Au bout de plusieurs heures de collaboration entre les équipes de sauvetages et les autorités locales, les blessés sont emmenés à l'hôpital et l'autoroute est enfin dégagée. Épuisés, Joachim et moi nous écroulons sur un banc, dans la salle commune. L'heure du repas est largement passée, mais nous n'avons pris aucune pause avant de finir avec cette histoire. Surtout que nous étions là pour coordonner tout le monde, donc nous n'avions pas le temps de quoi que ce soit. Le jeune homme se tourne vers moi, avec un sourire aux lèvres.
— Eh bah, si tous tes cauchemars sont aussi riches en rebondissements, tu dois avoir perdu la notion de sommeil depuis un moment !
J'éclate de rire avant de me servir avec ce qu'il reste sur la table. Ce n'est pas grand-chose, c'est froid, mais j'ai tellement faim que je pourrais manger n'importe quoi. Pendant que nous prenons notre repas, Joachim et moi discutons de tout et de rien. Plus le temps passe et plus il me fait penser à Conan. Il faudra que je trouve un moyen de les présenter l'un à l'autre. Peut-être qu'un couple se formera, qui sait. Une fois que nous avons repris des forces, le jeune homme décide alors de me présenter ce que je n'ai pas encore vu. La salle de sports. Je comprends bien mieux pourquoi elle est là. Si leur métier est de sauver des gens, autant être bien préparés physiquement.
Lorsque nous entrons dans la pièce, j'écarquille les yeux. Sur un côté se trouve cordes, barres et appareils de musculation. A un bout, des sacs de boxes sont installés, et une femme d'une cinquantaine d'années est en train d'entraîner un groupe de sept personnes. Un homme d'une soixantaine d'année fait un cours de taï chi à trois autres personnes, et deux couples dansent à ma droite sous l'oeil attentifs d'un duo d'environ trente ans. Tous les âges et toutes les origines se mélangent pour pratiquer. C'est impressionnant. Joachim m'indique le premier groupe.
— Pratique pour la rapidité et l'agilité, on t'apprend à ne pas baisser les bras.
Il passe ensuite aux suivants.
— Idéal pour l'équilibre et apprendre à connaître ton corps.
Il se tourne enfin vers les derniers.
— Parfait pour avoir confiance en soi et ses partenaires. Tu prends également en compte l'espace dans lequel tu circules pour mieux t'y déplacer.
Je hoche la tête silencieusement, impressionnée. Je ne pensais pas qu'autant de sports pouvaient se combiner afin de former des secouristes. Le jeune homme me fait alors un clin d'oeil malicieux.
— Formation exclusive d'ici. Tu ne trouveras pas ça ailleurs, c'est très particulier à notre mentalité.
J'éclate de rire en le voyant bomber le torse avec fierté. Joachim m'emmène alors vers le premier atelier, et me présente la professeure. Elle s'appelle Catherine. Je la salue rapidement et celle-ci décide de me montrer quelques mouvements de base. Je n'ai jamais fait de boxe, mais mes réflexes d'arts martiaux me donnent un avantage certain. Rapidement, je comprends la mécanique de certains coups et m'attaque à un sac. Le jeune homme derrière moi siffle, admiratif.
— Dis donc, t'es sacrément rapide ! T'en as déjà fait, c'est obligé !
Je lui explique alors le sport que je pratique. Il hoche la tête, comprenant pourquoi je suis aussi à l'aise. Il m'emmène ensuite voir le deuxième groupe et me présente Wang, qui n'est pas du tout chinois, mais dont les parents sont passionnés par ce pays. Je retiens un gloussement à cette explication. Il pourrait passer pour un charlatan facilement, mais l'homme est très honnête et franc. Je l'apprécie beaucoup. Il me montre un enchaînement simple, et j'arrive à le reproduire sans trop de problèmes. Les arts martiaux ont tous une base commune, il est facile de s'y retrouver. Moqueur, le professeur m'incite alors à le suivre sur un mouvement plus compliqué. Je m'en sors à peu près bien sur la première moitié, mais ai du mal sur la fin. Il y a quand même des différences entre les disciplines. Elles seraient identiques, autrement. Je le remercie et Joachim me guide vers le dernier groupe, celui de la danse.
Le duo qui dirige cet atelier ont pour prénoms Raphaël et Ludivine. Ils m'ont l'air tous les deux extrêmement gentils. Le jeune homme qui m'accompagne s'improvise alors partenaire de danse le temps d'une démonstration. Je me découvre être une piteuse danseuse. Je n'ai pas du tout le rythme ni la grâce, quant aux portées... Il va falloir que j'apprenne à faire confiance à l'autre, apparemment. J'apprends par la suite que Joachim est l'un des meilleurs élèves des deux jeunes gens, et je rougis de gêne, en voyant la catastrophe que j'ai été. Celui-ci éclate de rire et me sourit.
— T'auras plus qu'à t'entraîner avec Naël. Il paraît qu'il danse très bien, tant qu'il est seul. Ces deux-là ont toujours eu un mal fou à le faire progresser. Puisque vous êtes liés, peut-être que ça marcherait de vous entraider.
Les deux professeurs acquiescent, enthousiaste à cette proposition. Moi, je passe une main dans mes cheveux, gênée. J'ai l'impression de voir des petites cornes de démon sur la tête de Joachim, pendant qu'il est très fier de son plan. Pour ma part, je pense que cela sera très gênant, et que nous passerons un moment de souffrance totale. Le jeune homme décide alors de me défier sur les installations, qu'il avait laissées de côté. Je me précipite vers celles-ci, prête à le ridiculiser en vengeance. Celui-ci m'indique alors les cordes. Pire idée qu'il ait pu avoir. Nous commençons la course, et j'arrive en haut pendant que Joachim n'en est qu'à la moitié. J'adore monter à la corde. Il ne pouvait pas gagner. Il me défie alors sur une épreuve de force. L'objectif : réussir à porter le poids le plus lourd possible. Je grimace d'avance. Nous finissons à égalité, avec tous les deux un score médiocre. Il n'a pas l'air plus doué que moi dans le domaine.
L'après-midi passe et nous restons pendant tout ce temps en salle de sports. Lorsque la fin de journée arrive, nous nous dirigeons vers la pièce commune, épuisés et trempés de sueur. J'ai décidé de l'aider en boxe, afin de rendre ses coups plus efficaces. Il n'arrivait pas à avoir le bon geste. Lui, en contrepartie, enchaînait les conseils en danse, pour que je prenne un peu plus confiance. Nous nous écroulons chacun d'un côté de la table, entre l'équipe de Karin et celle de Naël. Ce dernier fronce les sourcils en nous voyant aussi essoufflés. Joachim explique alors notre fin de journée, et je vois Karin et Mia sourire d'un air moqueur.
— Toi, Joachim Lewis, tu fais du sport une demi-journée ? D'habitude, tu trouves un moyen de fuir au bout d'une heure, c'est un exploit !
Je le vois croiser les bras et grogner dans sa barbe, ce qui me fait éclater de rire. Elliott, assis à côté de lui, tapote son épaule dans un geste de réconfort, bien que celui-ci soit également amusé par la remarque des filles. Nous passons la soirée dans une ambiance joyeuse. Joachim se remet vite de la moquerie et ne tarde pas à faire le pitre et à enchaîner les bêtises. Le seul à rester dans son coin, muet et renfrogné, c'est Naël. J'ai interrogé Mia du regard, mais elle m'a indiqué d'un signe de la main d'oublier. Haussant les épaules, j'ai préféré me concentrer sur ce moment.
Lorsque nous débarrassons, Naël se dépêche de partir se coucher. Il était d'une humeur massacrante. Je tourne la tête vers les autres, et vois les filles glousser entre elles. J'échange un regard avec Joachim, qui ne comprend pas plus que moi. Mia décide alors d'expliquer, tout sourire.
— On dirait que notre cher Naël nous fait une petite crise de jalousie.
Quoi, encore un problème de ce genre ? Je soupire. Décidément, je vais encore avoir quelques soirées pâtisseries devant moi pour que tout le monde finisse par s'entendre.
***
NDA
Peut-être que lors de la prochaine séance pâtisserie, ça sera des pancakes, qui sait. L'entraide en sport, c'est vraiment un truc auquel je tiens beaucoup. Je sais que les cours d'EPS au collège et au lycée, ce n'est pas toujours ça. Quelle est votre relation au sport ? J'ai enfin pu me réconcilier avec après le bac, perso.
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Le Coeur en Rythme
FantastiqueCela fait officiellement six mois que je fais des cauchemars toutes les nuits. Pas de chance, mais plutôt banal, pensez-vous. Oui, mais les miens, ils prédisent des catastrophes qui arrivent réellement. Des accidents, des attaques, ce que vous voule...