Chapitre 22 : insomnies et pâtisseries

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Après manger, Elliott me fait visiter le couloir par où il est venu quand nous nous sommes rencontrés la première fois. Contrairement à ce que je pensais, il n'y a pas de chambres dans celui-ci. Nous passons devant plusieurs portes, et je lui demande à quelles pièces celles-ci mènent. Pour réponse, j'ai un geste évasif et un grognement. Je fronce les sourcils. Visiblement, c'est secret. Il va falloir que j'explore tout ça par moi-même plus tard. En attendant, je continue à suivre le scientifique, sans poser plus de questions. Je crois avoir compris qu'il n'aime pas trop ça. Il m'expliquera sûrement ce que je dois savoir lorsqu'il y en aura besoin.

Nous nous arrêtons devant une porte au fond du couloir. Elliott se retourne vers moi avec un grand sourire, avant de l'ouvrir. J'écarquille les yeux en entrant dans la pièce. Une gigantesque bibliothèque. Il y a des livres partout. Certains rangés sur les étagères, mais la plupart dispersés en un joyeux bordel, au sol, sur une table, et même sur des barreaux d'échelles. Où que je pose mon regard, je vois des tonnes de livres. Je me demande comment certains réussissent à tenir sans s'écrouler. J'avance lentement, naviguant entre les exemplaires étalés par terre.

— Impressionnant, n'est-ce pas ?

Ah, ça. Je n'aime pas vraiment les livres, mais j'adore les bibliothèques. Cela peut paraître étonnamment paradoxal, je sais. En fait, ce genre d'endroit est toujours très calme et posé. On peut s'installer ici pour réfléchir et s'isoler du monde. Même pas besoin de lire, l'ambiance qui nous enveloppe suffit. J'ai découvert sa très grande utilité quand j'ai commencé à faire des cauchemars et à très mal dormir. Je suis devenue rapidement irritable et de mauvaise humeur. Aller à la bibliothèque du lycée me permettait de me reposer et de profiter du silence pendant un instant. Depuis, je vois en ce type d'endroits un refuge accueillant et chaleureux.

Je passe le reste de l'après-midi dans la bibliothèque. Elle est tellement grande, j'ai de quoi explorer. J'ai escaladé différentes échelles et me suis rendue compte que je pouvais m'installer au-dessus des étagères. De quoi s'isoler sans que personne ne me remarque. J'ai mentalement noté cette cachette. Toujours pratique d'avoir un coin secret. En plus, on peut voir tout le monde, et personne ne nous repère. C'est parfait.

Le soir tombe alors et je retrouve toute l'équipe de Naël à table pour le repas. Comme un peu plus tôt dans la journée, tout se passe bien, dans une ambiance joyeuse. Pour le moment, je commence bien mon arrivée ici. Rapidement fatiguée par le manque de sommeil, je les salue et me dirige vers ma chambre. Je m'effondre sur mon lit et observe le plafond. Un petit puit de lumière sert d'unique fenêtre. J'avais remarqué que cela fonctionnait de la même manière dans les salles que j'ai pu visiter. Il n'y a que les couloirs et la cuisine qui ne possèdent pas d'ouverture.

Les heures passent et je n'arrive toujours pas à m'endormir. Je soupire et m'assois sur mon matelas. J'ai beau avoir fait une nuit blanche hier, on dirait que mon insomnie continue. Je me lève et pars dans la salle de bain pour prendre une douche. Sous le jet d'eau, je ferme les yeux. Ces moments-là ont le don de me détendre. Après quelques minutes ainsi, je ferme le robinet et attrape une serviette. Je suis toujours bien réveillée, et pas prête du tout à dormir. En fouillant dans l'armoire, j'attrape un t-shirt gris simple et un pantalon noir. Je n'ai même pas eu le temps de repasser chez moi prendre des affaires. Tant pis, je ferai avec ce qu'il y a. C'est à dire pas grand-chose. Je sors un élastique que je garde toujours dans ma poche et attache mes cheveux en chignon avec. Puis, j'ouvre la porte de ma chambre et sors discrètement.

