Chapitre 9

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Le trajet est long. Assez long pour qu'il ne se souvienne du type de soirée à laquelle il a été convié que lorsque sa voiture s'arrête devant la grande entrée, autour de laquelle des banderoles affichent fièrement : Gala de charité annuel de Tokyo.

- Je sens que ça va être amusant, se plaint-il en ouvrant la porte.

Son chauffeur lui lance rapidement un regard indulgent, et éloigne le véhicule de devant la porte, pour laisser aux voitures arrivées derrière lui, la place de à arrêter, puis de repartir.

Seijuro vient seulement de mettre les pieds à l'intérieur qu'il se dit déjà que cette soirée va être longue. Très longue. Horriblement longue. Il en regrette presque d'avoir laissé le livre "Histoire des étoiles" de Kenichiro Azumane sur la table de sa salle à manger, autour de laquelle il s'est assit pour la première fois aujourd'hui. Première fois en cinq mois d'installation.

Mais à quoi lui sert un appartement aussi grand et avec autant de pièces, s'il n'a besoin que de la salle de bain et de sa chambre ?

Il frissonne.

Passer la soirée avec des gens qui sont "heureux de le revoir" et qui "beaucoup de personnes à lui présenter" ne l'enchante pas, surtout alors qu'il n'a pas dû dormir plus de quatre heures la nuit dernière. Vive la technologie et les réunions par internet à l'autre bout du monde à deux heures du matin.

Il attrape une coupe pleine sur un plateau, et se dirige vers la première victime de son "plan social"

- Seijiuro ! Quel plaisir de vous revoir ! s'exclame la femme trop maquillée en le voyant arriver.

Il s'incline légèrement.

- Bonsoir. Bon anniversaire. Même si je suis un peu en retard. Je suis désolé de ne pas avoir pu me libérer pour votre fête.

Elle hausse les épaules dans un grand mouvement. Il se doute que ce n'est plus très grave, maintenant qu'il l'a choisi elle pour discuter en premier.

La femme de quarante cinq ans dont la robe bouffante met en avant son ventre arrondi par l'enfant à l'intérieur glousse légèrement.

- Ne vous en faîtes pas ! Vous êtes totalement pardonné ! J'ai adoré le collier que vous n'avez fait porter. Il est superbe.

- Je suis ravi qu'il vous plaise. Je ne pouvais pas être absent et ne rien vous offrir.

Ce qui le différencie de son père, ce sont ces attentions qu'il n'hésite pas à faire. Ou à donner. Ces noms dont il se souvient, ces dates... toutes ces choses qu'il fait de lui même, peut-être parce qu'il n'a pas de secrétaire, lui donnent un air que les gens qualifient aisément de "charmant". De quoi transformer "monsieur Akashi", en celui que tous considèrent comme "le célibataire le plus convoité du pays".

Mais pendant la courte discussion qu'il vient d'avoir, il a songé à quel point sa politesse et son air aimable lui cause des ennuis. A cause de ça, c'est lui qu'on invite aux soirées. C'est lui qu'on demande. C'est aussi lui qu'on présente.

- Mais je ne suis pas tranquille. Pardonnez-moi, je dois saluer encore quelques personnes.

- Mais bien sûr ! Portez-vous bien !

- Vous aussi, n'hésitez pas à me donner des nouvelles, dit-il en montrant rapidement son ventre.

Elle pose sa main dessus en riant.

- Oh, mais vous pouvez compter sur moi ! A bientôt !

Très vite, elle lui a tourné le dos, et est partie faire la conversation à quelqu'un d'autre.

Il se dirige avec soulagement à l'autre bout de la salle, pour aller à la rencontre d'un homme d'affaire plus vieux que son père, celui que ce dernier lui avait présenté la première fois qu'il avait mis les pieds dans une soirée, alors qu'il venait d'avoir dix-neuf ans.

- Quel plaisir de vous revoir.

- C'est toujours un plaisir, à ce qu'on me dit... songe-t-il avec rancœur.

Il parle de longues minutes avant qu'un rire ne lui fasse tourner la tête vers la gauche.

Seijuro revient au vieil homme, qui lui demande des nouvelles de son père.

- Vous savez ce que c'est. Il n'a pas le temps de s'inquiéter de quoi que ce soit.

- Il faudrait qu'il fasse tout de même attention. Il ne faudrait pas qu'il y laisse sa santé.

- Je serais tenté de lui expliquer, néanmoins, je ne suis pas sûr qu'il m'écoute. De toute façon, je sais que pour le moment, il se porte bien.

- Moui... m'enfin, nous ne sommes plus tous jeunes. Heureusement que vous êtes là pour alléger sa tâche.

Le rire bruyant lui fait à nouveau tourner la tête à gauche. Sauf que cette fois, près de la femme au rire strident, il voit un visage, qui ne lui est pas inconnu. Et pourtant...

Il la regarde longuement avant de se rendre compte que c'est elle.

- Hope.

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant