Sous le regard intense des deux hommes, je me ratatine sur mon coussin. Par quoi suis-je censée commencer ? Et puis, qui me dit qu'ils vont me croire ? Peut-être qu'après ça, je serai envoyée dans un asile. Même si on vient de parler de rêves communs. Je crois que je deviens légèrement paranoïaque. Je fixe mes mains, pour ne pas avoir à supporter plus longtemps leur interrogation. J'inspire profondément et me mordille les lèvres. Je commence à avoir le même tic que Naël. Je lève les yeux vers ce dernier.
— Tu te souviens des situations dans nos rêves communs ?
Celui-ci, surpris, hausse un sourcil. Puis je vois son regard devenir légèrement vague pendant qu'il réfléchit. Je n'ose tourner la tête vers mon maître. La situation est déjà suffisamment intimidante. Naël lève alors une main, pour compter.
— La grotte avec l'accident de l'ours, l'attaque du village, le bombardement de la ville, l'incendie de l'orphelinat... ce sont tous des faits qui sont passés à la télévision.
— Je les ai tous vus dans mon sommeil en avance.
Pour détailler un peu plus mes propos, je raconte la matinée où j'ai fini à l'infirmerie. Au fur et à mesure que je raconte mon cauchemar, je vois Naël devenir blême. Je dois avouer que le voir ainsi me fait extrêmement peur. Quel est le problème cette fois ? Des détails trop fournis ? En même temps, il faut bien que je sois crédible. Lorsque je mentionne mon malaise, je vois une lueur fugace passer dans ses yeux. Je crois que c'était de l'inquiétude, mais je n'en suis pas sûre. Il a un sacré contrôle sur ses émotions.
— Depuis combien de temps prévois-tu ces catastrophes ?
La voix de mon maître est lente. En tournant la tête, je remarque qu'il m'observe avec attention. Sans savoir comment, je peux dire qu'il s'inquiète pour moi. Mal à l'aise, je passe une main dans mes cheveux pour faire tomber une mèche devant mon visage. Pour moi, cela fait une éternité. Je soupire et réfléchis. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais je ne suis pas sûre qu'il en ait besoin. D'un ton hésitant, je lui réponds.
— Quelques mois ?
Je vois mon maître écarquiller les yeux et se lever soudainement pour nous tourner le dos. J'échange un regard perturbé avec Naël. On dirait que l'annonce de la durée depuis laquelle je fais ces cauchemars perturbe plus mon maître que le fait même que j'en fasse. Je l'entends soupirer, puis il nous fait à nouveau face, une lueur de tristesse dans les yeux.
— Maïwenn, tu possèdes un don très rare. Tu as la capacité de lire les lignes de destin. Le seul moment où quelqu'un est capable de cela, c'est lorsque le monde déraille dans son fonctionnement.
J'entends Naël s'agiter à mes côtés et se redresser. D'un coup d'oeil, je remarque qu'il est en colère. Mais... Il a compris ce que mon maître a dit ? Si c'est le cas, je veux bien la traduction. Parce que là, je suis complètement perdue. Les deux hommes s'observent, et je sens d'un seul coup la tension monter dans l'air. Le mal de crâne lié à la situation décide également de s'inviter au rendez-vous. Je tente de manière hésitante de détourner leur attention, mais ils ne m'écoutent pas. C'est comme si je n'existais plus.
— Bon sang, c'est quoi ces conneries ?! Tu vas pas me demander de l'embarquer avec moi, tout de même ? C'est hors de question, je ne mettrai pas une gamine en danger !
— Elle est capable de percevoir ce que tu ne devines même pas. Elle peut t'aider !
Je serre les dents. S'il y a bien quelque chose que je déteste par-dessus tout, c'est qu'on parle de moi à la troisième personne, quand je suis à côté. Pour se disputer à mon propos en plus ! La migraine explosant dans mon crâne, doublée à ma colère, me font frapper la table du plat de la main avec force. Les deux hommes sursautent, surpris.
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Le Coeur en Rythme
FantastiqueCela fait officiellement six mois que je fais des cauchemars toutes les nuits. Pas de chance, mais plutôt banal, pensez-vous. Oui, mais les miens, ils prédisent des catastrophes qui arrivent réellement. Des accidents, des attaques, ce que vous voule...