Le Coeur en Rythme

Chapitre 52 : conciliabules et scène de ménage

Lorsque j'ouvre les yeux, c'est le visage d'Elliott que je vois en premier. Ils viennent chacun leur tour, on dirait. Je fronce les sourcils en remarquant son air préoccupé. Naël, à mes côtés, regarde au loin, visiblement perdu dans ses pensées. Je remarque alors que le trentenaire à qui nous avons parlé un peu plus tôt se trouve dans le couloir, attendant visiblement des nouvelles d'Elliott. Il tape du pied et enchaîne les soupirs, impatient. Le scientifique capte alors à nouveau mon attention. Son regard est toujours inquiet.

— Dis-moi que t'as pas rêvé d'un crash d'avion avec nous qui mourrons tous.

Surprise, je tourne la tête vers Naël, cherchant à comprendre ce qui arrive à notre collègue. Celui-ci lève les yeux au ciel avant de me répondre.

— Y a eu quelques turbulences juste avant, il a paniqué. Calme-toi, Elliott, ce n'étaient que de simples petites secousses.

Le scientifique le foudroie du regard avant de reporter à nouveau son attention sur moi. Je pose une main sur son épaule et lui réponds avec un léger sourire. Il hoche la tête en retour mais reste tout aussi crispé. Le trentenaire dans le couloir se racle alors la gorge pour que nous nous retournions vers lui. Son visage est fermé, si bien qu'il est impossible de deviner ce à quoi il peut penser. Je déglutis, mal à l'aise.

— Elliott, va falloir que tu m'expliques en quoi le rêve d'une gamine pourrait changer quoi que ce soit.

Le scientifique se tend et l'atmosphère s'alourdit soudainement entre les deux hommes. Je ferme les yeux en soupirant. Heureusement que le médicament fait encore effet. Je me masse les tempes, craignant que la migraine ne revienne. Naël lève une main pour essayer de les calmer mais cela ne fait que reporter leur hostilité sur lui. Il fronce les sourcils avant de se lever soudainement, demandant aux deux autres de le suivre. Je le regarde, ne comprenant pas ce qu'il se passe. Sentant que je l'observe, le jeune homme tourne la tête vers moi pour me sourire avant de partir.

Je décide alors de m'approcher de Tat', afin de savoir comment elle va. Celle-ci me fixe, les yeux grands ouverts. Je me penche vers elle, attendant qu'elle crache le morceau. Quand elle est comme ça, c'est toujours qu'elle a un truc à me dire. Mon amie jette un regard à sa gauche puis à sa droite, avant de prendre un air conspirateur. Je retiens un rire sarcastique, ne voulant pas la vexer.

— J'ai l'impression que certaines équipes de secours présentes ici sont en concurrence. Comment peut-on aider les victimes au Népal si nous ne pouvons pas nous entendre ?

Surprise, je lève la tête. En effet, certains s'ignorent superbement. D'autres ne cachent pas leur animosité et nous regardent de travers. Mal à l'aise, je me baisse à nouveau vers Tat'.

— Je suppose que le devoir passe avant tout.

Elle acquiesce, perdue dans ses pensées. J'ai l'impression de lui avoir fait la révélation du siècle. Nous restons ainsi silencieuses quelques secondes, avant que son regard s'illumine et qu'elle ne s'agite, visiblement excitée.

— Au fait, je t'ai vue faire tout à l'heure ! C'est génial que vous ayez pu prévenir pour la famille piégée sous la roche, avec un peu de chance elle pourra s'en sortir !

Je retiens un rire amusé face à la joie de mon amie. En effet, c'est une bonne chose d'avoir pu rendre mes prémonitions utiles. Le seul problème, c'est que cela a apporté des soupçons sur ma présence ici. Je ne devrais pas savoir ça, alors que je suis dans l'avion. Je ne peux même pas communiquer avec l'extérieur, actuellement. En y pensant, je me demande ce que Naël peut bien leur dire, aux deux autres...

Les trois hommes apparaissent à nouveau près de nous. Une distance s'est créée entre Naël et le trentenaire. Ce dernier le regarde bizarrement. Il remarque alors que je l'observe et une lueur moqueuse passe dans ses yeux. Tat' me tire soudainement la manche de mon t-shirt et je me retourne vers elle. Elle a l'air complètement paniquée.

— Tu crois qu'il est au courant pour tes rêves ?

Sa voix est basse, visiblement choquée. J'observe à nouveau les trois hommes puis secoue la tête. En y faisant plus attention, Naël m'a l'air bien calme. Il ne serait pas ainsi s'il lui avait dit. Je me mords la lèvre, soudainement inquiète.

— A mon avis, Naël lui a expliqué que c'était lui qui les avait...

Je remarque le visage de mon amie se figer un instant, avant qu'elle se frappe le front avec sa paume. Je hausse les sourcils, surprise. Qu'est-ce qu'il lui arrive, encore ? Elle cligne des yeux quelques fois avant de me parler à nouveau en chuchotant.

— Mais il va jamais être crédible, comme ça. C'est le genre de trucs qu'on ne dit pas, en général.

Aussitôt, elle se lève, toujours avec ce même air incrédule. Je l'observe s'approcher de Naël, avant de lui frapper l'arrière du crâne du plat de la main. J'ouvre la bouche, en état de choc. S'il y a bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas, c'est celle-là. Mais qu'est-ce qui lui prend ? Elle délire complètement. Son expression change alors du tout au tout pour laisser place à de la colère.

— Mais t'es complètement stupide, toi ! Tu veux qu'on t'interdise de bosser ? Arrête avec tes conneries à la fin ! Je sais que t'es stressé par cette situation, mais c'est pas une raison pour faire ton mafieux, là !

Je ne la reconnais plus. Le trentenaire, à côté, observe tout, étonné. Voilà que Tat' en rajoute encore. Tout en continuant de le gronder comme une mère avec son enfant, elle ponctue ses paroles de tapes sur la tête de Naël.

— Les. Affaires. De. L'équipe. Restent. Dans. L'équipe. Compris ?

Le jeune homme m'appelle à l'aide du regard et je lève les mains, refusant de me mêler à ce conflit. A vrai dire, je ne peux empêcher un sourire d'apparaître sur mes lèvres. Mon amie m'avait raconté une fois qu'elle voulait devenir actrice, quand elle était petite. Je ne peux que me dire qu'elle a un sacré talent. Je suis certaine qu'elle fait tout ça pour rajouter de la crédibilité aux yeux du trentenaire. Ce dernier s'excuse d'ailleurs rapidement avant de retourner à sa place. Histoire de bien enfoncer le clou, Tat' pose les poings sur les hanches et fusille Naël du regard, avant de lui tourner le dos, visiblement vexée.

Lorsque tout le monde s'est à nouveau installée, je peux observer mon amie rayonner du coin de l'oeil. Le jeune homme à mes côtés, complètement perturbé, se penche vers moi sans quitter Tat' des yeux. On dirait qu'il craint qu'elle ne recommence. Comme je le comprends, elle en serait capable, en plus.

— Tu peux me dire ce qu'il vient de se passer ?

J'ai un petit sourire lorsque j'entends sa question. Le regard brillant, je réponds à Naël en chuchotant.

— Tat' a toujours rêvé de mettre en application ses cours de théâtre.

***

NDA

Une chose est sûre, ce voyage n'est pas de tout repos ! Entre les multiples visions et leur incapacité à agir sur le terrain immédiatement, voilà qui donne du fil à retordre à l'équipe... Heureusement, le talent caché de Tat' s'est montré particulièrement utile. Pensez-vous que le secouriste croit à cette histoire ? A demain pour les deux prochains chapitres !