La Plume Et L'Archet

Chapitre 66

- Je n'ai jamais été aussi heureux de rentrer chez moi ! dit-il lorsqu'ils passent la porte.

Elle lui lance un regard circonspect et il se décide enfin à lui expliquer son comportement légèrement possessif de la veille au soir.

- Kise craque un peu sur toi.

Hope sourit doucement.

- C'était ça alors ?

- Il est venu m'en parler.

Devant son air boudeur, elle vient l'enlacer.

- Mais c'est toi, moi, que j'aime.

Il soupire et l'embrasse sur le front.

- Je sais. Mais c'est plus fort que moi.

- Hum. Je te préviens, que le jour où tu sors avec quelqu'un d'autre que moi, je te fais la tête au carré, et on ne retrouve jamais son corps.

- Pourquoi tu me dis ça ?

Il hausse un sourcil.

- Pour te faire passer l'idée de craquer sur quelqu'un d'autre pendant que j'y pense.

Il sourit et la serre un peu plus contre lui.

- C'est le monde à l'envers.

- Tu es à moi et personne d'autre, d'accord ? Il me semblait pourtant que tu savais que la réciproque était tout aussi vraie... alors ne me tente pas de me fâcher, d'accord ? Possessif, si tu veux, jaloux, hors de question.

- Oui madame.

Elle sourit.

- Qu'est ce qu'il a bien put te raconter...

- Quand vous vous êtes présentés.

Elle éclate de rire.

- Ah oui ! je m'en souviens ! Avec son histoire de ballon ! C'était très drôle. Mais je suis sûre qu'il ne t'a pas exactement raconté comment ça s'est passé. Tu vas voir, en y repensant, c'est très drôle. Il regardait les joueurs et il me demande soudainement : « Ça ne te donne pas envie de jouer, toi ? ». J'étais de mauvaise humeur. Donc il a eu une réponse adaptée aux circonstances : « Je ne suis pas un chien. Ce n'est pas parce que je vois une balle que je dois jouer avec. ». Il avait l'air tellement surprit, que ça m'avait fait rire. Je lui avait finalement dit que je m'appelais H.

Il réfléchit longuement.

- Moi, tu m'as parlé de toi presque tout de suite. Et lui, tu lui a demandé de t'appeler H ?

Elle secoue la tête.

- Je ne lui ai jamais donné mon nom.

Il ne s'explique pas cette différence de traitement aussi flagrante.

- Mais...

- Je l'ai rencontré après toi. Et toi... tu es un peu comme moi. Et quand tu es là, je me sens à l'aise, et protégée. C'est un peu ridicule, mais j'aime l'aura protectrice que tu as. Et tu l'as au moins depuis que je t'ai rencontré ce jour là.

- Tu veux dire que mon air massacrant t'a attirée ?

Elle fait une moue réfléchie et finit par dire :

- Si tu veux, ça fait plus court.

- Je vois.

- Il est un peu trop... souple pour moi. Et un peu trop jeune aussi.

- On a le même âge, réplique-t-il avant de comprendre.

Il a toujours été plus vieux que les autres enfants de son âge, dans ce cas. Et il l'est toujours. Depuis que sa mère est morte, surtout. Comme s'il avait plusieurs années de décalage. Comme s'il était déjà lycéen lorsqu'il entrait au collège. Comme s'il avait déjà gagné l'inter-lycée avant d'intégrer l'équipe de Rakuzan.

Mais paradoxalement, il a des difficultés à voir l'échec. A comprendre que la réussite n'est pas l'arrivée, mais l'objectif.

- J'ai beau avoir l'air plus vieux, j'ai été élevé par mon père. Et à cause de ça, il y a des choses qu'on apprend aux enfants que je ne comprends pas encore. Tu crois que tes adolescents vont vouloir jouer avec nous ?

Elle note mentalement le changement de sujet et secoue les épaules.

- Ecoute, je ne vais pas leur dire que c'est contre vous. Mais vous allez être surpris, ça c'est sûr. Par contre, eux vont se prendre des raclées.

- Je te trouve un peu opportuniste, de les faire jouer contre nous. Ils vont pouvoir progresser, en nous regardant de près.

- Oui, mais à la rigueur, c'est pas grave, puisque vous ne jouerez pas de matchs officiels les uns contre les autres. Et de toute façon, crois-moi, ce sera plus bénéfique pour vous que pour eux. Et dans tous les cas, vous allez pouvoir jouer d'une manière différente. Ça va vous faire tout drôle de voir ce que vaut un corbeau.

- Un corbeau ?

- Quand les oisillons quittent le nid pour jouer à l'école, ou même quand il on un niveau de lycéen, ils deviennent officiellement des corbeaux : prêts à quitter le nid pour de nouvelles aventures.

- Je vois.

Elle frotte son nez contre le sien.

- Ça va être drôle, tu vas voir.

- En général, quand tu dis ce genre de choses, tu es la seule à t'amuser.

Hope lui fait son plus beau sourire carnassier.

- Peut-être seulement parce que vous êtes mauvais joueurs.