Chapitre 58 : Rencontre étrange et rêve multiple

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Toujours portée par le Népalais, notre petit groupe est escorté jusqu'à un village. De grandes tentes circulaires sont agencées les unes près des autres, sans que je n'arrive à comprendre la logique de leur implantation. Au centre de cet amas, une habitation plus grande que les autres se distingue. Elle doit certainement servir à réunir tous les villageois. Nous y entrons tous ensemble. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur que l'on me pose au sol. Je m'assois aussitôt, ne souhaitant pas lutter un instant de plus pour rester debout.

Mes coéquipiers prennent place autour de moi, chacun s'installant sur un coussin. L'air est lourd et chaud. Il y a un poêle au centre de la tente. La fumée s'échappe par un trou à travers la toile. L'intérieur est rempli de tapis, de coussins et de bancs. Je ne vois même pas le sol, masqué par les épaisses carpettes.

Un vieil homme sort de l'ombre. Son regard est posé sur moi et ne me lâche pas. Il s'approche de nous, dégageant une telle intensité que cela m'intimide. Sa peau burinée par le soleil est parcheminée. Plus petit que moi, il n'en dégage pas moins une présence surprenante. Ses iris sombrent me détaillent. J'ai l'impression d'être un insecte qu'on étudie. Il commence alors à parler. Sa voix est douce et calme, mais ferme. Aussitôt, Elliott se lance dans la traduction.

— Il ne pensait pas qu'une telle occasion referait surface. Notre monde est devenu bien trop complexe et rationnel. Le don de voir au-delà du visible se perd. Pourtant, ta présence ici lui montre qu'il avait tort. Je ne comprends rien à ce charabia mais ce sont ses mots.

J'esquisse un petit sourire à la réaction du scientifique. Je ne peux que compatir. Pour ma part, je sais de quoi il parle. Mais cela ne m'aide pas à cerner ce que je vis pour autant. Mes cauchemars restent un mystère à mes yeux. Les épaules de l'aîné s'affaissent. Il s'assoit lentement face à nous.

— Tu lui ressembles.

Je sens les regards curieux d'Elliott et de Tat'. Naël pose une main sur mon épaule. Je baisse la tête, attristée. Déglutissant avec difficulté, je lui réponds.

— Il l'a enlevée.

Je sens les deux autres ne rien comprendre à cette échange. Mais le vieil homme, lui, réalise tout de suite. Ses yeux s'écarquillent. Après quelques instants de silence, il soupire. J'essaie de contenir mes larmes comme je peux. L'accumulation de la fatigue, de mes soucis de santé et des récents évènements ne m'aident pas. Le scientifique profite du moment pour échanger directement avec l'aîné. Ce dernier l'écoute attentivement et hoche la tête à de multiples reprises. Puis, il se tourne à nouveau vers moi.

— Le plus urgent est d'améliorer ton état de santé. Ensuite, je t'apprendrai à appréhender ce don que tu possèdes.

Je hoche la tête, silencieuse. Il a l'air dubitatif.

— Je dois te prévenir avant. Les soins que je vais t'apporter risquent de déclencher une série de visions. Si tu veux t'en sortir, il faudra que tu réussisses à faire face à ces rêves.

Une légère inquiétude me traverse. Comment ça, si tu veux t'en sortir ? Mes coéquipiers ne sont pas plus rassurés que moi. Il ne manquerait plus que je sois forcée à combattre dans un sommeil paradoxal, afin de mettre à terre mes problèmes de santé au sens propre du terme. Le vainqueur du combat déterminera si je survis ou non. Un frisson me parcourt à cette idée. Il s'agit peut-être de rendre le traitement plus efficace afin d'être sur pieds plus rapidement. Oui, c'est sûrement ça.

Je sens le regard de Naël peser sur moi. En me tournant vers lui, je remarque son inquiétude. Je lui offre un petit sourire et hoche la tête, pour le rassurer. J'ai déjà affronté pire. Un ours m'a tuée à de multiples reprises. Des milliers de gens sont morts sous mes yeux. J'ai vécu des razzia, des effondrements de bâtiments, des attentats. J'ai fait face à Mazko. Je peux bien résister à quelques hallucinations.

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant