La Plume Et L'Archet

Chapitre 63

Elle les regarde sans vraiment les voir.

Pourtant, les joueurs sont là, sur le parquet, mais ses pensées rejoignent le dernier match que son frère a joué. Elle se souvient... qu'il avait commencé de la même manière : son équipe se faisait mener, et pas seulement au score.

Elle se redresse en se reconnectant à la réalité.

Seijuro lui fait signe de demander un temps mort.

Hope rejoint les arbitres et le sifflet retentit.

Elle sait qu'elle a dit à son compagnon de ne pas s'en faire, que le début se passerait comme ça. Elle avait juste sous-estimé la longueur du « début ».

Elle regarde le chrono : cinq minutes deux deuxième quart temps.

- Eh ben.

La jeune femme soupire et croise les bras.

- Je ne vous pensais pas aussi amorphes.

Toutes les têtes se redressent.

- Je propose la combinaison suivante : Misaki remplace Kise. Aomine rentre à la place d'Akashi. Avec un peu de chance, ça rajoutera un peu de mouvement...

- Tu te moque de moi ?

Misaki s'est levée, en colère.

- Je ne suis pas un pion, que tu mets sur le parquet pour « rajouter du mouvement ».

- Ah oui ? Pourtant, avoue que tu ne fais pas grand-chose d'autre que de bouger, depuis le début du match, la provoque Hope avec un sourire sarcastique.

L'arbitre siffle à nouveau, le match va reprendre.

- Regarde bien, Madame « je me fais passer pour quelqu'un que je ne suis pas ». on va voir, si je ne fais que du mouvement.

Elle repart sur le parquet, rageuse.

- Je ne faisais pas ça, avec Kagami.

- Je m'en doute. Mais elle, elle va rapidement se calmer, quand elle va se rendre compte que j'ai raison.

Kuroko lui lance un coup d'œil indécis, et retourne aussi sur le parquet.

- Tu crois que c'est une bonne idée ?

Elle se tourne vers Seijuro pour lui répondre :

- C'est une méthode que je reprends d'un entraîneur que je connais. Ça avait marché. Ça marchera ici aussi.

- Pourquoi ?

- Parce qu'elle veut être la meilleure, dit-elle platement en s'asseyant. Quoi qu'il lui en coûte.

Hope regarde ce qui se déroule devant leurs yeux d'un air qu'il ne lui avait jamais vu : le même regard que celui qu'il a alors que ses plans fonctionnent à merveille.

Elle est littéralement fascinée par ce qu'elle vient de lancer. Misaki joue avec une rage que personne ne lui connaissait dans l'équipe. Et si elle permet dans un premier temps de réduire l'écart au score, la jeune femme comprend très vite qu'il va quand même falloir la sortir.

L'annonce de la fin du deuxième quart-temps lui facilite la tâche.

- Tu veux que je me rassoie ? C'est une putain de blague ?!

- Je ne te pensais pas aussi vulgaire. Non. Je pense que c'est le mieux.

Le problème majeur quand on sort le fauve, c'est qu'il faut parvenir à le rendormir.

- Je pense faire intervenir Murasakibara pour le prochain morceau. Dans l'idéal, il faudrait que vous ayez tous joué ce match et si possible, dans plusieurs configurations. Mais il faudra que ce soit toi qui marque les derniers points.

C'est à Misaki qu'elle l'a dit.

- Pardon ?

Tout le monde la dévisage.

L'atmosphère du vestiaire change encore une fois, et elle explique :

- Les gens qui sont venus voir ce premier match pensent que vous n'avez fait qu'ajouter trois filles à votre équipe, et que ça vous suffit pour vous considérer comme mixte. Sans parler du fait qu'ils n'ont absolument pas peur de vous. Je en dis pas qu'il faudrait que ce soit le cas, mais on en arrive à de l'inconsidération. Et vos futurs adversaires ne vous prennent pas au sérieux.

Elle met ses mains dans ses poches, et dit ensuite :

- La personne que j'ai salué tout à l'heure, est un ancien joueur de NBA anglaise. Et il venait avec son équipe pour vous regarder. Visiblement, il ne s'attendait pas à des miracles, mais il est venu. C'est sûrement parce qu'il réfléchit un minimum. Il a l'habitude d'aller voir ses adversaires jouer, des fois qu'ils aient modifié des choses dans leur jeu. Et là, il est assis parmi ses coéquipiers, qui ne voient pas l'intérêt d'être assis dans les gradins. Il faut que ce soit toi qui les marques parce que ses points auront plus de valeur symbolique, que si c'est Aomine ou Kise qui les marques.

Hope hausse les épaules.

- Après, ce n'est que mon avis. Vous pouvez toujours décider de ce que vous voulez faire, je ne suis pas dans l'équipe.

Midorima l'observe longuement.

Il ne pensait pas qu'elle réfléchissait autant. C'est vrai que la manière dont elle les fait travailler est particulière, et qu'il en voit rarement l'intérêt.

Néanmoins, il remarque qu'elle a oublié d'être bête. Elle les a lancés dans ce match, en pensant à ceux d'après. Et son raisonnement lui semble venir de soi.

- Personnellement, je suis d'accord.

Les autres se tournent vers lui. Il remonte ses lunettes du bout des doigts.

- Je veux lui donner un coup de pouce, pour voir où ça nous mène.

- Je suis d'accord aussi, dit Seijuro en se levant. De toute façon, il faut qu'on se remette dans le bain. On manque de pratique en match.

Elle ouvre grand les yeux, claque des doigts, et hoche la tête.

- Elle vient d'avoir une idée, relève Kise en se redressant.

- Bon, si ça vous va, on fait comme ça, je me note juste quelque chose à faire...

Elle sort son téléphone, tape quelques mots, le range.

- Désolée, dit-elle ensuite. Les autres... ?

- Je n'ai pas encore joué. Mais j'aimerais beaucoup le faire, dit calmement Shizue. C'es peut-être un peu égoïste, mais...

- Pas du tout, tout le monde a le droit de vouloir jouer, lui répond Kuroko avec un sourire.

Les huit joueurs sont prêts à se lancer dans la fin du match.

Hope sort du vestiaire en dernier.

- Ça va le faire. Ouais. Ça va le faire.