D'un bond, je saute avec ma planche, et glisse sur la rampe du module. Je me suis enfuie juste après le petit déjeuner pour évacuer toutes les émotions qui m'ont envahies. Enchaînant les figures, les images de ma maison en feu, du téléphone de ma mère, de l'hôpital, de la nuit dernière et de ce matin tournent en boucle dans ma tête. Mes cauchemars m'ont peut-être habituée à vivre des évènements douloureux, là j'enchaîne beaucoup trop de changements dans ma vie.
Je calme ma respiration, et la cale sur le rythme de mes bonds et de mes pirouettes. Pouvoir profiter d'un véritable skatepark me manque, mais en attendant, ce module est déjà mieux que rien. D'un geste devenu naturel, je pivote et atterris en plein milieu de la petite esplanade que j'ai construite. Puis, je lève la tête, remarquant une voiture en approche. Lorsque je remarque qui en sort, je bondis, un grand sourire aux lèvres.
Elliott m'aperçoit immédiatement et éclate de rire, visiblement heureux de revenir ici. Il me serre rapidement dans ses bras, avant de poser un poing sur sa hanche, l'autre étant bloqué par une écharpe. Il devra sûrement la garder tout le temps de la guérison. Alors que le scientifique m'examine, il fronce les sourcils. D'un geste, il me fait signe de le suivre, et salue rapidement celui qui l'a ramené.
Sans un mot, nous avançons dans la forêt jusqu'à perdre le bâtiment de vue. Après quelques minutes de marche, nous arrivons près d'un petit cours d'eau. Elliott s'approche d'un rocher pour s'y installer, et m'indique de faire de même. Je m'assois près de lui, curieuse. Que veut-il me dire ? Et pourquoi m'avoir emmenée ici ? Le scientifique observe le petit ruisseau, les yeux perdus dans le vague. Je ne dis pas un mot, attendant qu'il se lance de lui-même.
— Tu te sens comment, Maïwenn ?
Je le regarde, surprise. Je ne m'attendais pas du tout à cette question. Je ne sais même pas quoi lui répondre. En fait, je n'ai aucune idée de comment je me sens. Tout se bouscule en moi, un feu d'artifice d'émotions, et au final, je ne peux dire qu'une chose : je suis bien perdue dans tout ce bazar. A mon silence, Elliott tourne la tête vers moi et sourit.
— Je m'y attendais. Je te propose qu'on démêle ensemble ce noeud compliqué dans lequel tu t'es fourrée. On va commencer par le plus simple, ton lien avec Naël.
Le plus simple ? Je retiens de rire. Je ne suis pas sûre que cela soit le bon mot. En même temps, c'est vrai qu'il n'est pas au courant de ce qu'il s'est passé depuis notre séjour à l'hôpital. Ces derniers jours, notre relation s'est bien compliquée. Relation, relation... quel type de relation au juste ? Je cache mon visage dans mes mains en soupirant. Autant parler en faits. Entre scientifiques, on se comprend.
Je lui explique alors les rêves, les émotions, nos interactions, et même ce matin. J'omets simplement les évènements d'hier soir. Pas besoin de rajouter quelque chose d'aussi gênant. Au fur et à mesure que je parle, je vois Elliott devenir songeur, visiblement très concentré. Une fois que j'ai terminé, il se gratte la tête, bien gêné. Il finit par lâcher un soupir, avant de prendre la parole.
— Je dois avouer, je pensais que c'était quand même plus facile que ça. Vous vivez déjà une situation pas évidente, et en plus vous vous compliquez la vie ! Décidément, je ne comprendrai jamais les jeunes.
J'explose de rire, ne m'y attendant pas du tout. A ce moment-là, tout le stress, toutes les émotions que j'ai accumulées se libèrent, tant que je finis par en avoir les larmes aux yeux. Le scientifique m'observe, surpris, un demi sourire aux lèvres. Lorsque je finis enfin par me calmer, il reprend la parole.
— En fait, vous partagez plus que n'importe qui, et malgré tout, vous êtes incapables d'avoir confiance en l'autre. C'est dingue quand même ! Vous avez accès à la moindre des émotions de l'autre, vous partagez vos rêves et malgré tout vous n'êtes pas foutus deux secondes d'essayer de travailler en équipe pour que cette faculté vous apporte à tous les deux. Résultat, ça vous pourrit juste la vie.
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Le Coeur en Rythme
ParanormalCela fait officiellement six mois que je fais des cauchemars toutes les nuits. Pas de chance, mais plutôt banal, pensez-vous. Oui, mais les miens, ils prédisent des catastrophes qui arrivent réellement. Des accidents, des attaques, ce que vous voule...