Chapitre 2 : Cours d'histoire et flash info

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Le chien qui a atterri sur le toit du bus a visiblement sauté de l'immeuble qui se trouvait juste à côté. Au moins, ça a amorti sa chute. Des vétérinaires sont passés pour l'emmener afin de vérifier ses blessures. Quant à nous, nous sommes finalement arrivés au lycée avec une demi-heure de retard. Allez expliquer sérieusement qu'un chien a sauté sur un bus pour vous justifier. On a au moins réussi à provoquer le fou rire de la journée parmi les pions. Bon début de journée.

Nous sommes donc allés en cours à partir de la deuxième heure. Il s'agit de l'histoire-géographie, et mon soucis avec cette matière, c'est que je finis toujours par m'endormir. Allez savoir pourquoi, mais mon cerveau décide de rattraper le retard de sommeil dû aux cauchemars pile pendant ce cours. Peut-être qu'aujourd'hui sera différent, étant donné que j'ai bien dormi cette nuit, en comparaison des autres.

Au moment où je rentre dans la salle, je sens directement le regard perçant de Madame Dupin sur moi. J'ai vraiment intérêt à ne pas m'endormir. Alors que nous nous installons, Conan se penche vers moi, sur le ton de la confidence.

— On dirait que la prof t'as dans le collimateur, aujourd'hui. J'espère que ton magnifique rêve t'évitera de t'endormir.

Le cours commence, à propos de la République. La numéro combien, ça je n'en sais rien, je n'ai rien suivi des précédents. La note de bac va être salée. En y pensant, je me motive à me concentrer. J'aimerais vraiment éviter de redoubler à cause de cette matière. Une année supplémentaire avec Madame Dupin serait insupportable. Oh, je ne la critique pas, je sais bien qu'elle ne fait que son travail. Mais disons qu'entre nous, il y a comme qui dirait des étincelles. Et pas de manière positive.

***

Oh mince, je me suis endormie. C'est facile à déterminer, je suis dans un endroit que je ne connais pas. En plus, il fait nuit. Je regarde autour de moi, un peu perdue. Je crois que je suis dans un village. De quel pays, je n'en sais rien. Mais les maisons n'ont pas l'air très solides, donc je ne suis ni en Europe, ni en Amérique du Nord. Le sol est poussiéreux, je dois être dans une zone assez désertique. C'est un nouveau décor, je ne l'avais encore jamais vu, celui-là. Mes épaules s'affaissent. Je déteste les nouveaux cauchemars. Je suis incapable de déterminer ce qu'il va se passer, c'est insupportable. Je déglutis, et avance entre les habitations, sans savoir quoi faire.

J'aperçois alors des torches allumées un peu plus loin. Je m'en approche, en restant cachée. J'ai appris à me méfier de la lumière depuis un moment. Mes yeux s'agrandissent soudainement et mon poil se hérisse comme un porc-épic quand je vois une dizaine d'hommes armés. Il y a même quelques enfants avec eux. Crotte de gnou, j'arrive juste avant une razzia !

Je m'accroupis, adossée au mur d'une maison. Il faut que je reste cachée. De toute façon, je ne peux prévenir personne. J'ai bien tenté auparavant, mais ça ne sert à rien. Cela ne sert jamais à rien.

J'observe alors les hommes entrer sans un bruit dans le village et s'éparpiller. Le silence est pesant, mais bientôt il cessera. Comme un signal pour tous, un des hommes met le feu au toit d'une habitation. Aussitôt, les soldats entrent dans les maisons, attaquent les villageois mal réveillés, pillent et saccagent tout. La gorge nouée, j'observe le massacre, la panique, le tout empli des cris de panique d'un côté et de violence de l'autre. Je ferme les yeux, des larmes roulant sur mon visage.

Je sens alors une ombre qui me surplombe. Je lève la tête, et aperçois un des hommes armés juste en face de moi, dégainant son arme.

***

Je me redresse en sursaut, complètement paniquée. Mon coeur bat la chamade, et j'ai du mal à respirer. Mes yeux sont grand ouverts, là c'est sûr. Je suis de retour dans la salle de classe. Madame Dupin est juste en face de moi, et m'observe avec un regard désapprobateur. Mais au moins, ce n'est pas l'homme armé, et cela me fait bien moins peur.

— Bon retour parmi nous, mademoiselle Lecuyer. Un commentaire à ajouter sur ce que je viens de dire ?

Mes pensées se bousculent, et je suis complètement perdue. Les images de mon cauchemar me reviennent alors en tête. Je frissonne, et croise les bras sur ma poitrine en remontant mes genoux. Je crois que je suis en état de choc. Mince, je n'avais encore jamais fait de cauchemar en plein jour. D'habitude je peux gérer mes crises de panique tranquillement mais là...

Rapidement, je vois ma professeure changer d'attitude. Elle est tout de suite moins en colère. Je dois vraiment avoir l'air inquiétante. Elle se tourne vers Conan.

— Monsieur Mattiss, pouvez-vous accompagner votre amie à l'infirmerie s'il vous plait ?

Sans un mot, il se lève, m'attrape doucement par les épaules, et me fait bouger. Je ne sais pas comment je fais pour marcher, toujours est-il que j'arrive à avancer. Je dois avoir une démarche d'automate. J'entends des murmures inquiets sur mon passage. Mince, j'ai quelque chose sur le visage ? Depuis quand les autres s'inquiètent pour moi ? Ce n'est vraiment pas bon signe.

Sur tout le trajet, mon ami reste silencieux. Il ne m'a jamais vue faire de cauchemars. Je sais qu'au début il se moquait de moi, quand je lui en parlais. Ensuite, on a vu les conséquences de mon sommeil agité. Là, c'est devenu plus de la curiosité. Mais maintenant... Je crois que c'est de la peur. Il a peur pour moi. Il se dit sûrement que je dois gérer ma panique à chaque fois seule, et je sens que ça l'énerve. Pourtant, il devrait savoir que j'ai l'habitude. Cela fait près de six mois que ça dure.

Lorsque Conan pousse la porte de l'infirmerie, j'aperçois la télé, au bout de la pièce, accrochée au mur. Elle est sur la chaîne des infos. Après trois pas pour entrer dans l'infirmerie, mes joues perdent encore plus de leur couleur, bien que je ne le pensais pas possible. En direct, ils rediffusent des images d'un massacre dans un village. Et l'intervention vaine des forces de l'ordre. A l'endroit où je viens de faire un cauchemar. En voyant mon expression, mon meilleur ami lâche un juron.

— Bon sang, tu prédis l'avenir de catastrophes de plus en plus violentes et de plus en plus proches du présent, toi. Évite juste de prévoir ma mort, s'il te plait.

Avant même que je puisse réagir, la surcharge émotionnelle de tout ce que je viens d'accumuler se libère. Aussitôt, je tombe dans les pommes. C'est décidément une très bonne journée.

Le Coeur en RythmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant