Pendant tout le cours, je sens le regard de Naël sur moi. Il est au fond de la classe. Je ne me suis pas retournée pour vérifier, mais quelqu'un qui vous fixe de manière insistante, c'est pesant. Comme un poids sur les épaules. Et c'est insupportable. Je sors mon cube pour penser à autre chose. Je n'arriverai pas à me concentrer sur ce que notre prof nous dit de toute façon. Le poids du regard de Naël est trop dérangeant. Au bout d'une heure à subir cette pression insupportable, la sonnerie de fin de cours me libère. J'ai rarement autant attendu qu'elle arrive. Surtout en pleine matinée. Mais si cela peut m'octroyer une pause de quelques minutes, j'accepte avec joie.
L'heure suivante commence à nouveau comme la première. A nouveau, son regard insistant qui me fixe. Je fais finir par exploser en plein cours, me lever et partir. Plus les minutes passent, plus j'ai du mal à me contenir. Je monte et démonte mon cube à fumée sans arrêt, pour essayer de me contrôler. Ce n'est pas très efficace, mais c'est toujours mieux que de ne rien faire. Le professeur passe alors en trombe près de moi et je sursaute de surprise. Qu'est-ce qui se passe, c'est quoi le problème ? Je me suis faite griller ? Sauf qu'il ne s'arrête pas devant moi. Je tourne la tête.
La cible de la fureur de Monsieur Chamal, notre professeur n'est autre que Naël. Qu'est-ce qu'il a fait ? A force de me fixer, il donnait l'air suspect ? Oh, par pitié, collez-le pour ça, c'est insupportable ! Je remarque alors que Naël a son téléphone en main de la manière la moins discrète possible. Je hausse un sourcil. Débutant. Les deux hommes se jaugent du regard, le nouveau gardant un air défiant. Il cherche à faire sortir de ses gonds le prof ou quoi ? Un silence de mort s'abat sur la salle, pendant lequel tout le monde est attentif à ce duel silencieux. Voilà qui va créer un tas de rumeurs.
— Votre portable, jeune homme.
— Pardon mais j'en ai besoin.
Je sens que tout le monde dans la salle est choqué. Même moi je dois avoir la bouche grande ouverte. Ce n'est clairement pas le garçon que je connais. Il n'a jamais eu une once de prétention, et là... C'est clairement l'opposé. Le professeur explose et frappe d'un seul coup la table de Naël du plat de la main. Au son sec, tout le monde sursaute. Sans le remarquer, mon cube à fumée tombe de ma main.
— Vous êtes collé une heure ce soir.
Aussitôt, notre professeur fait demi-tour, et je remarque ma machine au sol à ce moment-là. Je me penche pour la ramasser rapidement, mais trop tard. Je sais déjà que je me suis faite repérer. Et vu son humeur, je ne donne pas cher de ma peau.
— Tiens, mademoiselle Collet, vous tiendrez compagnie à votre nouveau camarade de classe ce soir. Je ne voudrais pas qu'il se perde et rate sa colle.
Evidemment. Il fallait forcément que je prenne une colle avec lui. C'est un cauchemar. Je passe une journée infernale. Comme si son regard pesant à chaque cours ne suffisait pas, je vais devoir le supporter une heure supplémentaire. Je baisse la tête et retiens un soupir. Je ne tiens pas à aggraver mon état. J'entends derrière moi Naël qui peste. C'est incroyable. Il râle que je doive passer ma colle avec lui, en plus ? Mais c'est quoi son problème ?
Le reste de l'heure se passe dans une ambiance tendue. Lorsque la fin du cours sonne, Naël m'intercepte à la sortie de la salle. Je fronce les sourcils, pas du tout prête à une discussion avec lui. Au vu de ce qu'il vient de se passer, c'est clairement la dernière chose que je voudrais faire. Néanmoins, je ne bouge pas, car je peux apercevoir une lueur alarmée dans ses yeux. Pourquoi il a fallu que ce soit lui que je croise dans mes rêves ? Ça m'aurait évité de rester plantée là, alors que je sais que je vais le regretter.
— Ne viens pas ce soir. Tu vas mettre ta vie en danger, sinon.
Sur ces mots, Naël s'en va, suivant le reste de la classe. Je reste sur place, interdite. C'est un avertissement ou une menace ? Après avoir vu les deux facettes de ce garçon, je m'attends à tout. Je soupire. Ce n'est pas comme si je pouvais sécher une colle de toute façon. Je ne tiens pas vraiment à finir en conseil de discipline. Complètement désorientée, je rattrape tout le monde pour la suite de la journée.
***
Les cours suivants se sont passés sans encombre. Naël s'est mis à m'éviter et m'ignorer. Son brusque changement de comportement me laisse perplexe. C'est possible de passer de noir à blanc en un claquement de doigts ? Si je ne le voyais pas de mes propres yeux, je rigolerais. Conan aussi ne comprend pas bien ce qu'il se passe. Il a juste compris que le nouveau était celui que j'ai vu en rêve si longtemps. Pour le reste, il est aussi perdu que moi. Et pourtant, c'est un grand adepte de théories en tout genre. Mais là, rien.
L'heure de la colle a sonné. J'entre dans la salle qui nous a été indiquée et remarque que Naël s'y trouve déjà. Comme aux cours précédents, celui-ci détourne la tête. Il a l'air soucieux. Mais pourquoi je m'inquiète de lui, moi ? Je le connais depuis moins d'une semaine. Et encore ! Peut-être que ce n'est que du vent, auquel cas cela fait moins d'un jour. Du coin de l'oeil, j'observe mon collègue de colle. Celui-ci ne cesse de regarder son portable, sans même essayer d'être discret. C'est exactement la raison pour laquelle il est ici, et on dirait que cela ne lui fait ni chaud ni froid.
Le professeur entre alors, d'une humeur massacrante. Je sens que l'heure va être très longue. Il pose son paquet de feuilles brusquement sur le bureau, et je sursaute. Naël, lui, ne réagit pas. Il se contente de l'observer avec un regard étrange. J'aurais peut-être dû le croire et ne pas venir, tout compte fait. Je ne tiens pas à jouer les médiateurs à essayer d'éviter une bagarre.
Monsieur Chamal pose ses lunettes sur son nez, les ajustant d'un geste automatique, avant de m'apercevoir. Il soupire. Quoi, qu'est-ce qu'il se passe, qu'est-ce que j'ai fait ? Je sais que je suis énervante avec mon cube, mais là, j'ai l'impression d'être un cas désespéré. Je regarde autour de moi, espérant que cela soit quelqu'un d'autre qui le dérange. Sauf que Naël est à l'autre bout de la pièce. D'ailleurs, celui-ci est d'un seul coup beaucoup plus tendu. Je fronce les sourcils. D'accord, il y a quelque chose qui m'échappe et que tous les deux savent. Qu'est-ce que je fais ici, en fait ? J'ai l'impression d'être une intruse.
Le professeur agite le paquet de feuilles en me fixant, et je comprends que je dois aller chercher mon devoir. Du coin de l'oeil, je vois Naël serrer les poings. Il ne va quand même pas faire un scandale parce qu'il doit se lever ? Au moment où je prends une copie, les choses s'accélèrent, et je me retrouve plaquée au mur, sans comprendre comment. J'ai juste mon dos qui m'élance. On a dû me pousser bien fort.
En levant le regard, je vois Monsieur Chamal, les yeux noirs, me fixant. Ah, je savais que quelque chose clochait. Mais je ne sais toujours pas ce que j'ai bien pu faire. Dans tous les cas, c'est plutôt terrorisant comme situation.
— Bon sang, je déteste les dommages collatéraux.
Sa voix est froide et glacial, et je frissonne de peur. Là, ce n'est vraiment plus drôle. J'ai l'impression d'être dans une série policière et d'être une future victime face à un tueur en série. Que je suis heureuse de savoir me défendre, tout d'un coup. Alors que mon "professeur" allait plaquer sa main sur mon cou, je lève mon bras pour parer avant de donner un coup de genou bien senti. Surpris, celui-ci recule, même s'il ne montre aucun signe de douleur. J'en profite pour me dégager rapidement du mur. Toujours éviter d'être acculé, ça met en position de faiblesse, sinon.
Une flèche passe devant moi, et je vois Monsieur Chamal se prendre une droite en pleine figure. J'écarquille les yeux. C'est ce qui s'appelle toucher dans le mille. Je fixe Naël, choquée. Je ne sais pas où il a appris à se battre, mais il est doué. Et quelque chose me dit que cette colle était juste un prétexte pour une bagarre entre les deux. Quand je disais que j'avais peur de finir médiatrice de combat. Voilà, je suis en plein dedans. Si ce n'est que mon professeur a tenté de m'étrangler. Étrangement, j'ai plutôt envie d'aider Naël, même si je ne le connais presque pas.
D'un coup de coude, celui-ci frappe la tempe de Monsieur Chamal. Je ferme les yeux. Un peu trop violent pour moi. Je sens alors qu'une main douce et chaude attrape la mienne. Mon regard se pose immédiatement sur Naël, à quelques centimètres de moi, qui me fixe intensément.
— Ne restons pas là.
Aussitôt, il se met à courir, et je n'ai d'autre choix que de le suivre. Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? Attendre que quelqu'un arrive et crie à tout le monde que j'ai attaqué mon professeur ? Et bon sang, il a voulu me tuer en plus ! Mais dans quoi me suis-je encore embarquée ?
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Le Coeur en Rythme
ParanormalneCela fait officiellement six mois que je fais des cauchemars toutes les nuits. Pas de chance, mais plutôt banal, pensez-vous. Oui, mais les miens, ils prédisent des catastrophes qui arrivent réellement. Des accidents, des attaques, ce que vous voule...