Chapitre 35 : brûlures et douleur

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Je soupire, impatiente que Mia arrive. Je crois que je ne fais que cela depuis une demi-heure. Je me mets à tapoter l'accoudoir du fauteuil d'un geste frénétique. J'ai peur de ce que la jeune fille va découvrir. Mais je dois savoir. Je bascule contre le dossier en soufflant une énième fois. Je suis sur le point d'exploser. Vivement que Mia me contacte. Cela voudra dire qu'elle est presque arrivée. Et s'il est arrivé quelque chose à ma famille ? Que se passera-t-il ? Je ne sais même pas comment je vais réagir. Mais cette simple pensée me serre le coeur. Non, tout ira bien. Nous serons là à temps. La voix de la jeune fille résonne alors, et je bondis de mon fauteuil. Je crois que je n'ai jamais été aussi tendue.

— Je viens d'arriver à un arrêt de bus. Je prends par où ?

Je regarde sur la carte la distance qui lui reste de sourit. Rapidement, je la guide. Elle y est presque, dans dix minutes j'aurai une réponse. Je fixe le plan sur l'écran, suivant la progression de Mia. Ma respiration se fait un peu plus difficile à chaque seconde, l'appréhension me gagnant. Je vois via son signal GPS que la jeune fille ralentit. Je fronce les sourcils et déglutis, craignant une mauvaise nouvelle.

— Alors, Maïwenn, je ne voudrais pas t'inquiéter, mais ça sent le cramé dans le coin.

Je ferme les yeux et m'assois lentement dans le fauteuil. J'aurais dû m'en douter. Je le savais. J'inspire profondément, essayant de me calmer. Mais déjà, je sens que je tremble. Pitié, pas ça, pitié, pas ça... Je lève à nouveau mon regard vers l'écran, et remarque que le point s'est arrêté. Et d'un seul coup, il avance rapidement. Elle a vu quelque chose. Quelque chose qui la fait courir. C'est là que je l'entends jurer. A ce moment-là, je me dis que je déteste vraiment les jurons. C'est toujours porteur de mauvaise nouvelle. Je serre les dents pour ne pas pleurer. Je ne sais pas ce qu'il se passe. Peut-être que c'est moins grave que prévu. Même si Mia ne jure pratiquement jamais.

— Je vais allumer ma caméra. Je pense que je ne vais pas avoir le temps de t'expliquer. Mieux vaut que tu voies par toi-même.

A ce moment-là, une image s'affiche, sombre. De la fumée s'envole vers le ciel. Et devant, une maison brûlée. Ma maison. Je lève une main devant ma bouche, les yeux écarquillés. Il ne reste plus que des ruines. Les larmes commencent à couler. Un chien entre soudainement dans le champ de la caméra. Melchior. Je vois que Mia commence à le suivre. J'inspire profondément, craignant déjà ce que je vais voir. Et c'est là qu'il apparaît. Mon petit frère. Au sol. Dans un sale état. J'éclate en sanglots. Sans m'en rendre compte, je tombe à genoux. Au bout de quelques secondes, la voix de la jeune fille retentit.

— Maïwenn, il est en vie ! Il respire encore !

J'ouvre les yeux et lève la tête. Je vois que Mia a posé une main sur la poitrine de Nathan, et qu'une autre prend son pouls. Rapidement, elle sort son téléphone pour appeler une ambulance. Je regarde autour de moi, perdue. D'une petite voix, je demande pour mes parents. Je vois l'image se redresser, et parcourir les restes fumants de la maison. Aucune trace. Je me précipite sur le clavier, pour lancer une recherche. Peut-être qu'ils sont juste au travail. Lorsque j'appelle sur le téléphone de mon père, il répond rapidement. Je soupire, soulagée. D'une voix tremblante, je commence à lui raconter ce qu'il vient de se passer. Je le sens accuser le coup, douloureusement. Après un instant de silence, il m'indique qu'il part tout de suite aux urgences. Puis, je raccroche.

