Chapitre 28 - Traitor (II)

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CHAPITRE 28 

Sirius s'installa devant le tableau de Charlus et Dorea Potter qui se promenaient bras dessus bras dessous dans une réplique parfaite du jardin du manoir. Ils semblaient si jeunes, si heureux, indifférents aux malheurs qui se déroulaient autour d'eux. Il ramena ses genoux contre lui, posant sa tête contre ceux-ci. Il aurait voulu qu'ils soient encore là. La colère l'emplit rapidement face à l'injustice de sa situation. Il n'avait jamais eu de parents, tout du moins jusqu'à ce qu'il arrive chez James. Les perdre aussi vite après les avoir trouvé était d'une cruauté sans nom. Le destin semblait s'acharner. Les gens qu'il aimait étaient-ils condamnés à mourir ? Était-il, comme le reste des Black, un mauvais présage ? Dorea lui sourit tendrement en agitant la main, lui envoyant un baiser qu'il fit mine d'attraper. Son sourire s'étira davantage encore lorsqu'elle le vit faire. Elle lui manquait terriblement.

James s'installa silencieusement en tailleur à côté de lui, sans lever les yeux vers le tableau, incapable de le regarder. Il ne pouvait imaginer la souffrance de son meilleur ami même si la sienne s'en rapprochait. James était comme son père. Plus sensible. C'était un truc de petit génie. Ils ressentaient tout plus violemment. L'hypersensibilité était le fardeau des surdoués. Il le regarda, se promettant de le protéger. Il était tout ce qu'il lui restait. Il passa ses bras autour du garçon et l'étreignit avec force.

– Il ne m'arrivera rien, énonça simplement James en posant ses mains sur ses avant-bras, devinant comme toujours, à la perfection, ce qui lui était passé par la tête.

Il le relâcha, ses inquiétudes calmées par l'assurance du chef des maraudeurs. James était confiant. Ils allaient gagner cette guerre et enfin être heureux. Il les vengerait. Charlus, Dorea, Marlène... et tous les autres. Ils ne seraient pas morts en vain. Il reporta son regard sur le tableau. Il comprenait pourquoi James gardait son regard ostensiblement baissé. L'illusion était dangereuse. Il sentait qu'il perdait pied avec la réalité.

– J'ai besoin de prendre l'air, l'informa James en se levant. Tu viens.

Ce n'était pas une question. Il ne protesta pas, c'était pour son bien. Le parc du manoir avait été laissé à l'abandon trop longtemps pour que la nature n'y reprenne pas ses droits. Il était bien éloigné du petit paradis que Dorea avait créé ici autrefois. Les choses s'étaient dégradées si vite, en si peu de temps. Il n'avait jamais imaginé que son futur serait un tel champ de bataille. Il s'était imaginé vivre avec James jusqu'à ce que celui-ci se décide enfin à épouser Lily. Il serait resté auprès de Remus se laissant aimer et le chérissant en retour. Il s'était imaginé recevoir des cartes des quatre coins du monde, envoyées par une Marley bien décidée à profiter de sa liberté. Il l'aurait parfois rejoint, simple incartade brisant pour quelques nuits son indépendance farouche.

La réalité était tout autre. Marlène ne voyageait pas, elle était morte. Remus ne l'aimait plus, il pensait qu'il était le traitre. James et Lily n'étaient ni mariés ni même ensemble. Comment rattraper un tel gâchis ? Comment continuer à avancer ? Pourquoi continuer à avancer alors qu'il n'y avait plus rien au bout de tout ça.

– Tu as le même regard que cette nuit-là, lui fit remarquer James qui s'était arrêté devant un rosier qui avait mystérieusement résisté au chaos.

– Je ne vais pas me suicider, répondit Sirius sachant pertinemment à quoi faisait référence son meilleur ami. Je me demandais juste... à quoi bon ? Pourquoi est-ce qu'on se bat ? Est ce qu'on ne pourrait pas juste se tirer d'ici. Préserver le peu qu'il nous reste.

– On n'a plus rien Sirius. Ça fait longtemps qu'on a tout perdu. On a beau essayer de faire bonne figure... quelque chose s'est brisé en nous tous. C'est ce que fait la guerre. Elle détruit tout. Il n'y a pas de vainqueurs.

– Qu'est-ce que tu fous là alors, s'emporta Sirius.

– J'essaye de faire que ça s'arrête avant que d'autres personnes ne soient engrenées là-dedans. J'essaye d'assurer un futur aux générations suivantes.

– Je suis pas aussi altruiste, répliqua le ténébreux garçon.

– Non, répondit James en lui souriant avec un amour évident. Toi t'es là pour moi.

– Bordel, jura doucement Sirius ne cherchant pas à nier.

Il se souvenait parfaitement de ce qu'il avait ressenti lorsqu'il avait rejoint les rangs de l'Ordre du Phoenix. Il se souvenait de la fierté qu'il avait ressentie lorsque Dumbledore le lui avait proposé. Il avait enfin l'occasion de prouver sa valeur. Il pouvait enfin se démarquer du reste de sa famille. Prouver au monde qu'il était différent, qu'il n'avait rien d'un Black. Il ferait ce qui est juste. Il rendrait le monde meilleur. Il se battrait pour les moldus, les nés moldus, et les sangs mêlés. Pour mettre un terme à l'obscurantisme. Pour empêcher ce génocide. Il aurait voulu ressentir encore cette fougue. Il aurait voulu avoir encore foi en l'avenir. En leur combat.

– Depuis quand est-ce que tu es aussi pessimiste ? C'est le truc de Remus ça, plaisanta James.

– Remus est trop occupé à... commença-t-il avant de se raviser terrifié à l'idée d'implanter la même idée dans l'esprit de James.

– Te soupçonner ? l'interrogea James toujours amusé, ne prenant visiblement pas tout ça au sérieux.

– T'es au courant ? Il t'en a parlé ? demanda-t-il se sentant d'autant plus blessé à cette idée.

– Non c'est Peter. Il était inquiet pour vous deux.

– Tu ne penses pas que je sois... le traitre, n'est-ce pas ?

– Il n'y a pas de traitre, répliqua James catégorique.

Sirius n'en était pas aussi certain. Maugrey était peut-être « trop » méfiant mais il n'aurait pas risqué la cohésion du groupe pour des accusations infondées. Ses soupçons s'étaient portés sur lui et Remus. Il se savait innocent... La seule explication était une chose qu'il avait refusé d'envisager. Mais Remus avait de toute évidence moins de scrupules. Il ne s'embarrasserait donc pas davantage.

Remus était le traitre.

Holding a Heart - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant