Chapitre 6

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- On n'y arrivera jamais, murmure-t-elle.

Elle s'accroupi, les bras allongés sur la table, et le menton posé entre les deux. Elle souffle pour se calmer.

De son côté, Seijuro est sidéré. Alors c'est ça qu'elle pense vraiment en parlant avec son équipe ? Quand elle leur sourit, quand elle les regarde... c'est ce qu'elle pense ? C'est pourtant tellement faux dans l'attitude qu'elle arbore régulièrement. Et pleurer ? Ça lui fait penser...

- Qu'elle est comme moi.

Solitaire, à se cacher pour pleurer, et à donner si bien le change en public que tout à l'air de toujours bien se passer dans sa vie. Mais ce n'est jamais le cas. Qui sur cette Terre peut prétendre à vivre une vie parfaite, sans être hypocrite ou mentir ?

Il entre doucement et elle se fige. Comme une solution d'urgence, elle prend la petite imprimante et la pose derrière elle, histoire d'être dos à lui, le temps d'essuyer ses yeux. Il verrait sûrement que ça ne va pas, mais elle pourra toujours lui rappeler que ça ne le regarde définitivement pas.

Il se contente de la regarder, et de dire avant même qu'elle ne se relève :

- Alors tu es ce genre de personne.

Elle se redresse lentement, l'air de la défier de lui expliquer ce qu'il entend par là. Mais il ajoute :

- Ça ne m'étonne pas que tu sois un aussi bon capitaine d'équipe.

- Qu'est ce que...

- On ne voit pas beaucoup de génie se soucier des autres. C'est bien que tu le fasse.

- Je ne suis pas sûre que tu saches de quoi tu parles.

- Tu crois ? Je ne suis pas capitaine de mon équipe ?

- Ce n'est pas parce que tu en es un que tu en es un bon.

- Hum. Tu pense que tu n'es pas un bon capitaine ?

- Je ne suis pas capitaine tout court. Il n'y a pas de capitaine dans les équipes d'écriture, dit-elle froidement.

Il la fixe toujours, impassible, mais le ton sarcastique.

- Il m'avait pourtant semblé qu'ils n'écoutent que toi. Et qu'ils n'attendent que tes indications.

- Je suis écrivain. C'est normal. L'équipe s'agence autour de moi.

- Mais tu n'es pas capitaine.

- Non. Je ne sais pas gérer une équipe.

Elle se mord la lèvre. Pourtant, là où il n'a pas tort, c'est que contrairement à ce qu'elle avance, c'est elle qui dirige intégralement son équipe.

-Laisse-moi tranquille.

Il secoue la tête.

-Requête refusée. Je veux te voir te dire que tu vas y arriver. Que vous n'avez pas moins de chances de réussir que les autres. Que tu peux te fier à ton talent, parce que tu es un bon chef d'équipe, qui sait préserver ses coéquipiers et qui se fait respecter par eux, sans le moindre souci.

-Je ne suis pas...

-Tu as du talent. La seule chose qui devrait pouvoir te faire défaut, c'est l'inspiration.

Ils se regardent longuement.

La confiance en soi est la clef de toutes les réussites. Il facile d'en avoir, et lorsque cela concerne notre passion, il tout aussi facile de la perdre.

Elle s'apprête à dire quelque chose, mais elle ne dit finalement rien. Et lui la regarde toujours.

-Je peux te demander un service ?

Cette fois, Seijuro la dévisage.

-Qu'est ce que tu veux me demander ?

-Ne parle pas de ça à mon frère, s'il-te-plaît.

-Son frère ?

Il reste silencieux une seconde.

- Je ne savais pas que tu avais un frère.

-C'est Jeremya. On nous dit pourtant assez souvent qu'on se ressemble.

L'adolescent comprend tout de suite mieux pourquoi ils sont les deux seuls à être aussi blonds.

Il hoche la tête.

-Très bien. Je ne lui en parlerais pas.

-Merci.

Elle fait un paquet des feuilles que son équipe a utilisé, se penche en avant pour les numéroter, et inscrire les initiales du titre de l'histoire dans le coin supérieur droit.

Il n'arriverait pas à dire ce qu'il trouve de fascinant dans le fait qu'elle soit aussi organisée à son âge. Pourtant, il ne peut s'empêcher d'admirer un peu son application.

Hope ajoute la date sur la première feuille, et range le tout dans une pochette cartonnée.

- Ils ont tous leur pochette ?

Il ne sait pas pourquoi il a demandé. Elle ne sait pas pourquoi elle répond.

- Non. Mais un jour, ils l'auront. Pour l'instant, ils sont rangés par thèmes. Je pourrais faire un recueil avec ceux qui sont dans une même pochette.

Pourquoi ces histoires ont l'air aussi importantes pour elle ? Qu'est-ce qui la touche assez dans l'écriture pour qu'elle prenne soin de numéroter et classer son travail ? Il aurait pourtant juré qu'elle n'était pas si soigneuse. 

Il regarde ses manches retroussées et songe encore une fois qu'il a tort. Quelqu'un qui remonte les manches de sa chemise bien repassée, au même niveau et de la même épaisseur ne peut pas manquer de soin. 

L'écrivain fait un pas en avant, et manque de se prendre les pieds dans la table. Pour avoir oublié qu'elle était là, c'est qu'elle doit être très fatiguée.

- Tout va bien ?

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant