Sur le reste de la journée, je ne fais que d'améliorer mon appareil à fumée. Les cours d'aujourd'hui m'intéressant peu, j'en profite pour avancer le projet. Le seul soucis réside dans le fait que je ne peux pas le tester pour voir ce qu'il y a à améliorer. Je ne suis déjà pas censée faire ça au lycée, autant rester discrète au maximum. Au moins, j'ai pu repérer un faux contact. Il faudra que je refasse la soudure à cet endroit. J'ai également tenté d'optimiser le système pour ne pas qu'il surchauffe. Ça serait dommage qu'il tombe en panne une seconde après avoir démarré.
Sur le trajet du retour, Conan se remet en quête de la musique de mon deuxième rêve. Pendant ce temps, j'essaye de trouver des indices pour celle de la nuit dernière. Mais rien ne me vient. Je n'ai aucun souvenir de ce que cela pouvait être. Alors que j'explique le problème à mon meilleur ami, celui-ci commence à avoir les yeux qui brillent.
— Et s'il n'y en avait pas eu, justement ? Peut-être que la musique est lié à ta respiration ! Reprenons. Tu m'as dit que tu t'asphyxiais, et en plus tu ne te souviens pas de la musique. Le fait de suffoquer est peut-être l'origine d'une absence totale de mélodie dans ton rêve.
Je hoche la tête, pensive. Il faudra que j'étudie ça de plus près. Cette nuit, j'ai intérêt à écouter attentivement le rythme de la musique, pour le comparer à ma respiration à mon réveil. On aura peut-être un lien qui nous permettra de trouver plus facilement les différents morceaux. Conan me montre alors le titre d'une chanson. Je prends un écouteur, attentive. Au bout de quelques secondes, je secoue la tête. C'est trop lent. Mon ami soupire. Il a vraiment du mal à la trouver. En même temps, avec le nombre de chansons qui existent, c'est sûr que c'est plus compliqué. Il se tourne vers moi.
— Les chansons ne peuvent pas venir de nulle part, t'es en plein rêve. Tu dois forcément les connaître.
Je fronce les sourcils. Son raisonnement se tient, si ce n'est que je n'avais jamais entendu la première musique avant la nuit où elle est passée. J'expose alors le problème. Je le vois se prendre le menton pour réfléchir. Puis, il se redresse vers moi et soupire d'un air contrit.
— Dans ce cas, il n'y a qu'une seule possibilité. L'inconnu dont tu rêves ne fait pas partie de toi. C'est bel et bien une autre personne et les musiques que tu entends sont celles qu'il connaît.
Je craignais que cette possibilité n'arrive. Maintenant que Conan l'a exposée à voix haute, je suis vraiment mal à l'aise. Quand est-ce que je vais arrêter d'avoir un sommeil aussi anormal ? D'abord, je prédis des catastrophes, et maintenant je parle avec quelqu'un ? Mon meilleur ami affiche une moue moqueuse.
— On dirait qu'un fantôme a décidé de te hanter...
Pendant que j'essaye de le faire taire sur tout le reste du trajet, celui-ci prend un malin plaisir à le répéter. Non, pas les fantômes. Les cauchemars, c'est déjà beaucoup. Si maintenant les esprits me rendent visite, je vais vite perdre la raison. A moins que cela ne soit déjà fait.
***
Je suis en pleine forêt tropicale. L'air est lourd et humide. Je m'essuie le front, bien que cela ne change pas grand-chose. Je suis dégoulinante de sueur, sous cette chaleur. Les arbres sont immenses, et les fougères m'arrivent à la taille. Cherchant une clairière où je puisse respirer un peu, j'avance avec peine. Au loin, je vois que les fourrés s'éclaircissent. Pleine d'espoir, j'accélère vers la lumière. En entrant dans la lumière, je m'arrête vivement. Oh non, pas ce cauchemar.
Devant moi se dresse un énorme bâtiment. Depuis le temps, j'ai réussi à déterminer qu'il s'agit d'un orphelinat. Je commence déjà à pleurer. La suite, c'est un gigantesque incendie qui ravage tout. Malheureusement, l'endroit n'est pas vide. Cela fera des dizaines de victimes innocentes. Et moi, je ne peux rien faire. A chaque fois que j'ai tenté de m'approcher du bâtiment, je m'emmêlais dans des lianes et m'écroulais au sol. Il ne me reste qu'à observer les dégâts. Je ferme les yeux et cache mon visage dans mes mains. Je ne veux pas voir ça. Je ne supporte plus de voir ce massacre.
Un bruissement de feuilles derrière moi me fait me retourner. Le garçon que je vois tous les soirs est là. Cette fois, il est en avance. Il arrive toujours quand l'horreur a commencé. En silence, il observe le bâtiment dans la clairière. Puis, son regard se pose sur moi. Il n'y a pas la lueur d'inquiétude de la dernière fois. A la place, je vois qu'il est calme, et juste curieux.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Un orphelinat. Il va brûler avec tous ses occupants à l'intérieur.
L'inconnu hoche la tête, silencieux. Je vois sur son visage qu'il prend mes paroles au sérieux. Il pivote alors, et me fait signe de le suivre. Ravie de pouvoir fuir cet enfer, je le suis. De toute façon, nous sommes dans un de mes rêves. Je ne risque pas grand-chose. Nous marchons quelques minutes en silence, puis il s'arrête, et grimpe sur une énorme liane entourant le tronc d'un arbre. Une fois installé, il baisse son regard sur moi. Je ne bouge pas, ne sachant que faire. Superposé aux bruits de la forêt, j'entends une douce mélodie retentir. Tiens, celle-là je la connais. C'est à mon tour de mettre de la musique ? Si c'est le cas, je ne sais vraiment pas comment cela fonctionne. Mais bon, c'est un morceau que j'apprécie. Inutile de vouloir la changer.
— On s'est vus plusieurs fois mais jusqu'à présent je n'ai pas pu me présenter. Je m'appelle Naël. Et toi ?
Il a visiblement conscience comme moi des rêves précédents. Peut-être que lui ne se réveille pas en même temps que moi. Fichu réveil. Je me demande ce que ça fait de voir quelqu'un quitter un rêve. Est-ce qu'on devient translucide avant de disparaître ?
— Moi c'est Maïwenn. Mais tout le monde m'appelle Maï.
Naël sourit. Une douce chaleur m'enveloppe pendant qu'il m'observe ainsi. J'y crois pas, même en rêve je n'arrive pas à contrôler mes hormones. Fichus papillons. Je les apprécie, mais uniquement quand ils butinent les fleurs. Et en ce moment-même, je les déteste.
— Ravi de te connaître, Maï.
Sa voix est toujours aussi douce. C'est perturbant d'entendre autant de douceur dans une voix. C'est un rêve. Cela modifie forcément la réalité. Cela ne peut pas être une voix qui existe réellement. C'est surnaturel. Personne ne peut hypnotiser quelqu'un avec une phrase aussi bateau que celle qu'il a prononcée, si ? Avec la grâce d'un félin, il saute sur le sol. Oh. Bon. Sang. Je vais faire un génocide de papillons, je crois.
***
J'entends quelqu'un qui tambourine à ma porte. En grognant, je me tourne dans mon lit. Cela devient une habitude pour moi, de râler au réveil. Cette fois, je ne sais pas si je dois être heureuse d'entendre ce bruit infernal ou pas. J'avais enfin la possibilité d'en savoir plus sur ce garçon. Même si j'avais sérieusement l'impression de ne plus du tout contrôler mes émotions. Les coups reprennent et je sens ma chambre trembler. Je tourne la tête vers mon réveil. Huit heures. Je soupire. On est samedi, j'ai le droit de dormir un peu plus, non ? A nouveau, on frappe à la porte.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Maï, j'ai fait une bêtise. Tu peux m'aider ?
A la petite voix de Nathan, je comprends qu'il n'a pas fait une bêtise, mais plutôt une boulette intersidérale. Il ne manquait plus que ça. J'attrape un pull pour ne pas avoir froid, et l'enfile en baillant. En ouvrant la porte, je découvre une mare d'eau au sol. J'écarquille les yeux. Ça y est, je suis plus que réveillée. Je lève la tête vers mon petit frère, qui m'observe avec une moue coupable. Ce n'est pas une boulette intersidérale. C'est une explosion nucléaire. Nathan a littéralement inondé la maison.
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Le Coeur en Rythme
ParanormalCela fait officiellement six mois que je fais des cauchemars toutes les nuits. Pas de chance, mais plutôt banal, pensez-vous. Oui, mais les miens, ils prédisent des catastrophes qui arrivent réellement. Des accidents, des attaques, ce que vous voule...