La meilleure solution que j'ai pu trouver en cas d'insomnie, c'est la pâtisserie. Et j'ai remarqué un peu plus tôt qu'il y avait tout ce qu'il fallait pour ça. Je me glisse dans la cuisine et allume la lumière. En faisant le moins de bruit possible, je sors moules, fouet, bol et tout ce dont j'ai besoin. Je pense que j'ai de quoi faire des muffins et de la tarte aux pommes. Par contre, je n'ai pas trouvé de pâte pour la tarte. Tant pis, je ferai moi-même. Cela m'occupera plus longtemps. Je sors les ingrédients pour fabriquer cette dernière, et me mets au travail.

Alors que je place les pommes sur la pâte enfin terminée, un petit toquement à la porte me fait sursauter. Je fais volte-face, et me retrouve face à la blonde qui m'a attaquée ce midi.

— Toi non plus, tu n'arrives pas à dormir ?

J'ai un sourire gêné et ne réponds pas, pendant qu'elle se penche pour voir tout ce que j'ai installé sur le plan de travail. Je la vois se retenir de rire, et je mets mes poings sur mes hanches, attendant une explication.

— Original comme moyen de faire passer le temps.

Je me tourne vers ma tarte à moitié remplie et hausse les épaules. Me concentrer à faire de la cuisine me permet de me vider l'esprit. Je me repose en quelques sortes. Quand mille pensées vous turlupinent et vous empêche de dormir, la technique c'est de ne plus réfléchir. Les tartes aux pommes, c'est redoutablement efficace.

— J'aime bien la pâtisserie, ça m'évite de penser.

Je vois la jeune fille hocher la tête, d'un air compréhensif. Puis, elle s'approche, et regarde ce que j'ai en cours.

— Vous faites une cuisine incroyable en France. Tu peux m'apprendre, s'il te plait ?

Surprise, j'accepte et commence à lui montrer. Je me demande d'où elle vient. Alors qu'elle commence à remuer la pâte pour les muffins, elle s'adresse à nouveau à moi.

— Tu dois te poser pas mal de questions. Je m'appelle Karin, et je viens des Pays-Bas. Désolée si je t'ai bousculée ce midi. Je t'ai entendue parler de Mia, et je suis quelqu'un de jaloux.

Je ne réponds pas et me contente de sourire. Je pense que je peux en déduire que les deux filles sont ensembles. Je ne les connais pas encore, mais c'est vrai qu'elles vont bien en couple. J'ai pu apercevoir rapidement leur complicité ce soir, mais il est vrai que je n'y avais pas fait plus attention que ça. Nous passons le reste de la nuit à discuter de tout et de rien, tout en cuisinant. J'ai décidé de ne lui apprendre que les muffins, car la pâte à tarte est un peu plus compliquée à faire. Après une rapide hésitation, nous nous sommes décidées à en faire pour tout le monde au petit dej. Résultat, je crois que nous en avons trop fait. J'ai appris que nous n'étions que sept à dormir ici. Les autres rentrent chez eux, l'endroit ne leur sert que pour travailler. Et en dehors de moi, qui suis officiellement une "invitée", les autres vivent ici parce qu'ils viennent de pays étrangers, comme Karin. Sans surprise, j'apprends que Naël vit habituellement en Libye. Je me souviens de notre discussion à propos de sa soeur, qui s'y trouve en ce moment.

Alors que le soleil se lève, les habitants de cette grande maison arrivent un à un à la salle commune. En voyant leurs têtes choquées devant toute la nourriture présente, Karin et moi éclatons de rire. Il n'y a pas à dire, cette insomnie était très rentable. J'ai pu en apprendre beaucoup sur les gens d'ici, et je suis sûre que j'ai encore plein d'autres choses à découvrir. A commencer par comprendre quel peut bien être leur travail.

***

NDA

Un chapitre qui parle de pâtisserie alors que je n'ai pas encore mangé... ça donne faim xD En cette période particulière qu'est le confinement, certains parmi vous comptent-ils cuisiner un peu ? (Perso je vais faire des crêpes, c'est cool les crêpes) Comme promis, je continue de poster un jour sur deux (peut-être que je posterai tous les jours prochainement, ça vous fera une petite lecture tranquille chez vous comme ça) N'hésitez pas à commenter et à me dire ce que vous pensez de ce chapitre !


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