Le téléphone de ma mère est éteint. J'ai tenté plusieurs fois, mais tombe directement sur la messagerie. J'essaye alors d'appeler son bureau. Je tombe sur une de ses collègues, qui m'explique ne pas l'avoir vue de la journée. Aussitôt, mon coeur se serre. J'ai un mauvais pressentiment. Un très mauvais. Je cherche où son téléphone a pu être localisé pour la dernière fois. Heureusement que Léo a déjà enregistré pas mal de choses, je n'ai qu'à appuyer sur deux boutons pour trouver. Je tombe alors sur la maison. Je serre les dents, et demande d'une toute petite voix à Mia si elle peut chercher un téléphone dans la maison. Après quelques minutes d'attente, je vois à l'image de caméra que la jeune fille ramasse une carcasse ressemblant au mobile de ma mère. Mon souffle se coupe. Ma mère a disparu.

Tombant à genoux au sol, je regarde mes mains. Des larmes coulent sur mon visage et tombent sur mon pantalon. C'est le prisonnier. J'en suis sûre. Il a enlevé ma mère. Tout comme il s'en est pris au père de Naël. La douleur m'écrasant, je me mets à hurler à plein poumons. Pourquoi ? Pourquoi elle, pourquoi moi, pourquoi nous ? Qu'est-ce que nous avons fait ? Au bout d'un moment, la poitrine me brûlant, j'éclate en sanglots. Je pose mes mains sur mes oreilles, des acouphènes m'attaquant. Je ne veux plus entendre, je ne veux plus savoir. C'est trop pour moi, je n'en peux plus.

Délicatement, des mains se posent sur mes bras. Je me dégage d'un coup sec, ne souhaitant pas de contact. J'entends des soupirs et l'on m'attrape à nouveau. Lasse de me débattre, je me laisse faire. Je n'ai plus de forces. Je ne veux plus rien. Mon frère est dans un état critique et ma mère a été enlevée. Tout ça à cause de moi. A cause de ces cauchemars, de ces visions... Je suis une cible, et l'on s'en prend à mes proches. Ce n'est pas moi qui suis en danger. C'est eux. J'en ai eu la preuve aujourd'hui.

On me fait sortir de la pièce, et je suis, comme un zombie. Je remarque qu'on m'emmène dans ma chambre. Quelques minutes plus tard, je m'écroule sur mon lit et me roule en boule. Quelqu'un tente de me parler, mais je ne réponds pas. J'entends un soupir derrière moi, puis la porte est fermée. Je ne sais pas qui m'a conduite ici, mais je l'en remercie. Du calme. Du silence. De l'obscurité. Tout ce dont j'ai besoin.

Le reste de la journée, je dors par à-coups, sans bouger. Quelqu'un vient me déposer un repas le soir, mais je ne bouge pas. Il dois sûrement être le milieu de la nuit, lorsque je me lève enfin, pour grignoter un morceau. Je ne touche presque pas à ce que l'on m'a donné, mais j'ai une petite faim. Puis, toujours dans le vague, je retourne me positionner comme je l'étais sur le lit. Je passe le reste de la nuit ainsi, les yeux grands ouverts. Lorsque le soleil se lève, je ne bouge pas. Me lever, pour quoi faire ? Il faudra des jours avant que mon petit frère aille mieux. Dans un soupir, je roule sur le dos, et observe le plafond. Mes visions ne servent à rien. Elles ne sauvent personne. J'ai beau faire tout ce que je peux, il y a quand même des victimes. En quoi est-ce un don rare et précieux ? Cela ne fait qu'apporter de l'espoir inutile, pour plus de souffrance. Rien d'autre.

***

NDA

Ce chapitre n'est pas des plus joyeux, mais j'ai été clément, Nathan est encore vivant ! Des théories sur ce qu'il est arrivé à la mère de Maï ? Côté coulisses, je vous annonce que j'ai terminé l'écriture de LCR, pour un total de 63 chapitres (il vous reste encore de la lecture à venir). J'aimerais donc savoir votre préférence : souhaitez-vous continuer sur un rythme d'un chapitre par jour, ou voulez-vous passer à deux chapitres par jour ?

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant