Chapitre 53 : disputes et interventions

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Nous finissons enfin par arriver à destination. Je soupire de soulagement en sortant de l'avion tandis que Tat' se retient de sauter partout. Ce trajet aura été long et éprouvant pour les nerfs. Devant moi, Elliott s'étire. Le trentenaire à qui nous avons parlé dans l'avion nous observe de loin. Notre petite équipe a l'air de sacrément le dérouter. A sa place, je le serais sûrement aussi. Entre les réactions incompréhensibles de moi et Elliott, puis la scène de Naël et Tat', il y a de quoi douter du bien fondé de notre groupe.

Naël, quelques mètres plus loin, nous fait signe d'approcher. Nous nous réunissons autour de lui pendant qu'il croise les bras, dans une posture beaucoup plus distante que d'habitude. J'échange un regard avec ma meilleure amie, curieuse de sa réaction. Le scientifique, lui, a l'air de parfaitement comprendre la situation. Il a les mains posées sur les hanches et s'est redressé, fixant attentivement le jeune homme.

— Bien, comme il est urgent de venir en renfort des équipes de secours déjà présentes sur le lieu du tremblement de terre, nous allons partir tout de suite. Maï, Tat', vous allez à l'hôtel, on vous a réservé une chambre. Cela risque de prendre plusieurs jours. Nous nous occuperons de ce pourquoi nous sommes là après, c'est moins urgent.

Énervée d'être mise sur le banc de touche, Tat' grince les dents, une lueur meurtrière dans le regard. Elle lève légèrement la tête, comme pour signifier que les paroles de Naël ne la touchent pas.

— Dis plutôt que cela paraîtrait suspect auprès des autres que nous partions de notre côté. Tu vas faire comment s'ils te demandent où est passée la moitié de l'équipe ?

Le jeune homme hausse un sourcil, toujours aussi sérieux et distant. Je donne un léger coup d'épaule à ma meilleure amie. Je la vois se retenir difficilement d'exploser. Elle va sûrement passer sa colère sur moi dès que nous serons seules. Naël décide alors de répondre.

— Je préfère devoir répondre à leurs interrogations que mettre en danger deux personnes qui ne sont pas formées en secourisme.

Il n'en faut pas plus à Tat' pour exploser. Elle s'approche de lui pour placer son visage à quelques centimètres de Naël, menaçante.

— Et qu'est-ce que t'en sais, d'abord ? Je te rappelle que tu ne nous connais même pas. En plus, Maï peut parfaitement aider ceux qui restent en retrait pour la logistique, avec Elliott, par exemple. Il est hors de question que tu nous mettes de côté comme des insectes gênants. T'as décidé de faire avec nous, maintenant assume jusqu'au bout !

Le scientifique me lance un regard brillant. Il a l'air de parfaitement se rappeler de la scène que ma meilleure amie a sorti un peu plus tôt dans l'avion. Lui qui aime rester discret, je pense qu'il peut oublier. Tout le monde a déjà dû nous remarquer depuis un sacré paquet d'heures. Je hausse les épaules en réponse et lui offre un petit sourire désolé. Il finit par soupirer et poser une main sur l'épaule de nos deux amis.

— Allez les enfants, on se calme. Tat' a raison sur un point, plutôt que de rester à rien foutre dans une chambre plusieurs jours, elles pourraient nous donner un coup de main. En revanche, là où Naël a raison, c'est que c'est particulièrement dangereux, donc vous devez nous obéir au doigt et à l'oeil. Enfin, sauf si vous tenez à perdre une jambe ou un bras.

Les deux jeunes gens se calment, bien que butés sur leur position. Ma meilleure amie détourne la tête, comme si elle se fichait de ce qui venait d'être dit. Naël, quant à lui, foudroie Elliott du regard. Il finit par prendre une grande inspiration et trancher.

— Très bien, vous venez avec nous mais pas de conneries.

Victorieuse, Tat' m'adresse un clin d'oeil avant de rejoindre toutes les autres équipes de secours, qui n'attendent plus que nous. Le jeune homme la suit, le scientifique et moi fermant la marche. Ce dernier pose un bras sur mes épaules, comme un oncle s'apprêtant à me donner des conseils.

— La bonne nouvelle, c'est que tu pourras m'aider avec l'informatique. Mon truc, c'est plutôt la mécanique et la physique.

Je lui offre un grand sourire en retour et nous éclatons en rire. On va faire un duo de choc.

***

Après une demi-heure de voiture, nous arrivons sur la zone de sécurité que les secours locaux ont installés. Il s'agit d'un alignement de tente, certaines prévues pour recueillir les blessés, d'autres pour que les secouristes prennent une pause et enfin la tente principale, qui sert à coordonner les équipes. Nous nous ruons tous vers cette dernière, pour obtenir un rapide rapport sur l'état actuel des lieux. Certaines zones sont totalement balisées et presque entièrement parcourues, d'autres sont encore instables.

Sous la pression de l'endroit, chacun se disperse rapidement. Elliott part rejoindre des spécialistes du coin, pour déterminer la marche à suivre pour sécuriser les derniers secteurs. Moi, je m'approche des équipes informatiques pour brancher le matériel de l'équipe. De là, j'aurai une liaison directe avec Naël qui sera sur le terrain. Celui-ci se dispute encore avec Tat'.

— Ne t'en fais pas, ton équipe est composée de membres particulièrement jeunes, vous ne connaissez pas encore bien les compétences de chacun. C'est normal s'il y a des tensions, surtout dans des conditions comme celles-ci.

Je me tourne vers la personne qui m'a parlée. Il s'agit d'une femme rousse, de la quarantaine, assise près un ordinateur, un casque sur les oreilles. Elle lève le regard vers moi après avoir observé mes collègues se chamailler. Je lui réponds avec un sourire et m'installe près d'elle. Je prépare le nécessaire pour lancer la communication, puis indique à Naël et Tat' de s'approcher. J'équipe le premier rapidement, mais ai un peu plus de mal avec mon amie. Ils sont à nouveau en train d'argumenter sur les capacités de Tat'.

— STOP ! Maintenant ça suffit, vous vous calmez. Naël, pour ta gouverne, Tat' a une très bonne maîtrise de son corps, de son environnement et de son équilibre. Elle a toutes les notions d'aide aux victimes nécessaires, alors arrête de t'en faire. Et si c'est à propos d'escalade et de descente autour des bâtiments effondrés, je te rappelle qu'elle a bossé dans un magasin spécialisé dans le domaine, avant !

Mon amie m'observe, visiblement ravie de ce que je viens de dire. Le jeune homme, toujours en colère, se retient tout de même de répondre. Bien, ils se taisent enfin. On va pouvoir travailler. Je termine d'équiper Tat' et les deux jeunes gens partent aussitôt sur le terrain. Ils ont intérêt à s'entendre, il est hors de question que je fasse l'arbitre sans arrêt.

La rouquine pousse un sifflement d'admiration. Je me tourne vers elle, surprise. Elle a l'air particulièrement amusée.

— Toi, t'es faite pour ce poste. T'as répété exactement ce que ta collègue disait plus tôt, mais au moins l'autre t'écoutait. Tu vas voir, ici on ne fait que ça, baisser la pression pour que notre équipe ne soit pas distraite. Le pilotage, c'est avant tout l'art de ramener les gens sur leur mission principale.

Sur ces mots, elle fait un geste du menton pour me montrer tous les autres coordinateurs. Certains soupirent, d'autres ont l'air furieux. Au final, personne n'est calme. J'observe à nouveau ma voisine de bureau, qui me lance un clin d'oeil.

— On dirait pas, mais le nerf de la guerre, c'est ici qu'il se trouve.

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant