Chapitre 5

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- Aller Alice ne t'inquiète pas ça va aller.

Mais c'est mon bébé Fred.

- Je le sais bien mais si elle te voit pleurer. Elle aussi, elle pleurera.

- Je voulais qu'elle reste avec moi.

- Je le sais bien.

- Et elle est partie sans me faire de bisou en plus. Son mari rigola doucement.

- Ta fille est comme toi, apparemment elle adore l'école. Elle était très excitée pour la rentrée. Tu l'as bien vu hier soir, il était impossible pour nous de la contenir.

- Je sais bien. Lui répondit Alice en reniflant.

C'était la rentrée des classes aujourd'hui. Elena avait eu trois ans en mai dernier donc il était temps pour elle de commencer l'école. Mais la plus affectée par ce changement n'était pas Elena comme on aurait pu le penser mais bien Alice qui ne voulait pas voir sa fille grandir aussi vite. Alice était toujours dans les bras de Fred quand celui-ci appela Elena. La petite se retourna et courra vers ses parents. Quand elle arriva et vit que sa maman était en larmes, elle tendit ses bras pour que celle-ci la prenne dans les siens. Après plusieurs minutes à faire un câlin à sa mère, Elena lui fit un bisou sur la joue.

- je t'aime maman. Lui dit Elena.

- Moi aussi je t'aime mon amour. Lui répondit sa mère en l'embrassant sur le front.

Elena fit ensuite aussi un bisou à son papa et une fois à terre, elle repartit dans la cour de récréation avec ses autres camarades. Alice et Fred regardèrent leur fille pendant quelques minutes et ils partirent main dans la main au travail.


Alice réalisa petit à petit ce qu'elle venait de comprendre dans le regard de Fred. C'était donc bien la vérité ce que Kadiri leur avait expliqué. Il s'agissait bien du corps de sa fille qui était à terre à plusieurs mètres d'elle. Et à ce moment là, quelque chose se brisa en elle et une douleur qu'elle n'avait jamais ressenti et qu'elle aurait pensé ne jamais ressentir un jour se réveilla en elle. C'est comme si une personne lui avait enfoncé une main dans la poitrine et qu'on lui serrait le coeur jusqu'à ce que celui-ci n'émette plus aucun battement. Sa respiration se coupa et sa vue se brouilla. Elle pensait qu'elle allait s'évanouir mais autre chose se produisit. Par automatisme, ses pas la menèrent vers le corps sans vie de sa fille. Sa fille, sa chair et son sang, sa princesse, une des plus belles choses qui lui soit arrivé dans la vie. Elle ferma les yeux et essaya de visualiser le visage d'Elena.


Maman.

- Oui mon coeur. répondit Alice en regardant sa fille.

- Tu penses qu'un jour je serais comme toi.

- Comment ça comme moi ma chérie.

- Bah tu sais, je serai belle comme toi et puis moi aussi je serai une maman aussi gentille que toi et je ferai pleins de bisous à mes enfants comme toi.

- Bien sûr que tu seras tout ça et bien plus encore.

- Maman.

- Oui mon amour lui dit Alice en lui caressant les cheveux.

- Je peux pas attendre d'être grande comme toi.

- Elena, le temps passe vite et bientôt tu seras grande aussi.

- Mais je suis déjà grande. J'ai cinq ans moi.

- Je sais mais tu es encore mon bébé.

- Je suis pas un bébé.

- Si, mon grand bébé à moi. Je t'aime mon ange lui répondit Alice en prenant sa fille dans ses bras.

- Moi aussi je t'aime beaucoup lui dit Elena avec un sourire. Même plus que papa ajouta t'elle en chuchotant. Mais c'est un secret.

C'est enlacés et endormies dans les bras l'une de l'autre que Fred les retrouva en rentrant du travail ce soir -là.


C'est cette image qui resta gravée dans la mémoire d'Alice. L'image de sa fille qui lui disait qu'elle l'aimait. Elle passa devant plusieurs officiers qui la dévisageaient. Fred la vit arriver vers lui, il s'avança rapidement, la prit dans ses bras et la mit dos au corps mutilé de leur fille.

- je veux la voir Fred.

- non ce n'est pas une bonne idée.

- C'est ma fille dit-elle en sanglotant.

- Je sais mais tu ne veux pas avoir cette image là en tête à chaque fois que tu fermeras les yeux.

- J'en ai besoin s'il te plait implora t'elle.

- Alice regarde moi.

Alice releva le menton et plongea ses yeux dans ceux de son mari. Tout deux étaient en larmes, ils venaient de perdre leur fille, leur petite princesse. Fred prit la parole.

- je suis désolé mon amour mais ce ne sera pas possible. Je ne veux pas que tu la vois, je le fais pour toi. Je veux que tu penses à elle dans ses bons moments avec toute la joie de vivre qu'elle nous transmettait. C'est de cela que je veux que tu te rappelles quand tu penses à elle.

- Fred. Elle releva la tête qu'elle avait baissé au fur et à mesure de ses paroles. On n'y survivra pas, je n'y survivrai pas dit-elle en pleurant de nouveau.

- Bien sûr que si, on va attraper ce fils de pute et on va surmonter la mort de notre fille.

- Je ne peux pas.

- Bien sûr que si. Pense à Paul et Ada, on va devoir leur annoncer qu'ils ont perdu leur soeur. Je n'ai pas envie de leur annoncer aussi qu'ils ont perdu leur mère.

Alice releva la tête d'un coup. Ses autres enfants, elle n'y avait pas songé une seule seconde. Ils étaient chez elle tout seul, personne pour les surveiller. D'habitude Elena les gardait, elle était assez âgée pour cela. A l'idée de penser à sa fille, Alice se mit de nouveau à pleurer.

- les enfants sont tout seul à la maison articula t'elle difficilement.

- Je vais appeler Victor.

Fred lui déposa un baiser sur les lèvres et s'éloigna d'elle de quelques pas. Il prit son téléphone et composa le numéro de Victor. Le greffier répondit après une sonnerie. Le commandant lui expliqua rapidement la situation et lui demanda d'aller chez lui pour garder les enfants. Une fois son téléphone raccroché, Victor s'habilla en quatrième vitesse et alla chez la famille Marquand. Une fois la discussion terminée avec son interlocuteur, Fred se tourna pour retrouver Alice et ce qu'il vit lui fit froid dans le dos.

Alice était à même le sol, elle avait enlevé le drap qui recouvrait le corps de leur fille. Il s'approcha rapidement d'elle avant que sa femme ne la touche. Il attrapa ses poignets, la plaqua contre son torse et recula de plusieurs mètres. Elle se débattit violemment pour qu'il la lâche mais Fred la tenait fermement contre elle. D'un geste rapide, il la tourna face à lui pour qu'elle le regarde et ce qu'il vit dans son regard le brisa. Elle le regarda, des larmes dévalant ses joues. Dans ses yeux il vit de la douleur, de la peine et de la haine. Surpris par la douleur que ressentait sa femme, il ne vit pas arriver la gifle qu'Alice lui administra. La gifle était tellement violente qu'elle résonna dans la ruelle. Alice se rendit immédiatement compte de son geste et recula de quelques pas.

- je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé s'excusa Alice toujours en pleurs.

Fred s'avança vers elle et la prit dans ses bras et ils pleurèrent dans les bras l'un de l'autre. Alice avait raison, comment allaient-ils pouvoir survivre à la mort d'Elena?

Destins brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant