Chapitre 35 - No tomorrow

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CHAPITRE 35 

Remus observa son reflet dans le miroir, bataillant pour nouer sa cravate. Des années à Poudlard n'avaient pas rendu cette tâche plus aisée. Son état d'esprit ne facilitait pas non plus les choses. Il attrapa sa veste tout aussi noire que sa cravate, l'enfilant dans le silence de sa chambre d'hôtel. Pouvait-on vraiment qualifier cela de chambre ou même d'hôtel ? Mais c'était mieux que rien et le reste était au-dessus de ses moyens. Il n'avait pas de salaire. Être dans la Résistance était semblable à du bénévolat et contrairement à la majorité des membres de l'Ordre, il n'avait pas de famille fortunée qui pouvait l'entretenir et aucun héritage en vue pour pourvoir à ses besoins.

Il ne vivait plus avec Peter et Sirius, dans l'appartement. Il ne voulait pas devoir à ce dernier quoi que ce soit. Il n'aimait déjà pas cette sensation, autrefois, et cela n'avait fait que s'accentuer avec les soupçons qu'il entretenait à son égard. Il avait demandé à Peter de ne rien dire à James de peur que ce dernier ne lui demande de venir vivre au manoir. Il n'avait pas pris la peine de présenter la même requête à Sirius. Nul doute que celui-ci ne demanderait pas à James de le loger, cela serait en contradiction parfaite avec les accusations dont il l'accablait désormais pour couvrir sa propre trahison. Cette pensée arracha une grimace de déception douloureuse au jeune homme qui lança un regard à sa montre. Il ne voulait pas être en retard. Il enfila un manteau noir, dissimulant son visage en rabattant le col de celui-ci avant de s'aventurer dehors. Le froid lui fit presser le pas jusqu'à une ruelle adjacente vide. Il vérifia rapidement qu'il était seul avant de transplaner devant le cimetière d'Edwinstone, la ville natale de Emmeline.

Il passa sans encombres les hautes grilles en fer forgé, plaignant les deux pauvres bougres chargés de garder l'entrée sous cette pluie battante. Il feignit de ne pas remarquer le regard de l'un d'eux qui s'attarda un peu trop sur sa personne pour qu'il ne puisse y lire du dégoût. Sa lycanthropie avait été révélé à tous les membres de l'Ordre. La plupart avaient fait preuve de tolérance. Après tout ils se battaient pour une minorité oppressée, il n'aurait pas été logique d'en faire souffrir une autre. Pourtant certains d'entre eux -essentiellement les sorcières et sorciers issus des plus vieilles familles– voyaient son existence d'un mauvais œil de par les préjugés ancestraux qui avaient été encrés dans leur subconscient. Il ne pouvait pas vraiment les blâmer pour cela. Il était dangereux et bien qu'il eut toutes les bonnes intentions du monde, lorsqu'il se transformait, ses résolutions disparaissaient. Il n'était alors qu'une bête. Un monstre.

Il prit place à la gauche de James, ignorant consciencieusement Sirius qui était debout à la droite de celui-ci. Peter quant à lui se tenait près du ténébreux maraudeur, et lui fit un sourire contrit en le voyant. Remus le lui rendit tant bien que mal, essayant de ne pas laisser son regard dériver vers celui qui les avait trahis. Ses poings se serrèrent doucement et la colère réduisit le discours de Caradoc à un bourdonnement. Remus s'obligea néanmoins à suivre la cérémonie. On ne pouvait pas réellement parler d'un enterrement puisque le corps de la jeune femme avait dû être abandonné au Ministère par James et les autres lorsqu'ils avaient fui. Il s'agissait donc d'un hommage à la jeune femme qui s'était vaillamment battue pour l'Ordre et qui avait péri aux mains du Mage Noir.

-... et elle était ce que j'avais de plus cher au monde...

Remus sentit James se tendre légèrement face aux paroles de Caradoc. Il n'avait pas besoin de poser la moindre question pour savoir ce qui trottait dans l'esprit du chef des maraudeurs en cet instant. Et il était plus que probable que James ne fut pas le seul à nourrir de telles pensées. Caradoc Dearborn et Emmeline Vance étaient « ensembles » ou tout du moins autant que deux personnes constamment en mission à des kilomètres l'un de l'autre puissent l'être. Toujours était-il qu'ils formaient un couple plutôt uni qui aurait sans nul doute évolué rapidement vers un engagement plus sérieux une fois la guerre finie. Malheureusement ils n'en avaient pas eu l'occasion. Emmeline était morte et Caradoc n'avait plus pour objectif de survivre ou même de gagner. Il voulait simplement venger sa mort. James aurait pu perdre Lily ce jour-là. Il aurait pu être à la place de Caradoc et cette pensée lui était visiblement insupportable. Remus posa une main apaisante sur l'épaule de son ami, sans un mot car rien ne pourrait calmer cette angoisse qui leur tenaillait à tous l'estomac : celle de perdre la personne pour laquelle ils se battaient.

Remus les enviait tous autant qu'ils étaient. Emmeline et les autres qui avaient donné leurs vies pour l'Ordre étaient partis en héros. Leur sacrifice et leur dévouement seraient un jour célébrés dans des livres d'histoires qui compterait leurs exploits. Il n'aurait pas cette chance. La personne pour laquelle il s'était un jour battu, celui avec lequel il avait envisagé un avenir n'était pas mort. Il était bien vivant, à quelques pas de lui, dénué d'honneur et de loyauté. Un traître.

Il vit chaque sorcière et sorcier présent lever leurs baguettes et illuminer le ciel orageux de boules de lumière d'une blancheur incandescente. Remus les imita presque machinalement, la ferveur qui l'entourait ne parvenait pas à le gagner, son regard revenant toujours se poser sur Sirius et son esprit assaillit par des questions qui resteraient sans réponses. Comment et surtout pourquoi les avoir trahis ? Il se sentit rongé par la culpabilité en reconnaissant le sentiment qui dominait malgré tous ses pensées : le désir. Merlin, que n'aurait-il pas donné pour pouvoir glisser ne serait-ce qu'un doigt sur la peau d'albâtre de son ancien amant.

Un murmure parcouru l'assistance et Remus ne comprit pas immédiatement ce qui avait provoqué cette vague d'un enthousiasme subtile et pourtant parfaitement décelable. Il leva les yeux vers les sphères qui disparaissaient déjà, remplacées par des flocons de neige virevoltant vers eux, les entourant d'un manteau blanc. Il tendit la main, se délectant de la morsure froide de l'air.

– J'ai besoin d'un verre, lâcha Sirius.

– Je connais un bar dans le coin, répondit James.

Remus et Peter les suivirent bien évidemment, ainsi que quelques membres de l'Ordre qui avaient semble-t-il tout autant besoin de se changer les idées. Alice et Frank se joignirent donc à eux, ainsi qu'Hestia, Dorcas et Sturgis.

Ce soir-là, Remus but beaucoup. Assez pour oublier. Assez pour se jeter au cou de Sirius. Il ne fut pas le seul à se noyer dans un amour à l'avenir incertain, au futur compromis. Alice et Frank décidèrent de se marier. Leur bande avaient alors joyeusement titubé jusqu'à l'église la plus proche et un prêtre les avaient unis. Dorcas et Sturgis avaient fait office de témoins tandis que le reste d'entre eux peinaient à rester debout.

Le fait que leur vie soit constamment en jeu les rendaient insouciants. Cela les poussaient à vouloir tout faire rapidement sans soucis des conséquences que cela pouvaient entraîner car après tout, à quoi bon se soucier du lendemain quand il n'était pas certain qu'il y en eut un.

Malheureusement pour James, cette nuit n'était pas la dernière. Il ne faisait nul doute que Lily -qui pressait le pas au petit matin pour rejoindre la bibliothèque du manoir Potter dans le but de se renseigner sur l'utilisation improbable de sa magie– ne verrait pas son « écart de conduite » d'un bon œil. L'écart en question se baladant en petite tenue dans le manoir.

– Evans, on ne t'attendait pas aussi tôt, lâcha Hestia qui ne paraissait nullement gênée et qui finissait tranquillement de boutonner ce que Lily reconnu être la chemise de James.

Holding a Heart - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant