Chapitre 40 - Lil'

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CHAPITRE 40

– Evans attend ! Lui cria James à la fin de la réunion de l'Ordre.

Elle pressa le pas en serrant son ordre de mission contre elle. Elle n'arrivait pas à lui faire face. Pas en sachant qu'elle lui cachait quelque chose d'aussi gros. Elle tourna rapidement. Trop rapidement peut être. Il s'agissait d'une impasse. Ce manoir était un vrai dédale ! Elle jura doucement et recula pour revenir sur ses pas, butant contre le garçon. Elle tenta de le contourner sans lever les yeux.

– Je dois rentrer ! l'informa-t-elle d'un ton qui sous entendait qu'elle avait mille chose à faire.

– Pour faire quoi ? s'enquit-il calmement, comme s'il savait qu'il s'agissait d'un mensonge.

– Un tas de trucs ! répondit-elle toujours incapable de le regarder et réitérant une vaine tentative de fuir.

– Comme quoi ? insista-t-il presque sereinement maintenant qu'il la voyait atteindre si rapidement les limites de son mensonge.

– Rien qui te regarde ! s'agaça-t-elle. Laisse-moi passer James.

– Tu me manque, lâcha-t-il.

Elle fut tellement surprise par cet aveu qu'elle releva les yeux vers lui. Merlin, ce que ce doré avait pu lui manquer. Elle pouvait tout oublier... ou presque. James avait toujours été d'une franchise presque brutale. Il n'avait aucun filtre. C'était comme s'il était dénué de cette peur universelle d'être rejeté. Il n'essayait pas de tempérer ce qu'il était. Elle voulait que son enfant... leur enfant, grandisse dans le même environnement. Elle voulait qu'il soit tellement certain d'être aimé qu'il ne doute pas une seule fois qu'être lui-même soit rédhibitoire.

– Arrête de m'éviter, soupira-t-il en prenant sa main. Si t'es en colère, hurle-moi dessus mais reste avec moi. Je déteste ça quand t'es loin de moi.

– Je ne suis pas en colère, répondit-elle sans dégager sa main de la sienne, allant jusqu'à répondre à l'étreinte de celle-ci.

– Je sais que tout ne va pas s'arranger en un claquement de doigt mais... ça n'avancera pas si t'es pas là. Je peux pas faire ça tout seul.

– Je ne peux pas être là...

– Pourquoi ? demanda-t-il avec une détresse presque palpable. Je croyais... après ce jour-là dans le placard... Je croyais...

Il semblait si perdu. Sur bien des points, il n'était encore qu'un enfant. Peut-être le serait-il éternellement. Elle détestait être celle qui bouleversait ses certitudes.

Elle comprenait mieux pourquoi on lui avait tant de fois rabâché que l'amour ne suffit pas toujours. Que sans confiance, c'était voué à l'échec. Elle le voyait lorsque Sirius et Remus se déchiraient. Elle le voyait aujourd'hui, lorsqu'elle se retrouvait incapable de dire à l'amour de sa vie qu'il était le père de son enfant uniquement par peur qu'il ne reste avec elle pour ça plutôt que pour elle. Elle était prête à priver son enfant de la chance de connaitre et d'être aimé par un être aussi exceptionnel que James par peur d'être une obligation et non un choix. Il pouvait être tellement traditionnel parfois. Elle était certaine qu'il voudrait « faire ça bien ». Nul doute qu'il lui demanderait de l'épouser, de s'installer avec lui au manoir. Ce n'était pas comme ça qu'elle s'était imaginé les choses. Elle préférait cent fois mieux se marier sur un coup de tête après une soirée trop arrosée comme Alice et Frank plutôt que par commodité.

– Lil'... murmura-t-il ayant probablement remarqué qu'elle se trouvait à des années lumières d'eux, perdue dans ses réflexions.

Elle adorait qu'il l'appelle comme ça. C'était si rare. Il peinait à se défaire des vieilles habitudes, utilisant constamment le « Evans », comme si son prénom lui avait paru bien trop intime. Lorsqu'il le prononçait finalement, le coupant malgré tout avant la fin, elle se rendait compte que c'était comme s'il touchait son âme. Il avait raison de ne pas considérer ça comme anodin. Sa manière de prononcer cette unique syllabe était une véritable déclaration d'amour. C'était comme s'il s'adressait à son être tout entier. Cette intonation lui été réservé à elle. Il ne disait rien d'autre avec autant de ferveur. C'était plus fort qu'un je t'aime. C'était un contact plus intime qu'un baiser. Plus passionné qu'une nuit avec lui.

– Est ce que tu vas disparaitre ? demanda-t-il, laissant transparaitre sa peur.

Elle se maudit intérieurement de ne pas avoir pris conscience des insécurités qu'elle avait créé chez lui. Il paraissait toujours si sûr de lui que c'était un spectacle des plus étonnants de le voir soudain si... vulnérable. Il craignait qu'elle ne disparaisse comme après la mort de Marlène. Elle ne s'était pas rendu compte que du point du vu du garçon, les deux situations étaient similaires. Il la voyait l'éviter, malgré la certitude de son amour pour lui. Il la voyait fuir devant une situation qui lui était insupportable et qui paraissait sans issues. Ça aurait été mentir que de dire qu'elle n'avait pas pensé à partir. Mais ce n'était qu'une idée irrationnelle motivée par la peur. Elle ne lui ferait pas une chose pareille... Pas une seconde fois en tout cas. Elle avait retenu la leçon.

– Je ne vais nul part, le rassura-t-elle en emprisonnant son visage entre ses mains. Je reste avec toi.

– Alors pourquoi je te sens aussi loin ? C'est comme si quelque chose te rongeait de l'intérieur. Tu n'imagines pas ce que c'est de te regarder t'éteindre sans pouvoir y faire quoi que ce soit. À cause de moi.

L'entendre décrire sa grossesse comme un « mal » qui grignoterait sa vie lui fit prendre conscience de l'image qu'elle renvoyait en comparaison d'Alice qui semblait plus vivante que jamais. Comment avait-elle pu laisser la situation se dégrader à ce point. Elle aurait dû voir cette nouvelle vie qui se développait en elle comme un miracle et non une malédiction. Elle voulait cet enfant. Elle voulait son bonheur. Et elle n'avait qu'à tendre la main pour y accéder mais elle avait préféré se morfondre et tergiverser sur des points sans importances plutôt que de se réjouir. Leur couple n'y survivrait peut-être pas. Ils étaient loin d'avoir tout réglé. Elle ne lui faisait pas confiance et c'était réciproque. Mais il y avait une chose dont elle était certaine : James serait un bon père.

– James je... commença-t-elle, avant d'être interrompu par l'arrivée de Remus.

– On nous attaque ! Les défenses de l'aile ouest ont lâché et celles du sud ne tiendront pas bien plus longtemps !

– Pourquoi on a pas été prévenu plus tôt ! S'écria James.

– Quelqu'un a levé le sort de l'intérieur James.

– On en parlera plus tard ! Fais évacuer le domaine !

– Quoi ?

– On abandonne le QG ! Brulez tout.

Lily regarda Remus hésiter avant de se précipiter vers la salle de bal pour transmettre l'ordre. Ce manoir n'était pas simplement le siège de l'Ordre, c'était sa maison. Une demeure ancestrale transmise de générations en générations. Elle glissa sa main dans la sienne, ne tentant pas de le dissuader. C'était une nécessité. S'il y avait eu une autre solution, il l'aurait choisi. Il lui avait fallu beaucoup de courage pour prendre cette décision. Il venait de sacrifier le dernier vestige de sa famille.

Holding a Heart - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant