Chapitre 37 : cours de danse et notion de confiance

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Je regarde Joachim, face à moi, dubitative. Pourquoi ai-je accepté de danser à nouveau, déjà ? Ah oui, c'est vrai. J'ai perdu un pari. Je me demande encore pourquoi j'ai tenté ma chance. Le jeune homme me fait un grand sourire, et enchaîne avec un clin d'oeil.

— Allez, t'en fais pas, ça va bien se passer.

Je hausse un sourcil, franchement pas convaincue. Il se penche alors vers moi avec un air de conspirateur.

— Quoi, t'as pas envie de ridiculiser Naël en réussissant mieux que lui ?

Je croise mes bras sur ma poitrine, considérant l'idée. Certes, ce serait drôle. Le soucis, c'est que maintenant nous percevons clairement les émotions de l'autre lorsque nous sommes dans la même pièce. Donc la gêne Naël, c'est comme si moi je la vivais. Autrement dit, ce n'est pas très agréable à vivre. Je finis par secouer la tête. Joachim soupire et mets les poings sur les hanches.

— Bon, et bien tu l'impressionneras. Ça te va ?

Toujours pas. En voyant la mine frustrée du jeune homme, j'éclate de rire. Celui-ci lève les yeux au ciel, un sourire aux lèvres. Puis, il me tend sa main et j'accepte. Je vais bien devoir y passer, de toute façon. Il ne me laissera jamais en paix avec ça. Sur les indications de nos deux professeurs, je m'applique à faire les bons pas. Régulièrement, j'aperçois le regard moqueur de Joachim et lui tire la langue. Petit à petit, je commence à trouver mon équilibre et à enchaîner quelques mouvements sans catastrophes. Nos deux observateurs ont l'air satisfaits. L'un d'eux s'avance.

— Bon, c'est déjà beaucoup mieux. Maintenant, il va falloir que tu enlèves ce fichu balai que tu as dans le derrière.

Je cligne des yeux, surprise, et mon partenaire de danse éclate de rire. Je le fusille du regard, mais rien n'y change. Je soupire et attend qu'il se calme pour reprendre. Il me fatigue quand il veut. J'attrape à nouveau sa main et nous continuons. Je crois que je ne comprendrai jamais pourquoi les danses de couple ont autant de succès. Je recommence la même partie de chorégraphie inlassablement, encore et encore, jusqu'à connaître les mouvements par coeur et les faire sans réfléchir. A ce moment-là seulement, mes deux professeurs hoche la tête, satisfaits, et m'accordent une pause. Je m'écroule au sol, blasée.

Joachim s'assoit à côté de moi, lui aussi épuisé. Il a beau être l'un des meilleurs ici, il ne peut pas résister à un long effort physique. Il paraît que c'est son plus gros défaut. Tout le monde lui fait une petite pique amusée quand il vient à la salle de sport. J'ai ainsi pu remarquer que le jeune homme se vexe facilement. Et c'est plutôt divertissant. Enfin, surtout quand tu sais que tu vas devoir danser après. C'est la petite vengeance non voulue.

— J'ai une mauvaise nouvelle pour toi, on va attaquer les portées.

Fiente de pigeon ! C'est ce que je redoute le plus. Je me mets même à ressortir des jurons étranges, pour l'occasion. En voyant ma mine désespérée, le jeune homme éclate de rire. Il tapote mon épaule, en me donnant une dizaine de minutes de pause, le temps de me faire à l'idée de ce qui va arriver ensuite. Je le fusille du regard, ce qui ne fait qu'augmenter son hilarité. Il est désespérant.

Les deux professeurs s'approchent à nouveau de nous, et nous recommençons les exercices. Le premier consiste à me laisser tomber en arrière. L'objectif c'est que j'apprenne à faire confiance à Joachim. J'ai dû mettre bien cinq minutes avant d'essayer. Et encore, je me suis retenue. Résultat, j'ai dû recommencer. Et j'ai encore bloqué ma chute. Au bout de la quatrième fois, je m'écarte en soufflant. Je ne me rends même pas compte que je m'empêche de vraiment tomber. C'est frustrant, à force.

Joachim file alors comme une flèche vers la sortie de la salle et je fronce les sourcils. Je me tourne vers les deux professeurs, qui haussent les épaules en réponse. Super, mon partenaire de danse s'est enfui, et personne ne sait quelle mouche l'a piqué. J'en profite pour m'asseoir et poser ma joue sur mon poing. J'aimerais bien pouvoir faire de la boxe, moi. Je me suis éclatée la dernière fois. Mais si je commence, je devrai arrêter pour retourner à la torture. Cela risque d'être encore plus douloureux.

Le jeune homme revient alors, suivi de Naël. Je me relève, et jette un regard interrogateur au premier. Celui-ci me répond en retour, avant de m'entraîner à nouveau près des deux professeurs de danse. Il s'écarte ensuite, les poings sur les hanches.

— Bien. T'es incapable de me faire une confiance aveugle, et pourtant, tu donnes toute ta volonté. Donc, on change de tactique. Naël me remplace.

J'échange un regard avec le concerné. Pardon ? Lui aussi n'a pas l'air de comprendre ce qu'il fait là. Il s'est visiblement fait rouler dans la farine. Mais puisqu'il déteste autant que moi danser, Joachim a dû inventer je ne sais quoi pour le faire venir. Un des professeurs s'avance alors pour expliquer au nouveau venu l'objectif de l'exercice. Je le vois hausser un sourcil avant de hocher la tête. Il ne manquait plus que ça. Même lui, ça lui va. Mais comment est-ce que j'ai fait pour me retrouver dans une galère pareille, moi déjà ? Je soupire, pendant que le jeune homme se place derrière moi.

Pendant au moins deux minutes, je ne bouge pas. Je sens que ma respiration est un peu trop rapide, tout comme le battement de mon coeur. Je déteste devoir me jeter dans le vide, comme ça. Joachim, face à moi, me sourit pour m'encourager. Je décide alors de m'élancer. Et je me rattrape en reculant d'un pas. Il soupire et secoue la tête.

— C'est pas possible, t'es encore pire qu'avec moi, là ! Et pourtant, c'était déjà pas génial.

Je baisse la tête pour fixer mes pieds. Je sais que cela devrait être simple. Mais je n'y arrive pas. Naël pose alors une main sur mon épaule. Je ne bouge pas, mais tressaillis quand je sens son souffle effleurer ma nuque.

— Laisse-moi te guider. Ferme les yeux. Oublie où nous nous trouvons. Fais abstraction du son ambiant. Concentre-toi uniquement sur le fait que je suis derrière toi, et que je ne te laisserai pas tomber. D'accord ? Je reste là, et je ne bouge pas.

Je suis ses indications, en déglutissant. J'inspire profondément, et me concentre sur la nuit dernière, quand tout était calme dans la pièce, qu'il n'y avait pas un bruit, si ce n'est nos respirations. Petit à petit, j'arrive à me calmer et à reprendre le contrôle sur moi-même. Au bout de quelques secondes, je me laisse tomber. Je finis aussitôt dans les bras de Naël, qui me redresse et pose son menton sur mon épaule.

— Tu vois, il suffisait que tu te laisses aller.

Puis il s'écarte, et repart après un rapide hochement de tête à Joachim. Celui-ci nous dévisage l'un après l'autre, ne semblant pas bien comprendre ce qu'il s'est passé. Dès que Naël quitte le gymnase, le jeune homme s'approche de moi, sur un ton conspirateur.

— On m'avait dit que vous étiez liés, mais je pensais pas en avoir la preuve un jour. Je te jure, c'était super étrange, comme une espèce d'énergie qui circule entre vous et vous enveloppe. On dirait que vous étiez coupés du reste du monde.

Je passe une main dans mes cheveux, gênée. Après ça, je retente le même exercice avec Joachim. Les trois premières fois, je me bloque, mais la quatrième, je réussis enfin à lâcher prise. Nos deux professeurs applaudissent et décident de me laisser tranquille pour la journée. Ils ont dû comprendre que cela faisait déjà beaucoup pour moi. Aussitôt, j'entraîne le jeune homme vers la zone de boxe, bien que celui-ci grimace. Chacun son tour d'avoir des difficultés.

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant