Il fait noir. Partout autour de moi, le néant. Je ne sais pas où je suis. Mais il fait sombre, et froid. Je me frotte les bras pour me réchauffer. Etre en T-shirt ici, que c'est intelligent de ma part. Je ne sais même pas comment je suis arrivée là, d'ailleurs. Mais en fait, où suis-je ? Je n'ai aucun souvenir de ces derniers jours. En effleurant mon haut, je marque un arrêt. Il y a quelque chose d'étrange. Je me palpe le corps pour essayer de comprendre ce qui ne va pas. Mais, mais... JE SUIS EN PYJAMA ! Récapitulons. Je suis dans un endroit froid et sombre, en pyjama, et je ne sais même pas comment je suis arrivée là.
Je soupire. Encore un cauchemar. Celui-là devient tellement récurrent que je suis capable de le déterminer pendant que je le fais. C'est triste, à ce niveau-là. Bon au moins, je sais ce qui m'attend, je sais que je me réveillerai après. C'est pratique. Pas besoin de paniquer. C'est encore la même histoire à chaque fois. Normalement un gros animal finit par arriver, en grognant, je sens sa bave me couler sur le bras pendant que je suis recroquevillée au sol, fin de l'histoire. L'avantage, c'est que c'est rapide.
Des pas résonnent soudainement autour de moi. Je me raidis, cherchant l'origine du son. Ça vient de ma gauche. Bizarre, normalement c'est un animal qui vient de là. Pas un humain. Et cette démarche est clairement humaine. Je tourne la tête. Je me rends alors compte qu'il fait plus clair. Je peux voir autour de moi. J'arrive même à distinguer la magnifique tête de lapin figurant sur mon pyjama. Je peux alors voir une personne que je n'ai jamais vue approcher.
L'inconnu s'arrête alors face à moi. Chose étrange, il m'est impossible de voir son visage. Tout est net, et suffisamment clair pour ma vue, mais son visage est flou. Comme dans le journal télévisé, quand ils interrogent quelqu'un et floutent son visage. Là c'est pareil. Étonnamment, je n'ai pas peur de celui qui me fait face, même si je ne peux pas vraiment le voir. Au contraire, je ressens un sentiment de sécurité. Depuis quand mes cauchemars se transforment-ils en rêves ? D'habitude c'est plutôt l'inverse.
Le jeune homme qui me fait face tend alors la main. Oui, il faut le dire, l'avantage, c'est que le reste de son corps est net, donc je peux déterminer que c'est un jeune homme. Enfin, normalement, sa corpulence correspond à celle d'un homme. Je fixe la main tendue, hésitante. Un nouveau cauchemar qui va s'enchaîner ? Ce n'est peut-être pas une bonne idée d'accepter. Mais je ne peux pas bloquer cette sensation de confiance que j'ai en moi. Je ne sais pas qui c'est, mais je lui fais confiance. Alors j'attrape sa main.
***
Je me réveille en sursaut, le front en sueur, le cœur battant à tout rompre. Je prends quelques instants pour comprendre ce qu'il m'arrive, avant de grogner à la sonnerie, auteure de mon réveil forcé. Dommage que grogner ne l'éteigne pas. Je soupire un bon coup, avant de tendre ma main et de taper plusieurs fois, de plus en plus fort sur le bouton d'arrêt. Le faux contact sur le bouton est un avantage l'air de rien. Il me permet de bien me défouler sur le réveil. Bon, je ne vais pas aller jusqu'à le casser, vu le prix que ça coûte aujourd'hui, je préfère garder celui que j'ai, même s'il est tout pourri. Au moins il fait le boulot, il me réveille. A la bonne heure.
Je retire ma couette pour me lever et frissonne violemment. Oh, flûte, le chauffage s'est encore arrêté cette nuit. Résultat, il fait un froid de canard. La journée commence sacrément bien, dis donc. En baillant, je me lève pour aller fouiller dans mon armoire. Après avoir mis par terre quelques vêtements, j'arrive à trouver un gros pull qui me permettra de ne pas avoir froid. J'attrape le premier pantalon qui me vient, et m'habille rapidement. Mes cheveux doivent être en pétard, comme tous les matins, mais je n'ai aucune motivation pour les brosser. Tant pis, ils ont l'habitude de vivre leur vie.
Je descends rapidement les escaliers pour aller prendre un petit déj. Au passage, je me cogne le pied dans l'encadrement de la porte. Je serre les dents et retiens un juron bien senti. Pas besoin de café, je suis bien réveillée, là ! Je m'adosse au mur en me tenant le pied. Le pire, c'est que je dois subir la douleur sans un bruit, pour ne pas réveiller le reste de la famille. Je suis celle qui se lève le plus tôt le matin, mon bus part à six heures et demi et j'ai un quart d'heure de marche avant.
En y repensant, je lève la tête vers l'horloge. Six heures cinq. J'ai intérêt à manger vite si je veux être à l'heure. J'attrape le sachet de céréales, le lait, et mange en quatrième vitesse. Comme d'habitude, je suis légèrement en retard, et donc je laisse tout en plan. Je récupère mon sac à dos et mon manteau à la va vite, avant de quitter la maison sans un bruit.
Le vent glacial me fait frissonner et je rentre la tête dans les épaules pour avoir moins froid. Petite info : ça ne sert à rien, le plus efficace, c'est de prendre une écharpe. Il faudra que j'y pense demain. Même si je me suis dit la même chose hier. Je n'ai plus qu'à marcher vite pour être à l'heure et ne pas louper le bus. Me connaissant, je vais encore arriver toute transpirante à l'arrêt. La grande classe pour commencer la journée.
Au moment où j'arrive, le bus s'arrête. Pile à temps. Je monte et aperçois rapidement Conan, mon meilleur ami, au milieu. Je le rejoins et m'assois à côté de lui, tout en sentant son regard amusé posé sur moi. Je soupire et lui lance un regard noir, l'air de dire : "Vas-y, vide ton sac, au moins j'aurai la paix après."
— Décidément, on dirait un épouvantail aujourd'hui. C'était quel cauchemar cette nuit ? Oh, laisse-moi deviner. L'incendie. C'est ça ?
Je me retiens de rire face à la joie de vivre de Conan. Il a beau se moquer, il est tellement énergique et curieux quand il essaye de deviner le cauchemar du jour que cela me ramène ma bonne humeur. Je pense que je ne serais qu'une loque dépressive, sans lui. Je croise les bras et mime une moue vexée pour sa comparaison avec un épouvantail. Il est tellement impatient, je sais que ça va l'énerver. Et ça ne manque pas.
— Allez, Maïwenn, donne la réponse ! J'ai bon cette fois ?
J'explose de rire en le voyant sautiller sur sa place comme un enfant. On ne dirait vraiment pas qu'on parle de cauchemars. On a l'impression qu'il attend des bonbons, c'est tellement drôle. Au moment où je vais lui répondre, je fronce les sourcils. C'était quoi déjà le cauchemar de cette nuit ? Je lui réponds vaguement, pensive.
— Je crois que c'était celui de l'ours, mais je suis pas sûre... C'est bizarre, je ne me souviens de presque rien de celui de cette nuit.
Il n'en faut pas plus pour susciter la curiosité de Conan. Je vois ses yeux qui brillent déjà d'excitation face à ce mystère.
— Un nouveau cauchemar ? Voilà qui est intéressant... Cela fait deux mois que tu n'en as pas eu de nouveaux, à force, ça devenait lassant !
— Oui, mais normalement j'arrive à m'en souvenir. Là, c'est juste flou et vague... Et puis, j'ai une sensation bizarre, je ne sais pas ce que c'est...
Je vois mon meilleur ami froncer les sourcils. Il ne m'a jamais vue douter sur mes cauchemars, et il me montre que c'est clairement anormal. Pour éviter d'angoisser pour rien, je force un rire et balaye le problème de ma main.
— Si ça se trouve, c'était un rêve, c'est pour ça que je ne m'en souviens pas !
— Toi, un rêve ? Maïwenn, le jour où tu feras un rêve, il pleuvra des chiens !
Un bruit sourd se fait alors entendre sur le toit du bus, qui s'était stoppé à un arrêt pour laisser des personnes monter. J'observe le chauffeur sortir du bus pour voir de quoi il s'agit. A son exclamation de surprise, je tourne la tête vers Conan. Notre chauffeur entre à nouveau dans le bus.
— Je vais avoir besoin d'un petit coup de main, y a un chien sur le toit du bus !
Je cligne des yeux, et échange un regard ahuri avec mon meilleur ami. Puis je lui tends la main.
— Félicitations, tu es officiellement devenu plus étrange que moi ! Tu provoques des pluies de chien !
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Le Coeur en Rythme
ParanormalCela fait officiellement six mois que je fais des cauchemars toutes les nuits. Pas de chance, mais plutôt banal, pensez-vous. Oui, mais les miens, ils prédisent des catastrophes qui arrivent réellement. Des accidents, des attaques, ce que vous voule...