Chapitre 55 : échappatoire imprévue et grand départ

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Le bruit ambiant est ce qui me parvient en premier. Je n'arrive pas encore à distinguer clairement les sons, mais je reconnais les voix de Tat' et Elliott. Elle a l'air inquiète. Lui par contre m'a juste l'air épuisé. Les odeurs me parviennent ensuite. Effluves d'antiseptique et de onsaitpasquoi. Le fameux parfum que toutes les infirmeries possèdent. Les derniers souvenirs remontent. C'est à ce moment-là que je me rends compte qu'on me tient la main.

J'ouvre lentement les yeux et plisse aussitôt les paupières. Un vieux néon clignotant est fixé juste au-dessus de moi, m'éblouissant. L'agitation à ma droite me fait tourner la tête. Naël est à moitié debout et m'observe, attentif. Sa poigne est ferme contre ma paume, mais pas douloureuse. Ma meilleure amie arrive juste après, les yeux écarquillés. Resté en retrait, Elliott hausse simplement un sourcil, les bras croisés. Tat' est la première à s'exprimer.

— Comment ça va ? T'as rien ? Tu nous as fait une peur folle ! Fallait le dire si t'avais besoin de repos ! Tu vas mieux ?

Je soupire et pose ma main gauche sur son épaule. Ce geste la fait taire aussitôt.

— Je te signale que ce n'est pas la première fois que je tombe dans les pommes. Je t'en avais déjà parlé, rappelle-toi : lycée, cauchemars... Arrête de flipper comme ça, j'ai l'habitude, maintenant.

Mon amie baisse la tête, penaude. Naël lui, a l'air d'avoir tiqué sur mes paroles.

— Tu as déjà eu des malaises de la sorte ?

J'ai un sourire embarrassé.

— Les cauchemars, ça n'aide pas vraiment à dormir, alors si on combine l'épuisement avec le moindre choc, comme la découverte aux infos que l'un d'eux s'est réalisé, je m'évanouis facilement.

Le scientifique choisit ce moment pour s'approcher et poser sa paume sur mon front. Sa main me paraît très fraîche. Il affiche une moue dubitative avant de prendre la parole.

— Depuis le temps que tu dors mal, ton corps commence à puiser sérieusement dans les réserves. Il faudrait que tu prennes le temps de te reposer et de soigner cette fièvre.

— Malheureusement nous n'avons pas assez de place pour la garder ici.

Un homme de la quarantaine a fait son apparition. Grand, en blouse blanche, des paquets de médicaments dans les bras, il est difficile de se tromper sur son rôle ici. Nous nous tournons tous vers lui, ce qui lui provoque un soupir. Il acquiesce rapidement en direction d'Elliott.

— Nos médicaments sont fortement rationnés, tu devrais t'éloigner avec elle d'ici. Je sais que tu as les bases pour suivre son état de santé.

Le regard de ce dernier s'illumine, signe qu'une idée vient de traverser son esprit.

— Je connais un guérisseur dans un village reculé. Il pourra sûrement l'aider. Par contre, j'aurais besoin de mes deux collègues pour faire le trajet sans risques.

Je hausse les sourcils, impressionnée par ce retournement de situation. Elliott vient de nous trouver une ouverture pour mener notre enquête, comme prévu en venant ici. Naël me jette un coup d'oeil rapide, signe qu'il a également compris ce que tente de faire le scientifique. Il en profite donc pour ajouter un argument.

— Avec le tremblement de terre, on ne sait pas comment est le terrain jusqu'à ce village. Il vaut mieux qu'on les accompagne pour être sûrs qu'ils ne se mettent pas en danger inutilement.

Le médecin soupire à nouveau avant de nous fixer un à un. Après quelques instants de silence qui semblent durer une éternité, il baisse la tête, signe qu'il capitule. Il souffle une dernière fois avant de répondre.

— Je vais prévenir les équipes d'à côté, histoire qu'ils se partagent le boulot prévu pour vous. Faites attention à vous.

Le jeune homme à mes côtés acquiesce brièvement en retour. Nous nous retrouvons à nouveau tous les quatre, prêts à préparer un plan. Au final, l'organisation sera simple. Tat' part en éclaireur devant pour nous prévenir des difficultés, Naël m'accompagne pour m'aider lorsque je fatigue trop, Elliott reste à nos côtés pour veiller sur mon état. D'après ce dernier, nous n'aurons pas à chercher le village en question. En plus du travail classique qu'il faisait pour aider les autres avec le séisme, il parcourait en parallèle les cartes du pays pour trouver l'endroit précis de notre destination. Par chance, nous n'aurons que deux jours de marche devant nous. Les routes sont coupées dans la moitié de la région par peur qu'il y ait d'autres blessés.

— Tu penses que tu arriveras à tenir le rythme, pendant deux jours ?

Ma meilleure amie m'observe, inquiète. Je lui souris en retour.

— Connaissant Elliott, il a certainement calculé ce temps en fonction de mon état. Ne t'en fais pas pour moi.

Elle hoche la tête, pas convaincue. Naël se redresse et se penche vers cette dernière.

— Je ne la quitterai pas des yeux. Au moindre problème, je la porterai.

J'affiche aussitôt une moue boudeuse. Je n'aime pas avoir l'impression d'être une poupée inutile. Le scientifique profite de ce moment pour me donner un léger coup de coude, amusé.

— Te vexe pas, j'te signale que ton corps est sacrément résistant. Pouvoir encaisser des efforts et des chocs comme ce que tu as dû affronter, avec le peu de sommeil que tu as... C'est déjà énorme que tu aies tenu jusque là.

Je le remercie du regard et il me répond d'un clin d'oeil complice. Je profite de ce moment pour sortir du lit de fortune sur lequel je suis installée. Plus vite on part, plus tôt mon corps pourra se reposer. Les deux jeunes gens accourent aussitôt pour m'entourer mais je les repousse rapidement. Elliott éclate de rire face à la situation mais ne bouge pas. Il a visiblement confiance en mes capacités.

Je me lève sans problèmes, prenant une pause rapide pour masquer un léger vertige. Aucun doute, je suis complètement épuisée. J'ai connu certaines périodes où j'enchainais les cauchemars, j'avais ce même soucis. Il faudra que je fasse attention à chacun de mes pas et que je m'économise au maximum. Je lève la tête vers le trio autour de moi. J'affiche un air déterminé, un petit rictus de défi se dessinant sur mon visage. Le scientifique profite de ce moment pour soulever nos sacs.

— Je ne sais pas pourquoi, mais je sentais qu'on en aurait besoin. On y va ?

Nous félicitons tous les trois Elliott pour sa présence d'esprit. Chacun récupère ses affaires puis nous sortons de la tente qui sert d'infirmerie. Dans deux jours, j'aurai enfin des réponses à toutes mes questions. Et peut-être un moyen de retrouver une vie normale, sans mettre tout le monde autour de moi en danger.

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant