Le Coeur en Rythme

Chapitre 17 : nouveaux collègues et nouvelle vie

J'observe le soleil se lever par la fenêtre, Naël allongé à mes côtés. Nous sommes plongés dans le silence, profitant du spectacle qui s'offre à nous. Le monde commence à s'éveiller, les couleurs du ciel s'éclaircissent, les oiseaux se mettent à chanter. Je souris, heureuse de pouvoir assister à ça. C'est l'un des rares avantages des insomnies. On a le droit à l'éveil de la nature. C'est poétique et apaisant. Après une nuit agitée, ça fait énormément de bien.

Un petit tapotement à la porte nous fait nous retourner. Mon maître reste au seuil, et nous indique que le petit déjeuner est prêt. Je hausse un sourcil. Il est bien matinal, il ne doit même pas être huit heures. Nous nous levons et partons manger, mon estomac commençant à montrer des signes de faim. Lorsque nous arrivons à la salle à manger, je ne peux m'empêcher d'écarquiller les yeux, surprise. Sur la table qui trône au milieu de la pièce, des pancakes, des oeufs brouillés, du bacon, des crêpes, des viennoiseries et j'en passe. Il y a de quoi manger pour cinq personnes au moins.

— Mais c'est quoi tout ça ?

Je tourne la tête en direction de Naël, qui vient de poser la question d'un air ahuri. Le maître tapote le dos du garçon, avec un sourire sur les lèvres. Ils échangent aussitôt un regard, avec je vois une lueur que j'ai du mal à comprendre passer dans les yeux du jeune homme. J'ai encore manqué quelque chose visiblement... ou bien c'est un secret qu'ils partagent. J'entends alors la sonnerie de la porte. Mes parents ? Pas aussi tôt. Ils ne viennent plus me chercher depuis un petit moment de toute façon. Je suis majeure et vaccinée, après tout. Naël part alors vers l'entrée, un sourire aux lèvres. Je fronce les sourcils. Nous avons donc des invités. Ils sont tous les deux au courant, pas moi. Je n'aime pas ces cachotteries.

Quelques secondes plus tard, deux inconnus entrent dans la pièce, observant le jeune homme qui les suit avec un regard accusateur. Une fille de mon âge et un garçon que je suppose avoir quelques années de plus. J'aperçois alors Naël, légèrement en retrait, et l'interroge du regard. Celui-ci se racle la gorge avant de me répondre.

— Maïwenn, je te présente Mia et Léo.

Je les observe tour à tour et finis par me dire qu'ils forment un duo resplendissant. La dénommée Mia a la peau hâlée avec des yeux noisette presque ambrés. Ajoutez à cela une tignasse auburn bouclée et vous aurez une jeune femme qui respire la joie de vivre. A ses côtés, un jeune homme blond aux yeux verts pétillants et à la mine malicieuse m'observe. Sa peau très pâle fait encore plus ressortir la couleur de ses iris. Tous les deux dégagent une aura impressionnante. Sinon, moi je suis une lycéenne un peu perdue. Elle est par où la sortie ?

Le maître frappe alors dans ses mains et nous invite à nous asseoir, coupant court à mes réflexions. Nous nous installons, et bientôt le festin a raison de notre curiosité à tous. Dans la bonne humeur, nous échangeons les différents plats pour pouvoir prendre de tout. Nous mangeons silencieusement, chacun étant trop concentré à apprécier le repas. Ce n'est qu'au bout d'une longue demi-heure que nous finissons enfin tout ce qu'il y avait sur la table, repus.

J'en profite alors pour observer les deux nouvelles personnes. Elles ont l'air de connaître Naël personnellement. Des amis, peut-être ? Ils savent sûrement ce qu'il veut entendre par "mission". Si ça se trouve, ce sont ses collègues. Je ne sais pas trop ce qu'il fait, mais cela me paraît évident que chercher à se battre avec un prof ne s'organise pas seul. Surtout que le jeune homme n'est pas lycéen, si j'ai bien suivi. Alors que je m'apprêtais à poser une des innombrables questions qui fourmillent dans mon esprit, Mia se tourne vers moi avec un grand sourire. Zut, elle est plus rapide.

— Alors c'est toi qui partage les rêves de Naël ?

J'ouvre grand les yeux, surprise d'entendre une telle question. En face, j'entends le concerné s'étouffer, ne s'attendant visiblement pas plus que moi aux paroles de Mia. J'ouvre la bouche, cherchant quelque chose à répondre, mais me retrouve à bégayer bêtement. La jeune femme éclate de rire en me voyant aussi perturbée, et je ne peux m'empêcher de baisser la tête, vexée.

— Je prends ça pour un oui, alors.

Cherchant à retrouver un semblant de fierté, je lève le regard, et prend une fausse moue indignée.

— C'est plutôt lui qui s'incruste dans les miens, oui !

Les deux supposés amis de Naël se tourne alors vers lui avec une moue amusée, pendant que celui-ci détourne les yeux et fait mine d'être occupé à autre chose. J'éclate de rire en voyant sa mine gênée. Allez, je renvoie la patate chaude ! Chacun son tour d'être embarrassé tout de même. Je pointe ensuite un doigt pour les désigner tous les trois.

— Et sinon, comment vous êtes-vous connus ?

C'est au tour de Léo de me répondre. J'aperçois au passage un nouveau regard accusateur en direction de Naël. 

— On travaille ensemble. Enfin, quand monsieur ne fait pas bande à part.

Je tourne la tête vers le concerné. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ils travaillent ensemble et Naël a voulu faire une "mission" seule ? J'ai des espions en face de moi ou quoi ? Les questions s'enchaînent dans ma tête, sans que je trouve la moindre réponse. Je vois alors le maître partir au pas de course, pour revenir quelques secondes plus tard, une lettre dans les mains. Je hausse un sourcil, curieuse. Il ouvre la lettre et la parcourt rapidement du regard. Le visage de l'homme pâlit soudainement, et j'échange un regard inquiet avec les trois autres.

— Maïwenn, il semblerait que cette fois ton rêve n'était pas prémonitoire. Tu as vécu quelque chose en direct. Ce fou s'est échappé de la prison cette nuit.

J'écarquille les yeux. Je n'ai jamais vu le maître parler avec autant de colère et de crainte dans la voix. Bon sang, mais c'est qui ce prisonnier mystérieux ? Il a l'air de faire peur à tout le monde. Je vois alors le maître se racler la gorge pour reprendre contenance.

— Cela bouscule absolument tout. Naël, Mia, Léo, j'aimerais que vous emmeniez Maïwenn avec vous. Elle sera plus en sécurité en votre compagnie que si elle reste ici.

Quoi ? C'est quoi cette histoire ? On veut m'emmener où là ? Je tourne la tête vers chaque personne pour essayer de comprendre, mais ne trouve aucun soutien. Le seul qui me regarde, c'est Naël, qui me sourit d'un air désolé. Ça ne sent pas bon, cette histoire, moi je vous le dis.

— Ne t'en fais pas pour ton bac, Maïwenn. Si cette histoire n'est pas réglée à temps, tu le passeras à distance. Je m'occuperai également de parler à tes parents.

Je ne sais quoi répondre. Tout va beaucoup trop vite. Je fais des cauchemars, puis je rêve d'un inconnu qui se retrouve dans mon lycée, mon prof m'attaque et maintenant je suis en danger. En deux jours, c'est un peu lourd à digérer. Je déglutis. C'est quoi la suite ? Je deviens une espionne et j'essaye d'abattre le prisonnier que j'ai vu cette nuit ? Oh par pitié, tout mais pas ça. J'aime bien les arts martiaux, mais uniquement pour le sport. Je préfère largement ma petite vie tranquille avec mes amis. D'ailleurs, qu'est-ce que je vais leur dire, à eux ?