Chapitre 30 : Etude de terrain et quasi-catastrophe

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Cela fait maintenant une heure que nous sommes sortis, à pied, en direction de la forêt. Nous montons lentement, la pente étant rude. Nous arrivons alors sur une zone un peu plus plane, et Elliott demande à ce qu'on étudie le coin. Souhaitant continuer à avancer, nous décidons de nous séparer. Naël et Tat' commencent alors à se disputer violemment pour savoir lequel des deux allait nous accompagner, moi et Conan. Avec les trois autres, nous échangeons un regard interloqué, ne comprenant pas pourquoi autant de débat. Dans un soupir, je décide d'intervenir et les séparer.

— Bon, jouons-la tactique. Ici, il y a encore de la forêt. Plus haut, le champ sera dégagé. Tat' possède un excellent sens de l'observation, elle pourra détecter la moindre anomalie sur toute une étendue de neige. En l'occurrence, elle nous aidera beaucoup plus si elle continue avec nous.

Les deux jeunes gens me fixent, surpris par mon ton sec. S'il y a bien une chose qui me désespère, c'est les disputes inutiles. J'ai tendance à perdre patience et à devenir extrêmement froides, dans ces moments-là. Notre maître d'arts martiaux avait beau tout faire pour me calmer, il n'a toujours pas réussi. Disons juste que je me suis améliorée. Il y a quelques temps, j'aurais été capable de leur hurler dessus. Naël ne répond rien et se contente de hocher la tête. Il a visiblement compris qu'il valait mieux ne pas discuter. Avec mes deux amis, nous reprenons la montée, pour sortir de la forêt. Après un quart d'heure supplémentaire de marche, nous voyons le paysage s'éclaircir devant nous. Je pose mon sac lorsque nous arrivons aux derniers arbres.

Tat', les lunettes de soleil sur le nez, fixe attentivement le haut de la montagne, là où j'ai vu que cela se détacherait. Les pistes étant entretenues, la neige va dévaler sans soucis le long de celles-ci. De là où nous sommes, nous pouvons voir de skieurs glisser avec rapidité. Je déglutis en voyant le monde qui dévale. Je décide alors de détourner la tête, pendant que Conan sort une carte géologique du coin. Cela nous permettra de déterminer comment est construit le relief, et où la neige peut craquer. Nous avançons de quelques pas, et la chaleur ambiante nous sidère. Cet endroit est totalement exposé au soleil, pas étonnant que cela soit fragile. Je me mets à genou, et décide d'extraire un échantillon de neige du sol. J'aimerais voir à quel point elle est compacte. Si elle se délite facilement, nous pourrions montrer qu'il y a un risque.

Alors que je commence à creuser, un craquement se fait entendre un peu plus haut. Aussitôt, nous nous figeons tous les trois. Après avoir échangé un regard inquiet avec mes amis, Conan propose d'une petite voix que nous appelions les autres. Je hoche la tête, et remarque que Tat' parcourt le paysage du regard, cherchant sûrement l'origine du son. Elle pose alors doucement une main sur mon épaule et pointe du doigt une zone, entre nous et les pistes. Je ne vois rien mais cela ne fait pas de doute qu'elle a repéré quelque chose. Mon meilleur ami, dans un soupir, s'allonge au sol. Il fait souvent ça quand il est perdu.

Pendant ce temps, je me tourne vers la forêt. Il faudrait que j'appelle Naël, Mia et Elliott mais je ne peux pas élever la voix. La montagne porte beaucoup, mais si je fais ça, je risque de déclencher une avalanche. Les vibrations de ma voix, qui ricochent contre la neige, pourraient finir de fragiliser la couche ayant déjà craqué. Je n'ai jamais assisté à ça, mais je ne tiens pas à tester. Comment faire ? Je me mords la lèvre. Je suis connectée à Naël, c'est vrai. Nous rêvons ensemble à distance, et il a pu sentir mes émotions à plusieurs pièces de décalage. Peut-être que si je lance un appel à l'aide intérieur, il le détectera ? Essayons, ça ne coûte rien de tenter. Je ferme les yeux et inspire profondément. Naël, je t'en supplie, j'ai besoin de toi. J'espère que tu le sentiras.

— Euh, Maï ?

Je me retourne, en entendant la toute petite voix apeurée de Conan. Celui-ci m'observe, les yeux exorbités. Je m'agenouille près de lui et pose une main sur les épaules, la tête penchée. Sans un mot de plus, il me fait signe de m'allonger au sol. Je fronce les sourcils, avant de faire ce qu'il m'indique. Rapidement, j'entends un bruit étrange. Je pose mon oreille sur la neige, pour mieux entendre. C'est un bruit familier, mais je n'arrive pas à déterminer ce que c'est... On dirait une chasse d'eau qui coule. De l'eau. Liquide. Je me relève brusquement et échange un regard affolé avec mes deux amis. De l'eau qui coule sous la neige. Ca peut se casser à tout moment.

Des bruits de pas se font entendre derrière nous et nous pivotons pour apercevoir Naël. Je ne peux m'empêcher de soupirer de soulagement pendant qu'il nous observe, inquiet et interrogateur. D'un geste, nous l'arrêtons avant qu'il approche plus. Je ne sais pas à quel point l'endroit est fragile, aussi mieux vaut ne pas jouer avec notre chance. Tout doucement, nous le rejoignons. Je sens le regard du jeune homme posé sur moi. S'il est là c'est qu'il a entendu mon message. Je ne sais pas du tout si c'était une bonne idée, finalement. Je suis totalement intimidée par la situation, d'un seul coup. Heureusement pour moi, Tat' prend les devants. Elle pointe l'endroit qu'elle m'a montré tout à l'heure.

— Ça a craqué là-bas. Et on a entendu de l'eau couler sous nos pieds tout à l'heure. Il me semble que cela rend le sol très instable, ce genre de choses.

Naël fronce les sourcils, avant de se détourner pour échanger par oreillette avec le scientifique. Comme ils sont de la même équipe, ils ont le matériel nécessaire pour communiquer. Malheureusement, il n'y en a pas plus pour moi, Tat' et Conan. Fébriles, nous attendons la réponse du jeune homme. Je le vois se mordre la lèvre avant d'acquiescer. Puis, il attrape le sac que j'avais posé par terre et nous fait signe de venir avec lui. Sans un mot, nous le suivons.

— Bon, d'après Elliott, cela peut causer des crevasses. Mais si vous avez entendu le sol craquer, cela montre que c'est très fragile. C'est suffisant pour faire fermer toutes les pistes, je pense. Nous étions relativement près d'une qui est actuellement ouverte.

Le reste du trajet se fait en silence et nous rejoignons les autres. Le scientifique décide d'aller négocier immédiatement avec les gérants de la station de ski et nous descendons tous ensemble, pressés d'en finir. Naël commence alors à ralentir, et me fait signe de le suivre, pour que nous nous mettions à l'écart du groupe. Gênée par la situation, je fixe mon regard sur les autres devant nous, n'osant pas tourner la tête vers lui. Il m'interpelle alors doucement, me forçant à lever les yeux. Je croise les siens, et je suis perdue par la puissance de l'émotion que je reçois. C'est quelque chose d'extrêmement flou. Même lui ne doit pas savoir ce qu'il ressent.

— Tout à l'heure, j'ai senti d'un coup que tu avais besoin de mon aide. Tu as réussi à m'appeler volontairement ?

Incapable de répondre, je hoche la tête. Naël s'arrête d'un coup, et s'adosse à l'arbre le plus proche, les yeux dans le flou. Je ne dis rien et reste là, les bras ballants. Je ne sais pas ce qu'il veut. Mais je sais qu'il finira par me le dire. Après un instant de silence, il soupire. Puis il relève la tête vers moi, et je vois dans son regard qu'il est aussi égaré que moi.

— Le maître du dojo m'a expliqué que le lien que nous avons ne ferait que se renforcer avec le temps, même si nous ne faisons rien pour. Je pense que cela en est la preuve. Et il est possible que cela ait débloqué d'autres choses, même si je suis incapable de dire quoi.

Je reste sans voix face à son explication. On dirait que c'est tombé au bon moment. Ou peut-être que justement, cela a marché parce que cela était nécessaire. Je déglutis. Qui sait ce qui nous attend, après ça ? Souhaitant digérer l'information, je propose que nous rejoignons les autres. Le jeune homme accepte, et nous les rattrapons sans dire un mot de plus. Je crois que j'ai besoin de temps pour comprendre vraiment ce qui nous arrive.

***

NDA

Le lien de Naël et Maï se renforce, reste à voir ce qu'il leur permettra de faire comme prouesse... Déjà trente chapitres de posté ! J'avance petit à petit de mon côté, je pense finir l'écriture d'ici une semaine ou deux. Je continuerai de poster sur un rythme d'un chapitre par jour. J'ai hâte de vous faire découvrir la suite !

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant