding a Heart - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant